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Haïti : Des bandes rivales à couteaux tirés aux Gonaïves

Gonaïves (Haïti), 18 Juil. 06 [AlterPresse] --- Circuler après 8 heures du soir [0 :00 GMT] dans les rues des Gonaïves, à 171 kilomètres au nord de la capitale haïtienne, tend à devenir très difficile depuis quelque temps. Des individus armés y imposent leur loi et la peur s’installe chez la population, constate l’agence en ligne AlterPresse.

Dans cette ville-poussière, l’insécurité s’agrandit et les forces de l’ordre, particulièrement les soldats de la Mission de Stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH), affichent un comportement inactif.

A tout bout de champ, le jour et la nuit, des rafales d’armes sporadiques sont entendues, inquiétant les habitants et les visiteurs. Les activités commerciales fonctionnent dans un climat d’angoisse. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 2006, deux personnes ont été blessées par balles au cours d’une tentative de cambriolage d’une maison commerciale des Gonaïves.

Les interventions des policiers haïtiens sont très limitées, selon Josué Alciné, porte-parole du Mouvement de Résistance de Jubilé Blanc (MRJB).

« Avec leurs armes, les gens armés à Raboteau sont prêts à tout : ils tuent, blessent et pillent les biens des citoyens », dit le responsable du MRJB. Et la police ne peut pas intervenir sans l’autorisation des casques bleus », ajoute-t-il.

Selon le porte-parole du Mouvement de Résistance de Jubilé Blanc, ces individus qui sèment le deuil au sein de la population auraient bénéficié de la couverture de certains juges qu’il qualifie de corrompus.

La situation de terreur qui s’intensifie aux Gonaïves serait le résultat d’un conflit existant depuis le 18 septembre 2005 entre deux bandes armées rivales, l’une basée à Raboteau et l’autre à Jubilé Blanc, deux grands quartiers populaires des Gonaïves.

Venu de Raboteau, Jumeau, ainsi connu, aurait touché le sein d’une fillette de Jubilé Blanc. Selon Josué Alciné, le jeune homme a été admonesté par les habitants du quartier. Mais, les ‘’bandits’’ de Raboteau n’ont pas tardé à réagir.

« Ils nous ont envahi avec des armes de gros calibre et leur raid a fait 5 morts 27 blessés, certains grièvement », indique le porte-parole du MRJB dans une interview à AlterPresse.

Josué Alciné rend un partisan zélé de l’ancien régime Lavalas, responsable de cette situation de tension. « Ils reçoivent armes et munitions entre les mains de ce chef de bande pour créer ce climat de trouble », soutient-il.

Toutefois, les informations recueillies par AlterPresse dans la Cité de l’Indépendance laissent croire qu’il s’agirait d’affrontements sanglants entre deux groupes rivaux.

« A Jubilé Blanc, ils ont eux aussi des armes en leur possession », dit un citoyen des Gonaïves qui s’exprime sous couvert de l’anonymat.

Selon cette même source, des têtes de pont de l’ancienne rébellion armée contre l’ex-président Jean-Bertrand Aristide seraient alliées à cette vague de violence.

A Jubilé Blanc, la légitime défense est régulièrement utilisée pour contrer les civils armés venus de Raboteau. Josué Alciné précise, cependant, que ses pairs font souvent usage d’autres types d’armes, telles bouteilles, bâtons et pierres, pour se défendre.

Le porte-parole du MRJB, qui affirme alerter les autorités judiciaires et les organismes de droits humains sur la question, appelle au désarmement de tous les civils pour « que la paix revienne dans la ville » des Gonaïves.

Alciné critique, en outre, le mauvais fonctionnement de l’appareil judiciaire dans la Cité de l’Indépendance tout en dénonçant certains juges qui, selon lui, vendent la justice aux plus offrants.

« Dans le dossier de Raboteau / Jubilé Blanc, un présumé malfaiteur arrêté par la police aurait été libéré en contrepartie de fortes sommes d’argent », explique-t-il.

Alciné, qui estime que la justice a démissionné aux Gonaïves, demande aux plus hautes instances de l’Etat de prendre des mesures drastiques en vue de renverser la tendance.

Considérée comme la quatrième ville d’Haïti, Gonaïves a joué un rôle important dans le renversement de Jean-Bertrand Aristide le 29 février 2004. Des individus armés, regroupés au sein du Front de Résistance de l’Artibonite, s’étaient lancés dans une rébellion ouverte contre le régime Lavalas. [do rc apr 18/07/2006 11:40]