P-au-P., 08 mai. 03 [AlterPresse] --- Des actions cohérentes, à intégrer dans un plan de développement durable sur plusieurs années, sont nécessaires aujourd’hui pour amener à une gestion des risques et des désastres en Haïti, freiner la vulnérabilité de la population et assurer des capacités de réponse appropriée aux menaces, aux phénomènes naturels et ceux découlant de l’activité humaine.
C’est ce qui se dégage de la présentation faite, à Port-au-Prince le 8 mai 2003, de « Cartes et étude de risques, de la vulnérabilité et des capacités de réponse en Haïti », une recherche conduite sous les auspices d’Oxfam Grande Bretagne.
En présence de plusieurs dizaines de membres d’organisations non gouvernementales, du secteur public, de la presse, dont AlterPresse, une préoccupation a été exprimée à propos de l’articulation des interventions à des actions de long terme et des processus d’autoconstruction permettant aux communautés de faire face aux problèmes d’urgence, dans de meilleures conditions.
Yolette Etienne, représentante d’Oxfam Grande Bretagne, a souligné des efforts en train d’être mis en eouvre en vue d’une coordination et d’une dynamique de longue durée insistant sur les capacités locales, malgré la sous-information des communautés sur les risques encourus, l’absence d’application rigoureuse des lois sur la construction.
Les instances de décision doivent approprier les résultas obtenus dans cette recherche, donner une diffusion le plus large possible sur les plans de contingence, car les cartes présentées ne permettent pas d’arriver au degré d’approfondissement souhaité, a indiqué Mme Etienne en suggérant une nécessaire actualisation des données obtenues.
La dégradation de l’environnement, la pauvreté, le mal développement sont les facteurs déterminants de la situation actuelle dans le pays, auxquels il convient d’associer les défis majeurs, comme : l’absence de politiques de migration, d’urbanisation et de décentralisation, la prépondérance des problèmes quotidiens, l’effritement des structures de l’Etat, le manque de moyens des « élus locaux » proches de la population.
La recherche présentée le 8 mai identifie le Sud, l’Ouest, le Nord et l’Artibonite comme les départements où le niveau de risque est élevé, par ordre de grandeur décroissante. Par` ailleurs, le Sud, la Grande Anse, l’Ouest, le Sud-Est et l’Artibonite sont les régions affectées par les cyclones.
Parmi les menaces majeures, qui se présentent sous un rythme soutenu, la recherche cite les cyclones, les inondations et crues torrentielles, les déplacements de population, la crise environnementale, les tremblements de terre. Les menaces locales sont aussi importantes, comme les glissements de terrain, les urgences technologiques, les conflits terriens, les incendies et naufrages, les accidents, etc.
La santé (l’accessibilité aux soins), l’éducation, l’eau potable, les infrastructures sont décrites comme des facteurs de vulnérabilité en Haïti. Les femmes, les jeunes et les enfants, les ruraux, les handicapés, les personnes âgées sont les groupes les plus affectés par la situation économique, parce que marginalisés ou exclus.
D’autre part, la recherche d’Oxfam Grande Bretagne considère l’explosion démographique, la migration, le niveau d’éducation, le vide judiciaire, la mauvaise gouvernance, les crises politiques et conjoncturelles, comme des facteurs contribuant à l’aggravation de la situation de la population. Dans ce sens, mention est faite des conséquences des programmes d’ajustement structurel, avec l’augmentation des prix, la cherté de la vie et la faiblesse des investissements
Dans une tentative de définition des concepts de « désastre, menace, de vulnérabilité », la recherche a insisté sur les phénomènes qui s’amplifient à cause de facteurs socioéconomiques, les affectations directes, les dommages potentiels ou constatés sous l’angle de la société.
Dans ce contexte, il n’y a eu aucun mécanisme d’anticipation de développement des villes, les structures publiques n’ont pas répondu à l’exode de gens attirés par les facéties des villes. A Carrefour Feuilles, banlieue sud-est de la capitale, les gens vivent dans des endroits plus élevés que les sources. Résoudre les problèmes au niveau rural serait peut-être le seul moyen d’arrêter le flux chaotique de l’urbanisation dans les villes.
« Le développement national mérite une réflexion pour des actions étalées sur le long terme. Il faut impulser le développement local, créer une plate-forme pour la gestion des risques et des désastres, transmettre les savoir-faire, améliorer les conditions des vie des plus démunis, redynamiser les relations (qui sont maintenant tendues) entre l’Etat et la société civile », a proposé l’ingénieur agronome Philippe Mathieu, coordonnateur de l’équipe de recherche.
Citant des expériences locales enrichissantes faites à travers Haïti, Mathieu déplore le fait qu’en Haïti, on néglige trop souvent les solutions mises en œuvre par la population au quotidien, qu’il manque de ressources spécialisées, de données statistiques pertinentes.
« Personne ne comprend comment les gens, malgré les réalités socioéconomiques, peuvent continuer à vivre dans le pays. Beaucoup d’éléments entrant dans les stratégies de survie de la population ne sont pas suffisamment pris en compte. Dans certains domaines, on a l’impression que les représentants de l’Etat travaillent contre la société », a-t-il noté.
Aussi, il est souhaitable que des activités de prévention, de mitigation et de préparation de la population soient entreprises, par l’information et la formation, en rendant les documents accessibles. Les écoles devraient aussi inscrire la question des risques et désastres dans leurs programmes.
8 départements, 90 communes, 70 institutions, 717 participants, 194 organisations de base, ont été touchés dans le cadre de cette recherche rendue publique par Oxfam Grande Bretagne.
Parallèlement, l’équipe de recherche a exposé à l’assistance présente un ensemble de cartes de risque et de vulnérabilité sur : les inondations et les torrents (dans les plaines et les zones côtières des départements du Sud, du Nord et de l’Ouest) ; les zones les plus érodées ; les glissements de terrain (généralement enregistrés comme conséquences des cyclones) ; les concentrations d’habitats (Ouest, Nord, Sud) ; les zones de conflits terriens (Artibonite) ; les zones de sécheresse fréquente (Nord-Ouest) ; les tremblements de terre ; les zones densément peuplées, mais très peu desservies en voies de communication.
Enfin, se basant sur les données disponibles, l’équipe de recherche a présenté une carte sur le trafic de la drogue : la cote Sud où les bateaux arrivent sans pilote, le largage effectué dans les zones peu habitées, le trafic orienté vers les Etats-Unis, les îles des Bahamas et puis la République dominicaine avec la fébrilité de la zone frontalière (certains dealers réaliseraient plus de 25 mille gourdes par jour dans les quartiers populaires, suivant certaines informations).
La présentation le 8 mai de « Cartes et étude de risques, de la vulnérabilité et des capacités de réponse en Haïti » entre dans la stratégie d’Oxfam Grande Bretagne pour intégrer la question des risques et désastres en Haïti dans le cadre de la « décennie sur les risques et désastres » déclarée par l’ONU.
Parmi les acteurs qui interviennent sur le terrain, la recherche a cité le rôle prépondérant joué par la Croix Rouge dans la gestion des risques et désastres, tout en signalant les efforts en cours au niveau de la Direction de la Protection Civile.
Un ensemble d’institutions publiques et privées ont contribué à la réalisation de la
recherche. Outre la Protection Civile, Oxfam Grande Bretagne a salué l’apport de l’Unité
Technique en Suystème d’Information Géographique (UTSIG) du Ministère de la
Planification et de la Coopération Externe, de la FAO et de différentes ONG. [rc apr
08/05/03 15:30]