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Haïti : Sortir du silence et vaincre la peur

P-au-P., 10 juil. 06 [AlterPresse] --- Plusieurs organismes de défense de droits humains ainsi que des organisations sociales et politiques convient la population haïtienne à « sortir du silence et à vaincre la peur » aux fins de combattre la violence en nette recrudescence ces derniers mois en Haïti, à l’occasion du premier anniversaire de l’enlèvement suivi d’assassinat du poète-journaliste Jacques Roche ce 10 juillet 2006.

« Les conséquences de ce phénomène qui frappe durement les familles haïtiennes sont navrantes », constate Marie Frantz Joachin, représentante de la Coordination nationale de plaidoyer pour les droits de la femme (CONAP), au cours d’une conférence-débat à Port-au-Prince sur l’insécurité, dont les actes de kidnapping.

« Les enfants des familles à faibles revenus, victimes de rapts, perdent des années scolaires. Dans la plupart des cas, les proches hypothèquent leurs biens et même leur avenir pour payer la rançon exigée par les ravisseurs en échange de leur otage ».

« Ceux qui ont une économie moyenne laissent le pays pour s’établir ailleurs ».

Plus de 1000 cas de kidnapping sont recensés en Haïti depuis mars 2004, selon des chiffres avancés par le ministère de la justice.

« Il est de la responsabilité de toutes et de tous d’agir en vue de faire échec à l’extension des actes de violence en Haïti », souhaite la représentante des organisations féministes.

Le Centre œcuménique des droits humains (CEDH) s’inquiète lui aussi de la poussée des atrocités dans le pays et s’interroge sur la passivité de la population.

« Depuis 1957, on a constaté la dérive des institutions publiques. L’Etat est kidnappé par un groupe de personnes, établissant un système de terreur dans la société et permettant à des individus armés d’agir en toute quiétude [impunité] », déplore Jean Claude Bajeux, directeur exécutif du CEDH.

Ce fut une période de terreur et de silence, silence dans les médias, dans la presse, dans la justice, silence en complicité avec la communauté internationale. La famille haïtienne souffre depuis d’une crise d’éthique permanente qui la ronge.

Bajeux met l’accent sur les meurtres et les rapts en série enregistrés en Haïti ces dernières années. En plus des 1000 cas de kidnapping enregistrés depuis mars 2004, 100 policiers ont été tués ces 3 dernières années, dont une dizaine durant les mois de mai et juin 2006.

« Le drame du kidnapping est un nouveau défi qui affecte la conscience collective haïtienne, et, avec les rançons contre la libération des otages, le corps humain dévient une marchandise. La délinquance s’attaque au noyau même de la société », signale le défenseur des droits humains.

La conférence-débat s’est déroulée en présence d’un public hétérogène, formé de membres de la presse, de responsables politiques, de représentants d’organisations sociales, de défenseurs des droits humains, de représentants de la Mission des nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).

Dans son intervention ce 10 juillet 2006, le représentant de la Fédération Protestante d’Haïti, Edouard Paultre, coordonnateur de la commission « dialogue national », insiste sur l’enrichissement illicite de cette activité ignoble, qu’est le kidnapping, et questionne le travail de la MINUSTAH avec tous les moyens dont la force onusienne dispose dans le pays.

« Une importante infrastructure criminelle voit le jour sous l’œil passible de la MINUSTAH. Nous vivons dans une société meurtrie de souffrance, accablée par des discours trompeurs ».

« Nous en avons assez, des belles paroles, des actes de vandalismes perpétrés par des gangs armés ; nous sommes fatigués de payer des rançons contre la remise en liberté de nos proches », lance le pasteur protestant aux responsables de sécurité en Haïti.

Edouard Paultre, comme les autres panélistes, appelle le gouvernement haïtien, les organisations sociales et l’Organisation des Nations Unies (ONU) à œuvrer pour le rétablissement d’un climat de paix dans le pays.

Certaines personnes dans l’assistance n’ont pas pu contenir leurs larmes, suite à une présentation imagée de cas d’enlèvements et des pistes de cachette des victimes.

A la fin de la conférence-débat, une minute de recueillement a été observée en mémoire du poète-journaliste Jacques Roche, enlevé le 10 juillet 2005 et dont le corps mutilé a été retrouvé sur la chaussée 4 jours plus tard à Delmas 4. [lf rc apr 10/07/2006 16:10]