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Haïti : Les 100 premiers jours du gouvernement soulèvent l’inquiétude du secteur des affaires

P-au-P, 7 Oct. 06 [AlterPresse] --- L’établissement d’un climat propice à l’investissement et à la création d’emplois dans le pays constituait vendredi (6 octobre 2006) la toile de fonds d’un dîner-conférence organisée par la Chambre de commerce franco-haïtienne à l’occasion des 100 premiers jours du gouvernement du premier ministre Jacques Édouard Alexis.

En présence des ambassadeurs étrangers, dont Christian Conan de la France et Janet Sanderson des Etats-Unis, les hommes et femmes d’affaires d’Haïti n’ont pas caché leurs inquiétudes face à la persistance de l’insécurité dans le pays et à ce qu’ils considèrent comme l’inaction du gouvernement sur certains dossiers.

« Mes collègues et moi, nous sommes inquiets », confie Grégory Brandt, président de la Chambre de commerce franco-haïtienne. Le représentant du secteur des affaires déclare qu’ « aucun signal pour le respect de la propriété privée et le rétablissement d’un climat de confiance » n’est donné part les autorités gouvernementales.

Grégory Brandt se dit inquiet également de la situation de « turbulences marquées par la stagnation économique, la décapitalisation du patrimoine national et la fuite chronique de cerveaux. »

Grégory Brandt rappelle que, lors de son installation, le Premier Ministre Jacques Édouard Alexis avait promis de s’attaquer à trois grands problèmes pour faciliter la relance de l’économie nationale. Il s’agit, entre autres, de la création d’un environnement propice à l’investissement national et étranger, et l’innovation par la création d’un centre de facilitation des investissements (CFI) qui permettra la reprise des investissements privés.

Le président de la Chambre de commerce franco-haïtienne reconnaît toutefois que « des étapes ont été franchies, le CFI a été lancé » et le patronat a encore confiance en ce gouvernement. « Nous sommes prêts à créer des emplois (…) et nous attendons de vous l’instauration d’un climat propice à l’investissement, à la création d’emplois. Le temps est à l’action », lance Grégory Brandt à l’adresse de Jacques Édouard Alexis.

« Si nous vivons dans un même pays, nous devons nous entendre sur les critères, sur les paramètres que nous devons tous et toutes utiliser pour mesurer, pour évaluer la situation de notre pays, la situation de notre société », réplique le Premier Ministre haïtien qui dit vouloir fournir « une réponse qui soit à la hauteur de l’inquiétude manifestée par le président de la chambre de commerce franco-haïtienne. »

Tout en soulignant l’état de délabrement dans lequel se trouve le pays, Jacques Édouard Alexis a fait savoir que « l’héritage est lourd » et le gouvernement actuel n’a que trois mois d’existence.

« En tout cas, par rapport aux objectifs que le président (René) Préval et le gouvernement se sont fixés, nous pouvons dire que nous sommes dans la bonne voie, que nous ne sommes pas dans l’optimisme béat car nous mesurons l’état de délabrement dans lequel le pays se trouve », affirme le Premier Ministre sur ton ferme.

Malgré les propos tenus préalablement par Grégory Brandt, Alexis a « quand même délivré le message » préparé dans le cadre de ce dîner-conférence. Le chef du gouvernement se félicite des efforts consentis pour « refaçonner la dignité du pays dans toute sa plénitude ».

« Notre pays s’est ressaisi (…) Des changements d’attitude significatifs, annonciateurs de relations respectueuses et harmonieuses entre les partenaires internationaux traditionnels et Haïti se manifestent de plus en plus. Nous constatons aussi avec plaisir que de nouveaux pays souhaitent établir avec nous des relations diplomatiques », se réjouit Jacques Édouard Alexis.

Le Premier Ministre a fait état de certaines réalisations du gouvernement dont « l’adoquinage des rues dans plusieurs villages et quartiers de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien (Nord), ainsi que la construction de hangars de marché public et de complexe éducatif. »

Alexis a indiqué que l’activité de collecte de détritus dans 23 villes du pays a permis au gouvernement de générer environ 5 mille emplois.

Il a évoqué la non disponibilité des fonds promis par les donateurs internationaux qui, selon lui, retarde les actions gouvernementales en matière de développement socio-économique.

« En dépit des engagements et des promesses, nos partenaires internationaux, à de rarissimes exceptions près, n’ont pas assoupli leur approche », soutient le premier ministre, tout en estimant que « la relance de l’économie par la création de richesses est l’une des grandes priorités du gouvernement. »

Jacques Édouard Alexis a également mentionné les efforts de son équipe dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’environnement et de la communication. Il a aussi parlé du remembrement du secteur des coopératives.

« Le président Préval a passé des instructions pour que la technologie informatique soit mise à contribution pour rendre plus transparentes la gestion des finances et les dépenses de l’État », a-t-il dit.

Outre l’insécurité, Alexis a estimé que les catastrophes naturelles ont joué un rôle important dans la débâcle économique que connaît le pays. « L’insécurité et les catastrophes naturelles ont continué à aggraver la situation », reconnaît le chef du gouvernement.

Il a précisé que « la grande vulnérabilité du pays aux catastrophes naturelles nous a conduit au renforcement du secrétariat permanent de gestion des risques et des désastres. »

Le dîner-conférence de la Chambre de commerce franco-haïtienne autour des 100 premiers jours de Jacques Édouard Alexis s’est déroulé dans une ambiance conviviale. Après les deux exposés magistraux du secteur privé et du gouvernement, chacun se dirigeait vers le buffet qui était préparé en la circonstance. Sur sa table, le Premier Ministre avait à ses côtés quelques membres de son gouvernement. [do apr 07/10/2006 11 :40]