P-au-P, 7 juil. 06 [AlterPresse] --- Environ une dizaine d’habitants de la banlieue sud de la capitale haïtienne auraient été tués au cours d’affrontements entre des bandes armées rivales, selon un décompte provisoire établi par des organismes de défense de droits humains, a pu savoir l’agence en ligne AlterPresse.
Plusieurs maisons auraient été incendiées dans le cadre de la résurgence de ce climat de terreur, dénoncé il y a deux semaines par deux organismes de promotion de droits humains qui avaient alors lancé un cri d’alarme au nouveau gouvernement, dont le Premier Ministre Jacques Edouard Alexis, président du Conseil supérieur de la Police nationale (CSPN).
D’autres sources, contactées par les journalistes, indiquent que le nombre de victimes pourrait être plus important, au regard des dégâts observés dans les maisons de la banlieue.
Dans la matinée de ce vendredi 7 juillet 2006, des riverains de la banlieue sud ont alerté la Presse sur la situation dramatique qui se développe depuis plusieurs mois dans ce secteur de Port-au-Prince, où prévaut une situation de sauve-qui-peut parmi les riverains du quartier de Martissant, au Sud de Port-au-Prince.
Un véhicule de la Police Haïtienne aurait même essuyé des coups de feu, selon le directeur général de l’institution policière, Mario Andrésol, ratifié le 5 juillet comme nouveau commandant en chef de la Police Nationale d’Haïti (PNH).
De retour dans le pays le 6 juillet, après un périple international d’une dizaine de jours, le président René Garcia Préval a annoncé la nomination prochaine d’un secrétaire d’Etat à la sécurité publique dans le cadre des dispositions destinées à faire face à l’insécurité.
Toujours est-il que le banditisme et d’autres actes de terreur (enlèvement et séquestration de personnes), qui avaient sensiblement diminué après l’élection de René Préval en février dernier, ont connu une nette remontée ces dernières semaines.
Depuis la fin du mois de mai 2006, on assiste à une recrudescence des actes de violences dans la capitale et dans certaines villes de province. Le kidnapping et les assassinats redeviennent monnaie courante de nos jours, à Port-au-Prince.
En donnant le 5 juillet un vote de confiance au choix de Andrésol comme commandant en chef de la PNH, le Sénat a formé le vœu d’actions concrètes visant à combattre l’insécurité grandissante dans le pays, améliorer les conditions de fonctionnement des agents de la PNH, assurer une présence policière dans les milieux les plus reculés du pays, avancer dans le processus de professionnalisation de l’institution, la libérer de l’emprise des politiques.
La PNH a procédé, le 6 juillet, à la libération de l’une des dernières victimes des vagues de rapts dans la capitale, une élève de philo, Erica Montas, enlevée la veille, au moment où elle allait poursuivre les examens officiels du baccalauréat deuxième partie, session ordinaire.
Le 22 juin 2006, deux organismes de droits humains ont alerté les autorités haïtiennes sur la banalisation de la violence armée dans la banlieue sud / sud-est de la capitale, les enjoignant. à œuvrer rapidement pour mettre fin à la flambée de violence armée qui tend à transformer les quartiers de Carrefour Feuilles et de Martissant en zone de guerre.
« Les activités de violence ont refait surface à Gran Ravin depuis la soirée du vendredi 16 juin 2006. Nous sommes préoccupés de la détérioration du climat de sécurité depuis le week-end du 3 au 4 juin 2006 dans les quartiers de Carrefour-Feuilles, particulièrement à Fort-Mercredi, Savane Pistache et Décayette », signalaient l’Association pour la Santé Intégrale de la Famille (APROSIFA) et le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), dans une lettre ouverte datée du 19 juin adressée au Premier Ministre Jacques Edouard Alexis, également président du Conseil supérieur de la Police Nationale d’Haïti.
Exigeant l’application de dispositions énergiques de droit contre les transgresseurs de la loi, les deux institutions s’inquiétaient notamment d’une recrudescence de cas d’hypertension artérielle enregistrée, ces derniers jours, aux centres sanitaires de l’APROSIFA, une institution pourvoyeuse de soins intervenant dans la zone depuis 13 ans.
Les nombreux cas d’hypertension remarqués concernent surtout les jeunes de 30 - 35 ans, en majorité des jeunes femmes de Carrefour Feuilles frappées par le stress et le désarroi dus aux actes perpétrés par les groupes armés, dont des tirs à tout bout de champ, selon les informations obtenues par l’agence en ligne AlterPresse.
Dans le même temps, les mères de famille de Carrefour Feuilles hésitent à emmener leurs enfants au centre de récupération nutritionnelle de l’APROSIFA, qui voit son taux de fréquentation d’enfants souffrant de malnutrition passer de 48 à 22, à cause du climat d’insécurité et d’angoisse paradoxalement incorporé dans le quotidien des habitants depuis plusieurs mois.
La banalisation des actes de violence armée dans la banlieue sud/sud-est de Port-au-Prince est telle que les crimes perpétrés, qui ne sont plus relatés, engendrent des problèmes de santé, comme l’hypertension artérielle, chez les habitants.
Depuis le week-end du 3 au 4 juin 2006, les agents de santé de l’APROSIFA, « regardant, stupéfaits, les chefs de groupes armés opérer à nouveau en toute quiétude », éprouvent des difficultés à continuer d’accompagner la population déjà vulnérable économiquement. Ce qui affecte les actions de cette institution humanitaire en santé qui « offre quotidiennement des soins primaires à plus de 200 personnes démunies [NDLR : notamment de Carrefour Feuilles] dans les domaines des soins materno-infantiles, la prévention et la prise en charge psychosociale des infections sexuellement transmissibles (IST/VIH-SIDA) ».
Dans ce contexte, les cas de morts par balles sont recensés quasi quotidiennement, dont 1 le dimanche 18 juin à Site Nèf dans le quartier de Caridad et 1 autre (un contremaître) atteint de 3 balles mardi soir 20 juin dans le quartier de Fontamara, au moment où il buvait une bouillie de maïs (plus connue sous le nom d’akasan), ont fait savoir des riverains à AlterPresse.
« Les populations de Décayette, Fort-Mercredi, Savane Pistache, Ti Bwa et Saurai, Gran Ravin particulièrement, continuent à être persécutées par des groupes armés de la zone, renforcés par des réseaux en provenance d’autres bases de la capitale. Cette situation entrave les activités des gens, en particulier la prestation de soins aux enfants du Centre de Récupération Nutritionnelle. En effet, des cas de Kwashiorkor, en récupération à l’APROSIFA, ont accusé une absence de plus de 10 jours. Les mères sont contraintes de rester chez elles pour protéger les enfants des balles perdues. La population est prise en otage par ces groupes armés », rapportent l’APROSIFA et le RNDDH dans la lettre ouverte du 19 juin au chef de gouvernement d’Haïti.
Dénonçant « les agissements cruels de ces groupes armés qui disposent d’armes de guerre pour exercer leurs forfaits contre une population paisible et sans défense », les deux organismes déclarent craindre une transformation de la banlieue sud/sud-est en zone de guerre, semblable à la réalité initiée depuis 2004 à Cité Soleil, grande agglomération populaire à la sortie nord de la capitale sous contrôle de gangs armés.
« Nous n’aimerions pas cependant que ces conflits, éclatés depuis le week-end du 3 juin 2006, se transforment en guerre entre zones, d’autant que Gran Ravin se mêle de la partie depuis le 16 juin 2006. Nous sommes préoccupés et ne voulons pas assister à une polarisation de cette violence, compte tenu des conflits précédents survenus entre Ti Bois, l’armée Ti Manchette, Martissant, Base Pilate et Gran Ravin. En réalité, c’est toujours la population qui en subit les conséquences. », s’alarment les deux organismes.
Les zones de Martissant relient géographiquement le Morne Hôpital et la localité du Fond Férrier à différents bidonvilles, où les auteurs de forfaits contre la population civile dissimulent facilement leurs armes durant la journée. [rc vs apr 07/07/2006 18:30]