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Conférence internationale sur le SIDA

L’expérience haïtienne contée à Toronto

Par Jean-Claude Louis, de Panos

Soumis à AlterPresse le 17 août 2006

L’expérience haïtienne en matière de lutte contre le VIH/SIDA a été présentée le 16 aout dans l’une des sessions de la 16e Conférence internationale sur le SIDA à Toronto (Canada) comme une réussite.

« Aujourd’hui Haïti est un success-story à l’échelle nationale, régionale et internationale en matière de lutte contre la pandémie du SIDA » soutient le docteur Emile Hérald Charles, directeur du programme santé de la Fondation SOGEBANK, récipiendaire principal du Fonds Mondial en Haïti.

Depuis l’arrivée du Fond Mondial en 2003, le nombre des institutions prestataires de soins a considérablement augmentée. Le financement à travers la Fondation SOGEBANK et les autres partenaires dont le Plan d’Urgence du Président des Etats-Unis pour le VIH/SIDA (PEPFAR) et l’Agence Canadienne pour le Développement International (ACDI) a permis de mettre 7589 patients sous ARV à long terme, la mise en place de 150 centres de dépistage volontaire et 22 centres de distribution d’antirétroviraux.

Dr Charles a souligné l’importance des activités de prévention en Haïti dont ses stratégies stimulent des résultats satisfaisants. A cet effet, on peut considérer l’utilisation des préservatifs qui connaît une nette augmentation et la population est davantage motivée et informée sur les modes de contamination et de transmission du VIH. Dr Charles d’affirmer : « Aujourd’hui, tant sur le point de la prévention que sur la prise charge, notre pays affiche des indicateurs de progrès. »

Les résultats obtenus en Haïti dans la contre le VIH/SIDA est reconnue à travers le monde. Dans l’espace de trois mois seulement, Haïti a participé à trois conférences internationales : réunion des partenaires du PEPFAR en Afrique du sud, le Forum de Partenariat organisé par le Fonds Mondial à Durban en Afrique du Sud. Haïti demeure l’un des deux pays de la caraïbe à coté des Bahamas ou il y a une inversion de la progression du VIH/SIDA. Haïti est passé du taux de prévalence de 6% en 1993 à 3.1% en 2006.

Les trois grands projets en cours en Haïti sont financés respectivement par le Plan d’Urgence du Président des Etats-Unis (PEPFAR) à hauteur de 40 millions de dollars américains l’an, l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI) 4 millions sur la même période et le Fonds Mondial disposant pour sa part d’une enveloppe de 94 millions de dollars pour la période allant de janvier 2003 à juillet 2009 pour 25 récipiendaires ou institutions couvrant la malaria, le VIH/SIDA et la tuberculose.

La quasi totalité de ces fonds passent au niveau des organisations non gouvernementales et Dr Charles admet que la participation de l’Etat haïtien au financement de la lutte est marginale, mais souligne aussi la volonté politique forte et inchangée de ce dernier dans la lutte contre le SIDA.

Il explique cet état de fait par l’effort conceptuel, la planification importante et la capacité de certaines organisations de la société civile à mobiliser des fonds externes plus importants et dans des délais relativement courts. Dr Charles reconnaît en outre qu’il reste des défis énormes à relever tels que la liaison entre le plan de lutte contre le SIDA aux plans de réduction de la pauvreté, du chômage et des disparités sociales et une multisectorialité effective pour une meilleure riposte dans la lutte contre le SIDA.

Des voix discordantes à la même session

Mme Marguerite Brévil, représentant la plateforme des organisations des Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) à la table de conférence a soulevé des interrogations sur la présentation du directeur du programme santé de la Fondation SOGEBANK, arguant que les chiffres ne reflètent pas totalement la réalité et des failles énormes existent dans la réponse apportée en Haïti par les décideurs, en particulier l’accueil peu favorable réservé aux PVVIH dans la majorité des centres de santé publics et privés.

Selon Madame Brévil, les PVVIH et les malades du SIDA ne bénéficient nullement du service adéquat eu égard aux fonds débloqués. « Nous n’avons pas d’assurance médicale et sommes livrés à nous mêmes et n’avons aucun pouvoir de décision dans les projets », a déclaré devant l’assistance la représentante de la plateforme. Au moment des débats, Le Dr Charles et le Dr Gabriel Timothée de L’Unité de Coordination des Programmes du Ministère de la Santé Publique ont du intervenir pour apporter des clarifications à l’assistance composée d’environ une centaine de personnes de différents pays.

Ce bémol des PVVIH a provoqué par la suite de vives discussions au sein de la délégation haïtienne. Réagissant en marge de la session sur cet incident malheureux, le docteur Emile H. Charles a souligné que les PVVIH devraient avoir plus d’information sur les statistiques. Selon lui, la réaction des PVVIH traduit une expression de frustration. « Il faut reconnaître que les PVVIH ont effectivement un déficit d’opportunité d’influencer la lutte contre le VIH-SIDA. Il souhaite que ces derniers puissent être davantage acteurs que de simples bénéficiaires. » Il a plaidé en faveur de la création de plus d’espace d’influence pour les PPVIH afin qu’ils n’aient plus le sentiment d’être mis a l’écart dans des dossiers qui les concernent.

Saurel Beaujour, le directeur de la plateforme, interviewé aussi en marge de la rencontre, a affirmé que les PVVIH haïtiens ne veulent plus être des victimes de la discrimination. « Entre 20,000-40,000 personnes ont besoin de médicaments antirétroviraux, combien en reçoivent ? », rétorque Beaujour.

Selon le responsable de la plate forme des PVVIH, l’Etat Haïtien, particulièrement le MSPP [1] a failli dans sa mission et se révèle improductif et inactif à bien des égards. Il a pris exemple la gestion du stock des médicaments antirétroviraux provenant des bailleurs. Des médicaments seraient restés bloqués à la douane de Port-au-Prince au lieu d’être disponibles dans les centres de service, d’après Beaujour.

Beaujour a par ailleurs préconisé la mise sur pied d’un fond de solidarité pour venir en aide aux PVVIH. « Allons-nous toujours dépendre des bailleurs pour avoir la vie ? », se demande perplexe Beaujour, qui vit avec le virus depuis plus de 10 ans. Il faut l’émergence d’un leadership réel de l’Etat haïtien en vue de combattre efficacement la pandémie du SIDA dans le pays, a t-il maintenu.

Dr Charles estime que les associations de PVVIH ont besoin de plus d’encadrement, mais a critiqué la maladresse de la réaction des PVVIH qui pouvait être préjudiciable, en particulier pour ces derniers. Il avance que la Fondation SOGEBANK continuera à promouvoir une image positive d’Haïti dans la lutte contre le VIH-SIDA en travaillant avec les PVVIH et les autres partenaires. « On peut faire un plaidoyer sans se nuire à soi-même », conclut-il.

Jean-Claude Louis
Contact : haiti@panoscaribbean.org


[1NDLR : Ministère de la Santé