Par Wooldy Edson Louidor [1]
Soumis à AlterPresse le 19 juillet 2006
Le 6 juillet 2006, Solidarite Fwontalye/Service Jésuite des Réfugiés et Migrants (SJRM) a reçu en son local un citoyen croate de 38 ans d’âge, né en Allemagne, répondant au nom de Boris GleÅ¡c et muni d’un passeport croate délivré à Caracas et de numéro 002182150.
Ce citoyen croate, qui fut arrêté depuis le 2 mai 2006 par les autorités policières et migratoires dominicaines pour être considéré comme immigrant « illégal » en République Dominicaine, passa plus de trois mois à la prison « Vacacional Haina » à Santo Domingo.
Ensuite, il fut conduit au poste frontière Nord la nuit du 5 juillet 2006 où les militaires et les agents de migration dominicains le forçaient à opter pour l’une de ces deux possibilités : rester en prison en République Dominicaine ou traverser la frontière vers Haïti où il sera libre.
Le croate n’hésitait pas à choisir la deuxième option. Aussitôt, les militaires et agents migratoires dominicains lui intimaient l‘ordre de traverser la rivière Massacre pour se rendre à Ouanaminthe, puisque le poste frontière était fermé des deux côtés ; ce que le croate n’acceptait pas de faire puisqu’il ne voulait pas être « illégal » aussi en Haïti.
Donc, il était obligé de passer la nuit à la prison « Beller » de Dajabón ; le jour suivant, le 6 juillet, les autorités militaires et migratoires dominicaines le déportèrent à Ouanaminthe.
Un employé du Bureau du Service d’Emigration et d’Immigration de Ouanaminthe, qui était de service, accepta, sans même parler à fond avec le croate, de lui faire remplir un formulaire d’« Enregistrement Arrivée » et d’apposer sur son passeport un sceau d’entrée.
En outre, le passeport fut délivré par l’Ambassade de Croatie à Caracas et n’avait aucun sceau (d’entrée et de sortie) ni visa ; le croate témoignait qu’il avait un premier passeport qui fut volé en République Dominicaine le 28 septembre 2003, trois jours avant son retour en Allemagne.
En fait, il ne pouvait pas voyager puisqu’il n’avait plus de passeport, ni de ticket, ni d’argent. Avec l’aide de ses amis et de ses parents en Allemagne et en Croatie, il pouvait survivre pendant un laps de temps en République Dominicaine pendant qu’il sollicitait l’Ambassade de son pays à Caracas de lui envoyer un nouveau passeport.
L’Ambassade de Croatie à Caracas lui délivra le passeport jusqu’en septembre 2004, c’est-à -dire une année après la sollicitude faite par GleÅ¡c. Ses parents et amis ne pouvaient plus l’aider à acheter un ticket de retour en Allemagne puisqu’ils l’avaient supporté pendant cette année (octobre 2003-septembre 2004).
Donc, il s’était mis à chercher du travail et finalement il trouva dans la Zone Franche de Banà un emploi comme manager d’une entreprise. Le chef de cette entreprise, un suisse, lui avait promis de lui payer 1000 dollars américains par mois ; mais en fait, il ne donnait au croate que 2000 pesos dominicains chaque semaine.
Le croate se révolta et alla le dénoncer au Ministère du travail de la République Dominicaine ; les fonctionnaires de cette entité gouvernementale le qualifiaient de « travailleur migrant illégal » et menaçaient de le faire arrêter s’il insistait.
GleÅ¡c se mit à demander l’aumône aux étrangers qui arrivaient à l’Aéroport de las Américas de Santo Domingo pour pouvoir s’acheter le ticket de retour en Allemagne. Les agents migratoires et policiers l’ont intercepté : ils ont vu que son passeport n’avait aucun sceau d’entrée en République Dominicaine (donc il était « illégal ») et, sans lui donner la possibilité de se défendre, ils l’ont arrêté et mis en prison.
Après l’avoir incarcéré pendant trois mois, les autorités migratoires ne savaient que faire avec le croate : elles ne pouvaient plus le rapatrier en Croatie faute d’argent, ni ne voulaient non plus le retenir en République Dominicaine. En plus, elles pensaient que le croate pourrait faire partie de groupes terroristes. Pour ce, elles décidaient de l’expulser à la poubelle que représente le pays voisin, en l’occurrence Haïti.
Solidarite Fwontalye/Service Jésuite des Réfugiés et Migrants (SJRM) s’est rendu avec le croate au Bureau du Service d’Emigration et d’Immigration de Ouanaminthe pour s’enquérir davantage du cas de GleÅ¡c et pour lui donner la possibilité de se faire aider par les autorités migratoires haïtiennes. Le superviseur de ce Bureau a pris la décision d’accompagner le croate jusqu’à la Direction de la Migration Dominicaine de Dajabón et de le remettre aux autorités militaires et migratoires dominicaines qui l’ont arrêté une nouvelle fois.
à€ suivre...
Jusqu’à quand Haïti cessera d’être, aux yeux de nos voisins, une poubelle ? Jusqu’à quand le Service d’Emigration et d’Immigration d’Haïti comprendra et jouera bien son rôle ?
19 Juillet 2006
Ouanaminthe, Haïti
[1] Responsable de la Communication et de Plaidoyer de Solidarite Fwontalye, Bureau du Service Jésuite des Réfugiés et Migrants (SJRM) à Ouanaminthe, Haïti