Propos de Gotson Pierre, lors de la présentation et vente-signature, ce 15 mai à la Bibliothèque Nationale à Port-au-Prince, du livre de Fritz Deshommes "Université et Luttes Démocratiques" en Haïti.
Je remercie Fritz Deshommes de m’associer à la présentation de son ouvrage "Université et Luttes Démocratiques en Haïti". C’est un liivre que j’ai lu avec intérêt.
Contenu - Intérêt de découvrir ce qui a été dit a propos de la crise de juillet 2002, à l’Université d’Etat d’Haïti. Une crise que j’ai suivie en tant que citoyen, mais aussi par intérêt professionnel. Quelle vision se dégage de cet ensemble de documents soigneusement compilés et référencés ? : telle est la question qui m’a poussé à chercher à savoir.
Démarche - Ensuite j’ai été intéressé par le format de ce livre, et donc par la démarche de l’auteur, dont je connais une partie du parcours, pour l’avoir croisé a un certain moment de ma carrière. (Pour ceux qui ne le savent pas, Fritz Deshommes est aussi passé par la presse et a même assuré une présence radiophonique dans les années 80)
C’est peut-être pas par hasard que le processus d’écriture de ce livre est entré en interaction constante avec les médias, pour traiter d’une crise qui, curieusement, nous a rappelé la ferveur des luttes étudiantes de l’après 1986.
Recherche de la vérité - Je dis donc que le travail de l’écrivain, du chercheur, s’apparente ici un peu a celui du journaliste : une recherche/enquete pour mettre au grand jour les principes qui sous-tendent le fonctionnement de l’université, les principes qui ont été a la base des décisions dites de justice, comprendre les diverses manifestations de la crise, poser la question de l’indépendance de l’université.
Ici, ce qui me touche c’est la quête inlassable de la vérité. Revoir les faits et les opinions pour faire jaillir la vérité. Même si, l’auteur, dans sa posture universitaire, laisse la porte ouverte en précisant qu’il s’est trouvé face à sa vérité qui pouvait être, bien sur, différente de celle des preneurs de décisions.
Pour moi, cette quête de vérité est aussi celle du journaliste.
Interaction avec la presse - Au fil des pages de "Université et Luttes Démocratiques en Haïti", je me suis rendu compte également que cet ouvrage, dans un mouvement dialectique, s’est nourri de la presse, a alimenté la presse et valorisé le travail des médias.
Vous verrez certainement dans ce livre les nombreuses références aux médias : radios, journaux et médias-internet. Ce n’est pas une attitude courante chez nous de rendre à la presse ce qui lui est du, bien au contraire. Et cette tache d’écrire l’histoire au quotidien par des artisans du micro, de la plume, de la camera et du clavier, est ici judicieusement mise en évidence.
L’autre mouvement, est celui de l’universitaire qui va vers les médias. Quelques-uns des textes figurant dans l’ouvrage de Fritz Deshommmes, ont été - vous le savez sans doute - publiés dans les médias (publication papier et publication électronique). Ces textes-la ont été soumis à la critique et l’auteur a du en tenir compte.
Quelque part aussi, Deshommes a pointé du doigt la pratique d’une certaine presse. Car les grévistes de juillet 2002 à l’université étaient 6 et sont passés à 7 le temps d’une photo pour un quotidien de la place, a fait remarquer en substance l’auteur.
A travers cette démarche, je reçois, par ailleurs, le message réitéré, d’un autre rapport entre l’université et le reste de la société. C’est pour moi un exemple de l’interaction qui peut exister et qui doit exister entre les milieux de la recherche et les milieux socio-professionnels ou de la pratique quotidienne. C’est peut-être pour cela que l’ouvrage fait référence au concept "d’université-témoin".
Hommage a Jean Dominique - Pour terminer avec cette perception du travail de Fritz Deshommes, j’ai souligné cette dédicace à Jean Dominique. L’auteur évoque le célèbre journaliste assassiné comme son "premier professeur d’université". Ce qui confirme, a mon avis, l’esprit que je cherchais à relever tout à l’heure.
Voilà . Ces remarques constituent les principaux éléments que je voulais souligner. Une façon aussi de passer à coté et de ne pas toucher au sujet lui-même - Deshommes vient juste de le faire - et de vous inviter à lire vous-même.
Mais, premettez-moi quand-même de produire au moins quelques autres remarques :
Ecrire ce livre est plus une réaction qu’une action. Ce qui n’enlève rien à la valeur du travail. Je veux dire qu’il a été provoqué. Deshommes indique qu’il a voulu réagir a un article de la ministre de l’éducation de l’époque, Myrtho Celestin Saurel, qui avait fait publié son point de vue dans la presse, le 6 out 2002.
Mais le processus ne s’est pas poursuivi, faute d’interlocuteur, et "Université et Luttes Démocratiques en Haïti" est le livre d’un débat qui n’a pas eu lieu et dont on ne peut pourtant faire l’économie.
Ce sont les intérêts particuliers qui font marcher l’Etat en Haïti, pourraient conclure certains, en découvrant une harmonie parfaite des trois pouvoirs sur le dossier de la crise de juillet 2002. A un point tel qu’on se croirait dans un théâtre ou les rôles ont été définis d’avance.
Fritz Deshommes révèle aussi que la crise était, par ailleurs, une affaire de famille (politique s’entend). Et on se rend compte que ce livre aurait porté à merveille le titre "Université et arbitraire en Haïti".
Et puis, abondamment documenté, la question de l’indépendance de l’université, à travers l’examen de la notion d’indépendance au niveau de l’administration haïtienne. Malgré la présence de cette notion dans nos discours depuis plus de 40 ans, il est clair qu’elle ne pénètre pas nos esprits et nos pratiques.
En fin, on était en droit d’attendre une analyse de la lutte démocratique à l’intérieur de l’espace universitaire et en connexion avec le reste de la société. Mais cette analyse, il reviendra au lecteur de l’entreprendre sur la base l’abondante documentation qui a été fournie.
Gotson Pierre
15 mai 2003