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Embauche d’Haitiens à Barahona : Le GARR demande des explications

Lettre ouverte au chancelier haïtien,
Hérard Abraham,
autour de l’embauche de braceros haitiens
à Barahona

Document soumis à AlterPresse le 31 mai 2006

Monsieur le Ministre,

Le Groupe d’Appui aux Rapatriés-es et Réfugiés-es (GARR) a l’honneur de vous saluer et vous saurait gré de bien vouloir l’informer sur une opération d’embauche d’Haïtiens apparemment menée par le Consulat de Barahona, le 24 mai 2006 et dont fait état la Presse dominicaine.

A travers cette opération, 200 braceros haïtiens auraient été transmis, aux bons soins du Consulat, à une usine sucrière dominicaine établie à San Pedro de Macoris. Ces braceros faisaient partie d’un groupe de 400 personnes conduites clandestinement à la frontière par des boukonn (passeurs) et arrivées à Polo, Barahona au cours du mois d’avril 2006. Toujours selon la Presse dominicaine, une somme d’argent aurait été versée à la fois à la Direction de la Migration dominicaine et au Consulat haïtien de Barahona, pour le transfert de ces braceros.

Le GARR reste perplexe devant cet état de choses qui, semble-t-il, est en passe d’être réédité avec un autre groupe de personnes, et souhaiterait obtenir clarification sur les points suivants :

-  Est-ce que le Consulat de Barahona a agi sur instructions expresses du Ministère des Affaires Etrangères ou de sa propre initiative ? Si oui, quel est le cadre juridique de cette décision ? Existe-t-il un accord de dernière heure entre les Etats haïtien et dominicain ? A quelle date ?

-  Quel est l’avenir du projet de loi contre la traite et le trafic de personnes initié par le Ministère des Affaires Etrangères, en 2005 ? Si les passeurs, désormais, après la traversée clandestine de la frontière, sont assurés de trouver un Consulat haïtien pour placer des braceros, n’a-t-on pas lieu de craindre, à travers ce procédé, un retour aux pratiques d’embauche d’antan ?

En attendant que le Ministère des Affaires Etrangères, placé sous votre direction, veuille bien offrir des explications au peuple haïtien, le GARR entend rappeler sa position sur le dossier d’embauche de main-d’œuvre vers la République Dominicaine, une position qui est le fruit de multiples rencontres binationales de solidarité réalisées sur l’île.

Tout d’abord, il est indéniable que la main d’œuvre haïtienne est sans cesse recherchée à la fois par le secteur privé et le secteur public dominicains. D’autre part, l’Haïtien, l’Haïtienne est, constamment, en quête d’emploi, vu le taux de chômage prévalant en Haïti. Il y a donc une offre et une demande à satisfaire. Toutefois, il est inacceptable, du point de vue des droits humains et de la bonne convivialité sur l’île, que les 2 Etats reviennent aux pratiques d’embauche d’antan qui entretiennent le mépris du travailleur haïtien et favorisent l’exploitation à outrance.

Le GARR estime que les décideurs haïtiens et dominicains devraient, avec l’apport soutenu de la société civile, à toutes les étapes, élaborer des mécanismes, voire un accord-cadre où chaque travailleur, travailleuse, potentiel-le, sera en mesure de négocier un contrat de travail individuel en toute liberté et dans la garantie de tous les droits internationalement reconnus.

Il n’appartient guère à l’Etat haïtien de grouper ses ressortissants comme un vaste troupeau et les proposer à un quelconque entrepreneur à l’affût d’une main-d’œuvre docile. Les offres de travail doivent être rendues publiques et des bureaux d’emploi dominicains pourraient être établis en Haïti et/ou le long de la frontière où les intéressés-es pourraient s’y rendre à leur gré.

La Constitution haïtienne de 1987 a consacré le droit à l’information du peuple haïtien. Dans l’attente d’explications précises sur cette opération d’embauche de 200 braceros haïtiens par le Consulat de Barahona, le GARR vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de sa haute considération.

Port-au-Prince, le 31 mai 2006

Colette Lespinasse
Coordonnatrice GARR