Port-au-Prince, 11 juin. 03 [AlterPresse] --- Une table ronde sur les droits humains et le SIDA (Syndrome de l’Immuno-Déficience Acquis) se tient les 12 et 13 juin 2003, pour la première fois à Port-au-Prince (Haïti), en vue de trouver des réponses qui respectent la dignité des personnes vivant avec le virus (PVVIH).
Effectuer une percée pour une législation nationale en matière de VIH SIDA, la création d’un réseau de droits humains contre le développement de la maladie, la promotion et la protection des droits fondamentaux des PVVIH : tels sont les résultats attendus par l’Association de Solidarité Nationale (ASON) avec les personnes infectées et affectées du SIDA, qui organise les deux journées d’échanges.
"Nous constatons que les organisations de défense de droits humains en Haïti s’intéressent davantage aux violations des droits politiques au détriment des violations des droits sociaux. Nous espérons que la table ronde pourra être conclue avec l’adoption de lignes d’actions susceptibles d’être utiles à la société haïtienne ", a indiqué à AlterPresse Jean Saurel Beaujour, directeur exécutif de ASON.
Beaujour, qui est une personne séropositive, croit néanmoins que le plus important à dégager de la table ronde du mois de juin devrait se situer dans la sensibilisation, la conscientisation, un changement d’idées, un autre langage pour les PVVIH et contre l’épidémie, un autre sens de responsabilité chez les PVVIH qui ne doivent pas aller infecter d’autres personnes.
La société doit placer son mot sur le Droit à la Santé, le Droit au Travail, le Droit à l’Education des PVVIH, qui sont des droits naturels fondamentaux, toujours violés. En plus, il faut mentionner le droit au logement des PVVIH contraintes, malgré leurs faibles conditions économiques, d’abandonner les quartiers où elles vivaient lorsque les voisins apprennent leur séropositivité.
"Il est nécessaire pour la société d’analyser la réalité des personnes vivant avec le virus du SIDA, pour que la maladie ne serve pas de prétexte à la perpétuation de violations des droits de ces personnes à l’intérieur d’un système basé sur la discrimination et les préjugés ", a pour sa part souhaité Begerl Chéry, coordonnateur des activités à ASON.
La stigmatisation est aussi une autre violation des droits des PVVIH, selon l’Association de Solidarité Nationale avec les personnes infectées et affectées, qui évoque les exigences de patrons aux postulants d’emplois (y compris dans les cas de recrutement de recrues au sein de la Police nationale d’Haïti) d’effectuer un test de dépistage du SIDA avant de pouvoir intégrer une équipe de travail.
"Dès qu’une personne est infectée, elle est rejetée comme employée. Les enfants innocents, nés séropositifs, sont renvoyés des écoles. Les PVVIH n’ont pas accès aux soins de qualité, la plupart meurent faute d’encadrement et de traitement appropriés. D’où la responsabilité à assumer par l’Etat en ce qui concerne le respect des droits des PVVIH, surtout dans le milieu médical ", a souligné Saurel Beaujour.
Parlant de législation, le directeur exécutif de ASON a rapporté le cas d’une femme séropositive, emprisonnée durant plusieurs mois, après qu’elle eut vendu une exploitation agricole pour faire face aux funérailles de son mari, décédé du SIDA.
"L’acheteur, non satisfait du faible rendement de l’exploitation acquise, a par la suite porté plainte auprès de la justice qui a ordonné à la femme séropositive la restitution de la somme reçue. Non seulement, cette femme séropositive souffre de zona, son mari est mort de SIDA, mais elle est ruinée par les dépenses familiales encourues pendant la maladie ", déplore Beaujour.
Beaucoup de témoignages sur la discrimination et la stigmatisation dont souffrent les PVVIH en Haïti doivent être rendus publics à la table ronde des 12 et 13 mars 2003. Depuis 1983, ce sont les forces productives du pays qui périssent du SIDA, une maladie ayant déjà causé la mort de plus de 300,000 personnes sur le territoire national.
L’Association de Solidarité Nationale suggère d’insérer, dans la législation à élaborer, des points relatifs aux "médicaments antirétroviraux " (ARV), aux devoirs et responsabilités des PVVIH envers la société, à la définition d’une stratégie pour freiner le taux de prévalence du SIDA dans le pays.
L’association estime que l’Organisation des Nations Unies a intérêt à se pencher sur le droit à la circulation des PVVIH, qui devraient " être en mesure de se rendre dans les pays où elles veulent, en se conformant aux modalités des voyages ".
En plus de la législation en matière de VIH SIDA, la table ronde des 12 et 13 mars abordera les instruments internationaux et nationaux en matière de droits humains (les conventions internationales qui garantissent les droits à la dignité des personnes, la Constitution du 29 mars 1987 qui garantit ces droits dans ses articles 19 et 23), la discrimination et stigmatisation envers les PVVIH, la prise en charge des PVVIH (au-delà de l’aspect " prévention ", la défense des droits humains des PVVIH (y compris la question de l’assurance).
ASON plaide pour la participation de la population à travers les taxes (émission de timbres-poste spéciaux), dans le but de renforcer la lutte contre le VIH SIDA et favoriser l’accès des PVVIH aux médicaments gratuits, qui ne devrait pas reposer uniquement sur l’aide internationale, aux yeux de l’association.
Sur le chapitre des supports financiers, ASON se prononce pour une meilleure coordination des fonds (via ONU SIDA, dit-elle) au sein du système des Nations Unies, dont la plupart des agences établies dans le pays auraient un volet SIDA dans leurs programmes d’actions sur le terrain.
"Grâce à l’émergence de l’association des séropositifs luttant contre les discriminations et les dénonçant, plusieurs institutions ont fini par admettre la nécessité de modifier leurs programmes d’actions pou apporter une réponse plus efficace. Dans ce sens, aujourd’hui, elles ont intégré un volet de soins dans leurs actions, parce les PVVIH font partie de la solution au problème ", a indiqué Saurel Beaujour qui préconise un redressement dans l’utilisation des fonds destinés à la maladie du SIDA.
La réalisation de la table ronde sur les " Droits Humains et le SIDA " serait un effort pour trouver des réponses significatives contre l’épidémie du SIDA, a avancé ASON qui pense que le non respect des droits humains engendre des frictions dans la société.
Se référant à l’expérience conduite par Zanmi Lasante à Cange (Plateau Central), l’Association de Solidarité Nationale propose une approche participative d’intégration de soins assortie de résultats probants, dans le cadre du SIDA.
"Pour nous, il faut la formation, l’éducation et la sensibilisation qui encourage le personnel médical à modifier de comportement, à s’adapter à la réalité des PVVIH ".
Environ 200 personnes, parmi les représentants d’institutions, d’associations et d’organisations, ainsi que diverses catégories sociales y compris des PVVIH, devraient participer à la table ronde des 12 et 13 mars, selon les attentes du comité organisateur.
Un livret intitulé " ce que vous devez savoir sur les droits humains et le VIH SIDA ", de même que des affiches sur le thème des échanges seront disponibles à la table ronde, qui est financée à hauteur de 23 mille dollars américains par la mission spéciale de l’Organisation des Etats Américains (OEA) en Haïti.
Le Ministère de la Santé Publique et de la Population, sous le patronage duquel est placé la table ronde des 12 et 13 mars, prévoit d’organiser, pour sa part, un atelier de travail sur le " cadre de référence national pour les interventions de prise en charge communautaire des personnes vivant avec le VIH SIDA ", qui se tiendra au nord de la capitale du 23 au 26 juin 2003. [rc apr 11/06/2003 18:40]