P-au-P., 20 juil. -06 [AlterPresse] --- Des commandos armés prolongent encore, ce 20 juillet 2006, des manœuvres visant à terroriser la population dans divers quartiers de la capitale haïtienne, moins de 24 heures après avoir créé la panique et tué par balles au moins trois habitants, dont Alfredo Estriplet, directeur technique du Conseil National des Télécommunications (CONATEL), rapportent plusieurs victimes en milieu de journée à l’agence en ligne AlterPresse.
En début de matinée, des habitants de Delmas (nord-est) ont été délestés de tout ce qu’ils avaient par des bandits armés qui ont fait irruption dans un véhicule de transport public. D’autres quartiers de la municipalité de Delmas sont tendus à cause de l’atmosphère d’inquiétude générale, d’autant que la veille des riverains y ont été enlevés.
Des tirs d’armes sont encore entendus dans plusieurs quartiers et aussi dans les environs de Cité Soleil et de Drouillard, sortie nord de la capitale déjà fortement secouée le 19 juillet. De présumés bandits auraient été tués dans ce secteur au cours d’échanges avec la Police Nationale d’Haïti (PNH).
Les chauffeurs d’autobus, qui se rendent dans le nord du pays, ont décidé d’emprunter des voies autres que celles de la périphérie de Cité Soleil.
Les riverains de la route de l’aéroport international ne sont pas encore tranquillisés, vu le traumatisme causé la veille par les manœuvres des commandos armés. Dans la soirée du 19 juillet, des employés de plusieurs entreprises lançaient des appels à l’aide aux forces de sécurité publique afin de pouvoir regagner leurs domiciles.
A la plaine du Cul de Sac, à une vingtaine de kilomètres au nord de Port-au-Prince, des chauffeurs de transport public hésitaient à prendre la direction du centre-ville par peur de se retrouver dans des escarmouches avec les commandos armés.
En différentes artères, la prudence est de rigueur, tandis que la circulation des véhicules publics et privés reste fluide. D’autres voies sont moins fréquentées. Les petits commerçants tardent à installer leurs tréteaux de marchandises.
A Martissant, banlieue sud, un calme apparent règne, des bouchons sont signalés par des riverains, malgré l’annonce d’une reprise des affrontements entre bandes armées rivales qui ont fait 22 morts dans la population les 6 et 7 juillet 2006. Cependant, les activités commerciales nocturnes restent encore suspendues.
« Attention, prudence, vigilance dans les rues aujourd’hui » est le contenu principal des conversations entre différentes couches de la population. Beaucoup de personnes sont tout de même sorties pour se rendre sur leurs lieux de travail ou aller vaquer à d’autres occupations.
Il est difficile pour la Presse de joindre au téléphone des responsables de la PNH, apparemment en concertation sur les dispositions à prendre pour faire face à la détérioration grandissante du climat de sécurité.
De temps à autre, des hélicoptères de la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) survolent des endroits précis où les agitations sont perceptibles, sans qu’aucune information ne soit répercutée sur les opérations en cours.
Des patrouilles fixes et mobiles de la PNH et de la MINUSTAH sont remarquées.
L’annulation de la conférence de presse hebdomadaire de la MINUSTAH, pour ce jeudi 20 juillet, serait liée à des échanges « urgents » entre le président haïtien René Garcia Préval et le guatémaltèque Edmond Mulet, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, selon les informations parvenues à AlterPresse.
« Nous n’allons pas faire de déclarations publiques, il y aura une note de presse », martèle une voix de la mission, interrogée par AlterPresse sur les informations disponibles du côté de la force onusienne.
Le gouvernement du Premier Ministre Jacques Edouard Alexis n’a encore pipé mot sur les derniers développements de la situation sécuritaire dans le pays, notamment à Port-au-Prince, à moins d’une semaine de la rencontre prévue, pour le 25 juillet à l’est de la capitale, avec différents bailleurs de fonds internationaux.
Coïncidences troublantes
L’atmosphère d’affolement et d’insécurité, enregistrée dans la capitale d’Haïti, tombe dans un contexte d’agitation politique annoncée par des partisans lavalas réclamant le retour de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide. Ils ont manifesté successivement les 12 et 15 juillet à Petit-Goâve (68 kilomètres au sud de la capitale) et Port-au-Prince pour faire entendre leurs desiderata, dont leur intégration dans l’administration publique.
« Notre principal problème est avec René Préval qui ne nous donne pas encore satisfaction. Aussi, allons-nous maintenir la mobilisation pour empêcher un retour offensif de la MINUSTAH à l’intérieur de Cité Soleil », selon les propos rapportés à AlterPresse par un riverain citant les assertions véhiculées par les membres armés de la grande agglomération de la sortie nord de la capitale.
Les gangs armés à Cité Soleil s’opposeraient depuis le 12 juillet à l’investissement, par la MINUSTAH, d’une école nationale dans la cité qui offrirait une vue stratégique importante sur la périphérie, en particulier sur les quartiers réputés bastions de leurs manœuvres. Des bandits, en provenance de Gran Ravin (sur les hauteurs de Martissant) et d’autres endroits, se seraient alliés à ceux de Cité Soleil pour garder le secteur sous les tirs nourris de leurs armes.
En attendant, habitantes et habitants du pays essaient d’imaginer des formes de survie et de prévention pour éviter, avec sang-froid et malgré la forte tension conjoncturelle, d’être pris dans l’engrenage des événements qui se profilent à l’horizon de l’été 2006 « plus chaud que d’habitude » en Haïti. [rc vs jb apr 20/07/2006 12 :00]