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HaitiWebdo - Numéro 14

Tempête sur le secteur des coopératives

TEMPàŠTE SUR LE SECTEUR DES COOPERATIVES

Il ne se passe maintenant plus un jour sans qu’on entende parler des coopératives en Haïti. Le secteur est secoué par une panique égale à l’engouement qui s’est manifeste depuis plus de deux ans pour les coopératives financières qui rémunèrent les parts sociales a des taux de 10 à 12 %. La poule aux œufs d’or, dans un pays ou le chômage dépasse les 60%, la retraite n’est pas assurée et le crédit est élitiste.

Alors que la guerre des taux se poursuit à travers des spots publicitaires dans les médias, depuis 3 mois, les sociétaires qu’on appelle aussi des "déposants" voient leurs rêves s’envoler en fumée. Dans un premier temps des rumeurs de faillite allaient bon train. Puis certaines coopératives d’épargne et de crédit ont tout bonnement commencé à ramener leurs taux "temporairement" autour de 5% ou ont carrément annoncé une cessation d’activités.

C’est le cas cette semaine de l’une des plus importantes sociétés, la CADEC. Ce qui a occasionné de véhémentes protestations des épargnants. Ils etaient des dizaines à manifester devant le palais national le 27 mai, pour exiger une intervention du Président haïtien Jean-Bertrand Aristide qui les avait "encourager" à intégrer les coopératives. On apprend alors qu’untel avait hypothéqué sa maison, qu’un autre avait vendu ses deux camions, qu’une cousine vivant à l’étranger avait transféré à Port-au-Prince tout son épargne...

Evidemment, les responsables des coopératives en faillite, qui sont sujets à des pressions diverses, sont introuvables. Le 24 mai, les sénateurs lavalas Louis Gérald Gilles et Lens Clonès ont effectué une démonstration de force dans un hotel de Port-au-Prince, lié à la CADEC. Dans d’autres circonstances, ce sont des policiers qui sèment la panique pour retrouver "dépot et intérêt".

Interrogé par des journalistes le 23 mai, le Chef de l’Etat appele à la sérénité "tèt frèt" pour la recherche de solution appropriée. Il a fait savoir que des mesures sont prises en vue de protéger les membres de coopératives. Parmi ces mesures : interdiction de départ pour les responsables de coopératives.

Entre-temps, aucun signe de la Commission ministérielle chargée de travailler sur la régularisation des Coopératives, ni non plus du Conseil National des Coopératives (CNC), organisme autonome de référence.

Une loi sur les coopératives est actuellement à l’étude au parlement. Elle a été présentée au public le 8 mars et soumise aux députés et sénateurs en avril, suite a des entretiens, le 25 mars, entre Aristide et des responsables de coopératives. Cette loi prévoit notamment la création d’une inspection générale des caisses populaires, dont le siège sera à la Banque de la République d’Haïti (BRH).

Pour les coopérateurs, la BRH n’est pas étrangère à la crise qui frappe le secteur. Sa mesure de fermer la Banque Haitienne de Développement (BHD) le 25 février pour problème de gestion, a eu, selon eux, de sérieuses répercussions sur des coopératives d’épargne et de crédit qui y déposaient leurs fonds.

L’évolution récente au niveau du secteur avait inquiété des banques qui avaient cessé toute transaction avec les coopératives. Ces dernières seraient indexées comme des plates-formes de blanchiment, accumulant de l’argent propre pendant que des trafiquants paieraient des intérêts. Au mieux, selon d’autres hypothèses, Il pourrait s’agir de fonds pyramidaux où les dépôts des uns seraient rémunérés par les épargnes des autres. Si non, ce serait simplement une usure institutionnalisée.

Une soixantaine de coopératives, réunie au sein de l’Initiative des Coopératives (INICOOP) avait dénoncé le 8 mars l’attitude des banques. L’INICOOP avait, par la suite, opté pour la création d’une Banque Nationale des Coopératives, dont 90% des actions devraient être détenues par les Coopératives et 10% par l’Etat. L’INICOOP est d’avis que la crise qui bouleverse le secteur est une conséquence de la crise générale qui frappe le pays.

Récemment, un spécialiste de l’économie sociale, le professeur Vernet Larose, avait relevé une certaine confusion qui ferait croire que la fonction des coopératives se résumerait à une forte rémunération de l’argent. Il avait souligné le rôle important d’autres types de coopératives dans l’économie du pays, notamment au niveau du secteur agricole.

Un réseau de coopératives de production de denrées a fait savoir que l’Etat devrait accorder la priorité aux coopératives de petits producteurs, susceptibles de dynamiiser l’économie haitienne, qui fait face à une chute constante de la production.

Le mouvement coopératif en Haïti remonte a l’année 1937 à Port-a-Piment, dans le Sud. Il regrouperait aujourd’hui environ 1500 entités, soit un triplement du nombre des coopératives à travers le pays durant les 7 dernières années. C’est seulement en 1960 qu’une institution étatique de régulation a été mise sur pied. Réformée en 1981, elle est devenue le CNC qui existe encore aujourd’hui.

EN BREF :

- Des inondations dans le Sud du pays ont fait ces derniers jours une vingtaine de morts et cause d’importants dégâts matériels, selon divers bilans. La Protection Civile a annoncé que des secours sont acheminés sur place, dans des conditions extrêmement difficiles. La semaine dernière AlterPresse alertait sur le danger qui menace plusieurs régions du pays, a l’approche de saison cyclonique (juin - novembre), à cause du laxisme des autorités qui ne prennent aucune disposition pour freiner la dégradation accélérée de l’environnement.

- La huitième édition de la foire annuelle "Livres en folie", c’est ce 30 mai en Haïti. Les organisateurs, issus du secteur privé, annoncent plus de 600 titres haitiens, soit une augmentation de 200 par rapport à l’année dernière. Une vingtaine d’écrivains seront sur place pour signer leurs ouvrages. Cette année, la foire se décentralise et se déroule simultanément à Port-au-Prince et dans plusieurs villes de province. Aussi, pour la première fois, des achats en ligne seront possibles.