La Jeune Chambre de commerce haïtienne, de plus en plus connue et reconnue pour son dynamisme participatif, vient de se distinguer en recevant le prix de la Jeune Chambre de l’Année attribué dans le cadre du concours provincial organisé par le Regroupement des jeunes gens d’affaires du Québec. Interview avec sa nouvelle présidente Mme Maudeleine Myrthil.
Par Nancy Roc
Interview réalisée pour AlterPresse en mai 2006
Le 25 mai dernier, lors du congrès annuel du Regroupement des jeunes gens d’affaires du Québec (RJGAQ) qui s’est tenu à Drummondville, la Jeune Chambre de commerce haïtienne (JCCH) a été récompensée pour ses efforts qui l’ont portée à être reconnue comme la jeune Chambre de commerce qui s’est le plus démarquée au Québec au cours de l’année 2005-2006.
Un jury composé de trois gouverneurs du RJGAQ, ainsi que deux membres du bureau de direction du Regroupement, ont évalué les candidatures des jeunes Chambres de commerce en lice selon les critères suivants : la gestion générale, l’apport au développement des affaires et personnel de leurs membres, l’organisation du recrutement et de la fidélisation ainsi que leur apport à la communauté.
Le prix souligne entre autres l’augmentation de 46% des membres de la JJCH et la participation de plus de 1500 personnes à l’ensemble de ses activités et événements au cours de l’année écoulée. D’autre part, ce prix reconnaît le dépôt, auprès du gouvernement provincial, de mémoires lors de la consultation menée dans le cadre de l’établissement de la Stratégie d’action jeunesse 2006-2009 et de celle portant sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires.
La JCCH est extrêmement fière d’avoir remporté ce concours qui récompense ainsi le caractère exceptionnel de ses activités et l’implication soutenue de ses bénévoles. "Ce prix revêt une importance remarquable pour nous. Il souligne l’excellence, l’influence et le grand dynamisme de notre réseau de jeunes entrepreneurs et de professionnels d’origine haïtienne", a déclaré l’ex présidente de la JCCH pour l’année 2005-2006, Mme Mélissa Dorsaint. "C’est avec émotion que nous recevons ce prix, gage de durs labeurs", a ajouté la nouvelle présidente, Mme Maudeleine Myrthil.
Au cours de la dernière année, la JCCH a réalisé plusieurs activités d’envergure dont la dernière était la Journée des entrepreneurs. En cette occasion, nous avions rencontré les membres de la JCCH ainsi que sa présidente qui a eu l’amabilité de répondre à nos questions :
- Atelier de travail à la JCCH
NR - Comment est née l’idée de créer la JCCH ?
MM - L’idée est née, d’une prise de conscience d’un petit groupe de jeunes visionnaires qui s’étaient rendus compte de l’absence d’un endroit, d’un forum à Montréal, où les jeunes entrepreneurs et professionnels de la communauté haïtienne pouvaient se retrouver pour échanger des expériences et communiquer leurs idées et savoir faire.
« La mission de la JCCH est de bâtir et développer un réseau de jeunes professionnels, de gens d’affaires, d’entrepreneurs, de travailleurs autonomes et de leaders québécois d’origine haïtienne, favoriser leur développement, accroître leur influence et encourager leur intégration dans toutes les sphères de l’activité économique québécoise ».
C’est donc une mission très importante qui porte d’ailleurs dans son énoncé, une orientation claire des objectifs à poursuivre.
NR - Les jeunes Québécois d’origine haïtienne ont-ils des modèles comme exemples ? Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils (ou pas) des références pour les jeunes ?
Les modèles positifs pour les jeunes haïtiens se font malheureusement trop rares. Ou on devrait plutôt dire qu’ils ne sont pas assez "visibles". Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état de fait mais bien souvent les médias brossent un portrait plutôt morose de la communauté en mettant l’accent sur les actions de quelques-uns des membres. C’est une des raisons pour laquelle lorsqu’on demande à un jeune à qui il ou elle voudrait ressembler plus tard, on cite des chanteurs ou des stars de cinéma !
- Maudeleine Myrthil et Frantz Liautaud Président de la Chambre Haitiano-canadienne
Une part de notre mission consiste à faire rayonner des modèles issus de différents domaines (affaires, culturel, etc.) par le biais de nos activités et exposer les jeunes à ceux-ci. Tranquillement mais sûrement, ces modèles émergeront aussi des membres actuels de la JCCH, nous le souhaitons !
NR - Qu’est-ce qui a poussé la JCCH à organiser la journée de l’entreprenariat le 22 avril dernier ? Quels étaient les objectifs de cette journée ?
MM - La communauté haïtienne en est une dynamique où le sens des affaires est développé. Cependant, nous avons remarqué que les jeunes de la communauté possèdent de brillantes idées mais éprouvent de la difficulté à cerner et à utiliser tous les outils que les différentes institutions mettent à leur disposition afin de se lancer en affaires. Nous nous sommes donc proposé de les aider à s’accomplir en ce sens.
Par le biais de la Journée entrepreneurship et leadership, une série d’ateliers portant sur la conception d’un plan d’affaires, la recherche du financement, le marketing et les communications et l’importance de développer des habiletés de leadership ont su mettre en relief tout l’éventail d’outils nécessaires à nos jeunes afin qu’ils démarrent avec succès leur propre entreprise.
NR - Quels ont été les résultats concrets de cette journée ?
- Hervé Denis vice-président de la CCIHC et Stephan Jean-Pierre trésorier de la CCIHC
MM- Il est un peu tôt pour se prononcer sur la question. Toutefois, lors du cocktail qui servait de clôture à la journée, il y a eu plusieurs échanges de carte d’affaires ainsi que des échanges avec les conférenciers. Tout porte à croire que certains projets vont voir le jour très prochainement et la Jeune Chambre de commerce sera là pour les soutenir du mieux de ses capacités !
NR - Les jeunes entrepreneurs de la JCCH sont-ils intéressés à investir en Haïti ? Pourquoi ? Dans quels domaines ?
MM- Oui, on dénote un intérêt certain quant à de possibles investissements à la mère-patrie. D’ailleurs, la popularité de l’atelier portant sur le sujet lors de la plus récente édition de la Journée entrepreneurship et leadership en fait foi. Plusieurs domaines, que l’on parle de l’agro-alimentaire, de la foresterie, import-export en tous genres, etc. emballent nos membres. Bien entendu, plusieurs obstacles concrets doivent être franchis au préalable mais un atelier comme celui que nous avons tenu aide à démystifier tout ce qui entoure une telle démarche. Il semble que plusieurs jeunes qui sont intéressés à la chose, soient mûs par un désir de contribuer au développement durable de l’économie haïtienne tant souhaité par tous. Ce faisant, l’impact social sur la population entière serait marquante.
NR - Quelle est votre réaction par rapport à la publication du Rapport du Groupe de travail sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires ? La JCCH a participé à cette étude, quel a été son rôle ?
MM - Nous sommes de manière générale en accord avec les mesures citées par le Gouvernement dans cet ouvrage, plus particulièrement concernant trois (3) points. Premièrement, parce qu’il y a un constat qui est fait concernant la discrimination raciale et le racisme, ce qui est une première selon nous, car trop souvent on dit que le Québec est ouvert au communauté et qu’il n’y a pas de racisme etc, toutefois, lorsqu’on regarde les chiffres on peut déduire que la situation est alarmante.
En effet, le taux de diplomation universitaire des communautés noires est de 14.7% et celle de la population en générale est de 14% (statistique Canada) hors le taux de chômage des communautés noires est le double que le reste de la population ! De plus, dans ce cas-ci, on ne peut pas soulever le problème de barrière de langue ou de problème d’intégration, car les jeunes qui font face à ce problème sont nés au Québec, ils ont étudié au pays donc.....si eux ont des problèmes par rapport à l’emploi, imaginez les autres ! C’est pour cela que l’on dit souvent que nous avons gagné la tolérance, il nous faut maintenant aller chercher l’acceptation.
Autre point important de ce rapport c’est que tous les ministères sont interpellés, ce qui est génial, car le problème auquel fait face la communauté noire relève également du ministère de l’éducation, du ministère du développement économique, etc. Tous les ministères sont concernés.
- Lunch pour les invités de la Journée de l’entrepreneurship
Finalement, le fameux chantier économique qui sera mis en place par le ministère du développement économique et de l’innovation pour favoriser l’entrepreneurship auprès des communautés culturelles est reçu favorablement par la JCCH.
Toutefois, nous gardons une certaine réserve, car plusieurs points ont été soulevés, mais ce ne sont pas tous qui ont été clairement définis dans le temps, la JCCH sera présente pour participer à la réalisation des suggestions cités dans ce rapport, car nous y avons participé et nous croyons que c’est un pas dans la bonne direction.
NR - Pensez-vous que la communauté haïtienne et les jeunes en particulier sont reconnus ici ? Pourquoi ? Quels sont les obstacles qui restent à franchir ?
MM - Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les jeunes au Québec sont reconnus, mais ce n’est pas le paradis ! Nous devons quand même toujours travailler un peu plus fort que les autres pour être reconnus, nous avons encore moins le droit à l’erreur que les autres collègues et nous sommes encore trop souvent pointés du doigt de manière négative par les médias. Donc oui, il y a encore du travail à faire.
Toutefois, nous ne devons pas utiliser ces barrières comme une excuse, mais bien au contraire ceux-ci devraient être des sources de motivation et cela devrait susciter une mobilisation dans la communauté et nous faire prendre conscience qu’il n’en tient qu’à nous de redorer l’image de la communauté. Le gouvernement à beau mettre en place des mesures, mais si nous en tant que communauté, nous ne changeons pas, il n’y aura pas de progression.
NR - Quels sont les prochains projets de la JCCH ?
Nous sommes présentement en pleine préparation de plan d’action pour l’année 2006-2007. Encore une fois, nous allons organiser un cocktail pour la rentrée afin de présenter notre calendrier en septembre ; en octobre, nous allons avoir notre 3e cocktail bénéfice et bien entendu, la 3e édition de la Journée d’entrepreneurship et de leadership aura lieu en avril prochain.
De plus, tout au long de l’année, nous aurons des cocktails, des causeries ainsi que des tables rondes portant sur différents sujets de l’actualité d’ici et d’ailleurs. Finalement, la JCCH va continuer à travailler et prendre position sur des sujets traitant d’entrepreneurship et de l’image de la communauté.
Il est important que les jeunes soient sensibles au fait qu’ils doivent prendre leur place, car s’ils ne la prennent pas, personne ne la leur donnera. De plus, il n’y a pas de sot métier, nous avons besoin autant de plombiers que d’avocats, d’électriciens que de comptables, car lorsqu’il y a une fuite d’eau à la maison, ce n’est pas le fiscaliste qui va réparer la tuyauterie, mais bien un plombier ! Nous devons donc sortir de ce paradigme. De plus, faites confiance à vos pairs, le succès et le développement d’une communauté passent par sa solidité économique.
NR - Merci
Nancy Roc pour AlterPresse.org
Montréal le 14 mai 2006