Aquin (Haïti), 25 mai 06 [AlterPresse] --- Les prisonniers gardés dans le centre de détention au Commissariat de police de la commune d’Aquin, à plus de 120 kilomètres au sud de la capitale Port-au-Prince, se trouvent dans une situation très préoccupante.
53 détenus, empilés dans 5 minuscules cellules les unes plus petites que les autres, arrivent à peine à respirer, a constaté un reporter de l’agence en ligne AlterPresse au cours d’une visite effectuée dans ce centre d’incarcération le 18 mai 2006, qui ramenait le 203 e anniversaire de la création du bicolore bleu et rouge.
Dans les deux principales cellules, censées être des espaces de garde à vue, selon le commissaire de police en service Raymond Métellus, 8 personnes partagent une petite chambre d’environ 1m75 x 4m, tandis que 7 autres sont placées en parallèle dans une autre cellule de même dimension.
A l’ouverture des cellules, une odeur nauséabonde se dégage, et les captifs, en surnombre, semblent avoir contracté certaines maladies épidermiques : des boutons sur leur peau, a remarqué AlterPresse.
« Ici on ne dort pas, on s’appuie tout simplement par intervalle », répond un détenu à une question concernant leur sommeil.
Dans leurs cachots, aucun confort. Ils y mangent et y font leurs besoins physiologiques à longueur de journée, au su et au vu de leurs collègues.
A l’intérieur des deux premières pièces, une photo du nouveau chef d’Etat, René Garcia Préval, installé dans ses fonctions le 14 mai 2006, sert de décor. Des barrières solidement cadenassées les empêchent de s’évader.
Parmi les détenus, 4 femmes connaissent, à un niveau moindre, les mêmes tribulations que leurs frères mâles. Elles peuvent, tout au moins, s’endormir sans penser à écourter leur sommeil.
En général, tous les individus en contravention avec la loi, dans la prison du commissariat d’Aquin, n’ont droit qu’à un seul repas, ils se baignent une seule fois par jour.
Pas de lit, ni de loisirs. Ils voient passer les jours et les nuits comme ils étaient venus, attendant une issue heureuse à leur statut.
Pourquoi sont-ils emprisonnés ?
Les conditions de vie des prévenus sont aussi déplorables que les raisons de leur incarcération.
Parmi les 4 femmes incarcérées à Aquin, 2 sœurs sont retenues depuis 7 mois en prison en lieu et place de leur père, accusé d’avoir commis un meurtre sur une personne.
Un autre cas est celui d’une mère de famille, accusée d’avoir administré du poison à un enfant qu’elle protégeait, selon ses déclarations. L’enfant en question vit encore, suivant les informations fournies à AlterPresse par la détenue.
La quatrième femme détenue, apparemment la plus jeune, est écrouée pour avoir arraché l’œil d’une jeune femme au cours d’une bagarre, ce qu’elle a d’ailleurs avoué.
Coté hommes, un mineur de 16 ans partage une cellule avec 19 autres personnes beaucoup plus âgées. Un homme de 48 ans séjourne aussi dans la cellule. Depuis 7 mois, le petit Kenson Cétène est retenu par la justice dans le cadre d’une enquête qui n’a jamais eu lieu, paraît-il.
D’autres incarcérés expliquent qu’ils n’auraient perpétré aucun forfait. Du nombre des prisonniers, un ancien militaire et un chef d’organisation populaire pro lavalas, tous deux incriminés pour des actes de banditisme, se seraient réconciliés.
Les prisonniers au centre de détention à Aquin dénoncent l’attitude des juges qui, selon eux, exigeraient de l’argent en contrepartie de leur libération.
« Ici, c’est la loi de l’argent qui prédomine, il faut pouvoir payer aux juges entre 20,000 et 25,000 gourdes (entre 500 et 625 dollars américains), en échange de sa libération », confie un prévenu.
Le juge d’instruction à Aquin, Julio Apollon, ne dément pas ces dénonciations. Dans une entrevue à des journalistes le jour de la fête du drapeau, le magistrat a déclaré, qu’ « il y a de bons juges et de mauvais juges ». Des responsables de médias et d’autres citoyens de la ville abondent dans le même sens.
Les détenus, interrogés par les journalistes à Aquin, déclarent considérer les policiers comme des amis qui les protègent, et le commissaire en chef Raymond Metellus comme un père de famille.
Quid de la Police ?
Les policiers du commissariat d’Aquin ont également des revendications.
Le numéro un de police à Aquin se plaint de l’absence totale des agents pénitentiaires dans la région.
« Nos policiers, déjà en nombre insuffisant (16 en tout pour l’arrondissement d’Aquin qui contient 3 communes : Aquin, Saint-Louis du Sud et Cavaillon), assurent la garde de la prison , parallèlement à leur mission de police », déplore Metellus.
« Notre espace est très réduit et certains des prisonniers sont en détention préventive prolongée », renchérit-il.
Des tentatives d’invasion ont été enregistrées, mais les policiers ont tenu bon et déjoué le coup, avance Metellus. Les détenus ont entre un jour et 2 ans au commissariat.
D’un autre côté, le commissaire de police critique les maigres moyens mis à la disposition du commissariat.
« 16 policiers, dont moi-même, sont cantonnés dans l’arrondissement, un seul véhicule sur deux est fonctionnel, et nous avons à garantir la sécurité d’une population estimée à 58,000 habitants », signale-t-il. [lf rc apr 25/05/2006 11:30]