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Haïti/République Dominicaine : Encourager l’accès à la justice à la frontière

P-au-P, 30 mai 06 [AlterPresse] --- Plus de 80 promoteurs légaux ainsi que des monitrices et moniteurs de droits humains appellent les fonctionnaires publics, haïtiens et dominicains, y compris de la justice, à développer des espaces de dialogue et de collaboration dans une perspective de construction de paix et non de renforcement des conflits à la frontière commune entre les deux pays, apprend l’agence en ligne AlterPresse.

C’est ce qui ressort d’une réflexion tenue le jeudi 25 mai à Belladère, à proximité de Elias Pina, à plus d’une centaine de kilomètres à l’est de Port-au-Prince, à l’initiative du Groupe haïtien d’appui aux réfugiés et rapatriés (GARR), du Centro dominicano de acesoria e investigaciones legales (CEDAIL) et de membres du Réseau binational Jeannot Succès (RBJS) du Bas Plateau Central.

Des séances de formation, pouvant habiliter les communautés frontalières à accompagner les victimes de violation de droits humains auprès des tribunaux ou d’autres autorités compétentes, font partie des souhaits exprimés par participantes et participants à la réflexion. Ces derniers exhortent les autorités d’Haïti à faciliter des documents d’identité à leurs ressortissants et à leur transmettre des connaissances appropriées sur leurs droits et devoirs.

« L’omniprésence des militaires dominicains qui arbitrent les relations et qui transforment parfois les casernes en tribunaux, l’absence d’autorités du côté haïtien, la discrimination à l’égard des Haïtiens, le manque de pièces d’identification pour de nombreux Haïtiens, les faiblesses des systèmes judiciaires des deux pays (manque de ressources, éloignement des communautés, impunité, langue) » sont identifiés comme des causes fondamentales des difficultés éprouvées par les usagers de la frontière pour accéder à la justice, selon un sondage réalisé du côté haïtien dans le cadre de la préparation de la rencontre du 25 mai 2006 à Belladère.

En République Dominicaine, malgré une réforme entamée en 1994 avec la participation de divers secteurs de la société, le système judiciaire, « plus ou moins autonome par rapport au Pouvoir Exécutif », est rendu vulnérable par « la corruption, l’impunité, le manque de ressources humaines et matérielles, ainsi que de formation et d’information de certains acteurs », rapporte Noemie Mendez du Département Légal de CEDAIL

En Haïti, le système judiciaire, « dysfonctionnel et ne répondant nullement aux besoins de la population » est caractérisé par « l’impunité, un coût élevé pour les justiciables, son éloignement des communautés, notamment par la langue (le Français privilégié au détriment du Créole parlé par la majorité de la population) », signale Me. Chérubin Tragélus, représentant de la Commission nationale Justice et Paix (de l’église catholique romaine) au forum citoyen pour la Réforme de la Justice.

« Si du côté dominicain, la réforme entamée en 1994 a abouti à des résultats concrets qui permettent une transformation progressive du système de ce pays, pour Haïti c’est tout à fait le contraire. Une réforme, entamée en Haïti au cours de la même période (1994) et ayant déjà coûté plus de 20 millions de dollars américains, n’a encore, à date, produit aucun effet positif. Au contraire, les nombreuses interventions, sans vision ni stratégie, et surtout sans participation de la population, n’ont fait qu’affaiblir le système », indique le GARR dans un compte-rendu des échanges du 25 mai transmis à AlterPresse.

Me. Tragélus a partagé, avec les participantes et participants, l’expérience du Forum citoyen pour la réforme de la justice en Haïti, une initiative d’organismes de promotion de droits humains visant à formuler des propositions qui « permettent une prise en compte des besoins et des revendications de toutes les couches sociales de la population en matière de justice »

« La Justice est trop importante pour l’établissement d’un Etat de Droit dans un pays, pour la laisser seulement entre les mains des juges et des avocats », a martelé Maître Tragélus, invitant les participantes et participants haïtiens à contribuer à la réforme de cette justice sur le territoire voisin de la République dominicaine.

A l’occasion de cette rencontre sur l’accès à la justice à la frontière, l’assistance s’est fait une idée de l’organisation de la justice en Haïti et en République Dominicaine, des faiblesses de chacun des systèmes et des tentatives de réformes initiées dans les deux pays.

L’activité conjointe du 25 mai 2006 entre le GARR, le CEDAIL et le Réseau Binational Jeannot Succès(RBJS) du Bas Plateau Central, avait comme objectif d’identifier les obstacles empêchant l’accès à la justice à la frontière et de proposer des réponses susceptibles de favoriser une amélioration dans la distribution de la justice des deux côtés de l’île. [rc apr 30/05/2006 19:00]