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Des organisations haïtiennes appellent l’OEA à se prononcer contre les actes anti-haïtiens en République Dominicaine

Soumis à AlterPresse le 2 juin 2006

Port-au-Prince, 2 juin 2006

48 heures avant l’ouverture de sa 36e Assemblée Générale à Santo Domingo, le siège de la représentation de l’OEA à Port-au-Prince, a été le point de mire d’un rassemblement réalisé à l’initiative de diverses organisations proches du secteur des droits humains en Haïti.

Pendant près de deux heures d’horloge, les participants-participantes ont brandi et lu à pleine voix, les inscriptions qui figuraient sur diverses pancartes comme, par exemple :

« OEA, prononcez-vous publiquement sur la discrimination contre les Haïtiens-nes en République Dominicaine. Dirigeants haïtiens et dominicains, appliquez-vous à renforcer les efforts de solidarité entamés par les sociétés civiles des deux pays et non le contraire ».

Le rassemblement était ponctué de refrains exhortant à des relations de voisinage empreintes de respect et de justice entre les deux peuples.

Une délégation a transmis au personnel de l’OEA présent sur les lieux, une pétition signée par les organisations initiatrices de ce mouvement, notamment : le Centre de Recherche et de Formation Economique et Sociale pour le Développement (CRESFED), la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix, les comités frontaliers de droits humains de l’Ouest, du Sud-Est, du Plateau Central, membres du Réseau Binational Jeannot Succès (RBJS), le Groupe d’Appui aux Rapatriés-es et Réfugiés-es (GARR), la Plateforme pour un Développement Alternatif (PAPDA), le Rassemblement des Jeunes de Savanette (RAJES),le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), l’Union Nationale des Normaliens Haïtiens (UNNOH) et le SANT PON AYITI.

Du 4 au 6 juin 2006, l’Organisation des Etats Américains tiendra sa 36e Assemblée Générale à Santo Domingo. Sur l’agenda de cette Assemblée figure l’état d’avancement des travaux de rédaction d’un projet de Convention Interaméricaine sur le racisme, la discrimination et toutes les formes d’intolérance.

Voici le texte de la pétition soumise à l’OEA, par les organisations haïtiennes, le 2 juin 2006 à Port-au-Prince.

PETITION A L’OEA :
PLUS DE VIGILANCE SUR LA DISCRIMINATION ET LES ATTAQUES CONTRE LES MIGRANTES ET MIGRANTS HAà TIENS EN REPUBLIQUE DOMINICAINE

Port-au-Prince, Haïti, 2 juin 2006

Le 4 juin 2006 s’ouvriront à Santo Domingo, les travaux de la 36e Assemblée Générale de l’Organisation des Etats Américains (OEA).

Il est prévu qu’en la circonstance, l’OEA présente l’état d’avancement de la rédaction d’un nouvel instrument juridique. Il s’agit du Projet de Convention Interaméricaine contre le Racisme, la Discrimination et toutes les formes d’Intolérance.

Vu l’appel lancé par l’OEA pour l’envoi jusqu’au mois de juin 2006, de suggestions et commentaires susceptibles d’enrichir ce document à portée régionale, nous, organisations signataires de cette pétition, tenons à communiquer notre position sur les récents développements observés dans les relations haïtiano-dominicaines.

Il importe de rappeler qu’en République Dominicaine, nation voisine d’Haïti, les migrantes et migrants haïtiens, particulièrement les plus faibles économiquement, sont l’objet de violentes attaques teintées de racisme, de discrimination et d’intolérance.

Citons :

- Les rapatriements brutaux et massifs où le/la rapatrié-e, n’a guère l’opportunité de se défendre, ni de soumettre ses papiers d’identité, encore moins d’alerter son consulat ou l’ambassade, voire de bénéficier d’un accès à la justice.

En 2005, le chiffre des personnes rapatriées dans ces mauvaises conditions, a dépasse vingt mille ( 20 000). Pour les 5 premiers mois de l’année 2006, il avoisine huit mille (8 000) personnes, selon les données recueillies par un Réseau haïtiano-dominicain de droits humains (RBJS).

- L’expulsion de plusieurs ressortissants-es dominicains au teint noir, considérés comme Haïtiens. En 2005, des organismes de droits humains établis à la frontière ont facilité le retour en République Dominicaine, de plus d’une soixantaine de personnes détentrices de papiers valides.

En 2006, des cas de déportation et d’agression incluant celui d’un avocat dominicain d’origine haïtienne ont déjà été rapportés dans la presse dominicaine.

- Le cas de plusieurs centaines d’Haïtiennes-Haïtiens persécutés, battus, dont les maisons ont été saccagées, pillées, brûlées en diverses occasions après le décès d’un-e Dominicain/Dominicaine, attribué sans enquête préalable aux Haïtiens. Ces opérations sauvages de représailles ont été enregistrées un peu partout sur le territoire dominicain : à Hatillo Palma, Enriquillo, Bavaro, Platanito, Pueblo Nuevo, Higuey, Barranca, Mao, Guerra, Moca, etc.

Nous, organisations signataires de cette pétition, saluons la décision de la Cour Interaméricaine des Droits Humains, une haute instance de l’OEA, qui a tranché en octobre 2005, en faveur de deux fillettes d’ascendance haïtienne : Dilcia Jean et Violeta Bosico.

La Cour, par cet arrêt, avait exhorté l’Etat dominicain : à octroyer la nationalité à ces 2 enfants, selon les prescrits de la Constitution en vigueur ; à présenter des excuses et verser une somme en guise de dédommagements aux parents de ces 2 jeunes victimes de discrimination.

Malheureusement, jusqu’à date, le gouvernement dominicain a fait fi de cette décision de la Cour Interaméricaine des Droits Humains. Bien au contraire, il est allé encore plus loin sur les sentiers de la discrimination, avec cette sentence de la Cour Suprême Dominicaine, prononcée le 14 décembre 2005 et considérant tous les Haïtiens-Haïtiennes sans papier retrouvés sur le territoire, comme des personnes en transit.

A l’occasion de cette 36e Assemblée Générale de l’OEA, en République Dominicaine, nous, les organisations signataires de cette pétition, demandons à l’OEA :

- de produire une déclaration publique contre les actes teintés de racisme, discrimination et intolérance, pratiqués à l’encontre des migrantes et migrants haïtiens en République Dominicaine, particulièrement les plus faibles économiquement.

- d’instituer une commission spéciale chargée d’observer toutes les formes de racisme, de discrimination et d’intolérance en cours contre les migrantes et migrants haïtiens en République Dominicaine ainsi qu’à l’encontre des Dominicains noirs et/ou d’origine haïtienne.

- d’encourager le gouvernement Fernandez à respecter la démarche des organisations dominicaines de droits humains qui s’activent à sensibiliser la population sur les divers modes d’expression du racisme, de la discrimination et de l’intolérance en République Dominicaine, au lieu de banaliser leurs actions comme a tenté de le faire le ministre dominicain des Affaires Etrangères, en mars 2006.

Quant au représentant d’Haïti auprès de l’OEA, nous lui demandons instamment de :

- formuler l’engagement qu’Haïti retrouve la République Dominicaine et d’autres pays-membres de l’OEA qui réclament la régularisation du statut des migrants sans papiers aux Etats-Unis d’Amérique, inclus les migrants-es haïtiens et dominicains ; qu’il entreprenne des pourparlers avec son homologue dominicain autour du dossier des sans papiers haïtiens en République Dominicaine, qui sont confrontés-es à des difficultés similaires à celles des sans papiers dominicains aux Etat-Unis.

- d’exprimer l’engagement de l’Etat haïtien pour la mise en place d’une structure chargée de relever toutes les formes de racisme, discrimination et intolérance en cours dans la société haïtienne, telles les discriminations par rapport aux femmes, aux enfants, aux paysans, à la langue, à la religion, etc... En outre, il s’engagera à une large diffusion, à travers Haïti, de ce nouveau projet de Convention de l’OEA sur le racisme, la discrimination et toutes les formes d’intolérance.

Fait à Port-au-Prince, le 2 juin 2006

Suivent les signatures

- Centre de Recherche et de Formation Economique et Sociale pour le Développement (CRESFED)

- Comité Droits Humains Fonds-Verttes, membre du Réseau Binational Jeannot Succès

- Comité Droits Humains d’Anses-à -Pitres, membre du Réseau Binational Jeannot Succès

- Comité de Droits Humains Boni, membre du Réseau Binational Jeannot Succès

- Comité de Droits Humains Boukanchat, membre du Réseau Binational Jeannot Succès

- Comité de Droits Humains Miguel, membre du Réseau Binational Jeannot Succès

- Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR)

- Justice et Paix

- Plateforme de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA)

- Réseau National de Défense de Droits Humains (RNDDH)

- SANT PON AYITI

- Union Nationale des Normaliens Haïtiens (UNNOH)

- Rasanbleman Jèn Savanèt (RAJES)