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Inquiétudes sur la politique extérieure d’Haiti

Lettre ouverte au ministre des affaires étrangères Jean Reynald Clérismé

Par Jirah Smet (Ligue haïtienne anti-impérialiste)

Document soumis à AlterPresse le 22 septembre 2006

Le 22 septembre 2006

Monsieur Jean Reynald Clérismé
Ministre des affaires Etrangères

Monsieur le Ministre,

Vous avez représenté la république d’Haïti à la conférence des pays Non-alignés, à la Havane. Le débat s’était déroulé sur un ensemble de problèmes ayant trait à la situation des pays dits du Sud, situations économiques, coopération sud-sud, les guerres, les agressions et tentatives d’agression de l’impérialisme, notamment l’impérialisme américain, contre l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie, la Corée du Nord, le Soudan etc.…

Pour une fois, Haïti a participé à côté des autres pays partenaires du Caricom à cette grande manifestation de solidarité. Nous voulons croire q’il en sera ainsi continuellement.

Mais il y a un problème sur le tapis qui retient toute notre attention. Il s’agit de la position d’Haïti à la prochaine assemblée générale de l’ONU, ayant trait à la candidature du Venezuela et du Guatemala comme membres représentant l’Amérique Latine au conseil de sécurité.

En effet, Monsieur le Ministre, vous avez fait une intervention, à l’occasion du sommet des Non-Alignés, à Cuba, qui nous préoccupe un peu. Dans votre discours, jouant les conseillers, vous avez déclaré que le président haïtien René Préval a compris la nécessité qu’Haïti fasse partie des 118 pays non-alignés et bénéficie de la coopération Sud-Sud, sans négliger la coopération Nord-Sud.

Nous jugeons ces propos inopportuns, car aucun des pays non alignés, à aucun moment que ce soit, n’a sous-estimé ni dénié l’importance des relations « Nord-Sud », pourvu qu’elles se déroulent dans le cadre du respect du principe de l’autodétermination des peuples, telle qu’il est défini par la chartre des Nations Unies.

Par exemple, la République Socialiste de Cuba, pendant 4 décennies, a tout entrepris pour entretenir des relations normales avec les Etats Unis d’Amérique, l’un des plus puissants économiquement du club des pays dits du Nord. En guise de réponse, ce pays n’a récolté que des provocations, les unes plus grossières que les autres. La dernière en date, c’est l’installation à Guantanamo d’un sordide camp de prisonniers Afghans et autres accusés de terrorisme. Alors que l’accord pour la cession de terrains pour l’établissement de dépôts de charbon et de bases navales à Cuba a été signé avec le premier président cubain, Thomas Estrada Palma, qui était également, par inadvertance, citoyen des Etats-Unis d’Amérique. Donc, un accord signé entre Théodore Roosevelt et Estrada Palma, tous deux américains, à l’insu du peuple cubain. L’accord concernait l’établissement de bases dans la baie de Bahia Honda (mais cette dernière ne vit finalement jamais le jour) et dans celle de Guantanamo, qui devint une base militaire US permanente. Par cet accord signé le 23 février 1903 et confirmé en juillet 1903, qui ne pouvait être rompu que par décision conjointe des deux signataires, la République dépendante de Cuba autorisait les forces navales des Etats-Unis d’Amérique à stationner sur une portion de son territoire autant de temps que l’Empire l’estimait nécessaire.

Nous nous sommes permis de vous rappeler tout cela, Monsieur le Ministre, afin que vous compreniez que si les relations Nord-sud dont vous parliez ne sont pas toujours cordiales, c’est à cause du désir des puissances impérialistes de dominer par tous les moyens le reste du monde.

Monsieur le Ministre, nous avons beaucoup d’inquiétude quant à la nature de vos éventuelles prises de position, dans le cadre de la politique extérieur d’Haïti. Prochainement, deux pays présenteront leurs candidatures à la délégation de l’Amérique latine au conseil de sécurité des Nations-Unies : Le Venezuela et le Guatemala.

De toute évidence, le Guatemala est fortement soutenu par les USA qui, depuis la chute forcée du colonel nationaliste Jacobo Arbens, le considèrent comme un joyau de sa couronne. Le Venezuela lui, est certain de bénéficier des suffrages de certains pays du CARICOM et d’autres attachés aux valeurs anti-impérialistes du non alignement.

Dans cette situation, quelle sera la position d’Haïti ? Le sentiment qui prévaut malheureusement en Haïti et dans la diaspora haïtienne, c’est que le ministre des affaires étrangères, monsieur Jean Reynald Clérismé, dans ce cadre très sensible, tournera le dos au Venezuela, l’un des avant postes de la lutte contre la politique dominatrice des USA en Amérique Latine et dans le monde.

Le choix d’Haïti en cette circonstance particulière sera sans nulle doute un révélateur des orientations que prendra le gouvernement de monsieur Préval.

Personne ne peut oublier le mauvais coup porté en 1963 contre Cuba par l’ancien ministre des Affaires étrangères, René Charlmers, sur instruction du dictateur François Duvalier, contre la jeune République Socialiste de Cuba, à la conférence de Punta del Este ( Uruguay), quand il fallait voter pour ou contre ce pays, du cercle des pays Pan Américains.

Nous tenons à rappeler très sérieusement que dans les circonstances tragiques que traverse Haïti, il ne peut être question pour quiconque de nos responsables de se mettre à danser la Patchanga quand il faut prendre des décisions susceptibles de marquer NOTRE SOUVERAINETE.

Avec l’expression de notre haute considération

Jirah Smet,
Pour la ligue haïtienne anti-impérialiste
Ref : smetji211@yahoo.fr