P-au-P, 24 mai 06 [AlterPresse] --- Neuf (9) organismes haïtiens de défense et de promotion de droits humains réclament la libération immédiate de Jean-Yves Noà« l, directeur général de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), incarcéré à la prison civile de la capitale depuis le 22 mai 2006.
En plus d’excuses publiques, les 9 organismes signataires enjoignent la Justice à fournir des explications claires sur les motifs ayant amené à l’emprisonnement du principal responsable de l’UCREF.
Dans une prise de position publique transmise à l’agence en ligne AlterPresse, ces organismes déplorent la passivité du système judiciaire national qui n’a « jamais » exercé de poursuites pénales « contre les responsables de crimes et délits » au préjudice de l’Etat, révélés dans les enquêtes de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers.
« Cette action [de la Justice] vise à paralyser une branche essentielle de l’Administration dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Il est inadmissible qu’elle ait lieu précisément au moment où le pays est dans l’attente de l’installation d’un nouveau gouvernement », protestent les organismes de défense et de promotion de droits humains.
Les investigations, conduites par l’UCREF de 2004 à nos jours, ont mis en lumière une série de transactions financières douteuses réalisées par l’ancien régime lavalas de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, qui aurait favorisé l’établissement d’entreprises fictives afin de détourner des fonds importants du Trésor public. Des comptes, dans un premier temps gelés sur la base des demandes de l’UCREF, ont par la suite été débloqués par le cabinet d’instruction sous prétexte de dispositions irrégulières entamées par l’unité de renseignements financiers.
La nouvelle de l’arrestation, suivie d’emprisonnement de Jean-Yves Noel, principal responsable de l’UCREF, a suscité des questionnements, suspicions et inquiétudes dans le secteur des droits humains qui associe la décision judiciaire du 22 mai à un « complot » et à des manœuvres encourageant davantage le règne de l’impunité pour les criminels et délinquants, contre les « honnêtes gens ».
Le Centre œcuménique des Droits Humains (CEDH), le Collectif Féminin Haïtien pour la participation politique des Femmes (FANM YO LA ), le Centre de Documentation sur les Femmes (ENFOFANM), la Fondation HERITAGE POUR HAITI (Section Haïtienne de TRANSPARENCY INTERNATIONAL, qui promeut une lutte internationale contre la corruption et le blanchiment d’argent), le Groupe des Citoyens Concernés (GCC), Haïti Solidarité Internationale (HSI), l’Institut Mobile d’Education Démocratique (IMED), le Mouvement des Femmes Haïtiennes pour l’Education et le Développement (MOUFHED) et le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) sont les 9 organismes ayant lancé l’appel en faveur de la libération immédiate de Jean-Yves Noà« l.
Le principal responsable de l’Unité Centrale haïtienne de Renseignements Financiers a été appréhendé par la police à son bureau dans l’après-midi du 22 mai 2006, puis conduit à la prison civile de la capitale dans le cadre d’un conflit qui l’oppose à un huissier du nom de Réginald Saint-Jean.
Selon les informations disponibles, le principal responsable de l’UCREF, qui faisait l’objet d’un mandat d’amener décerné par le juge d’instruction Jean Pérez Paul, est accusé d’ « arrestation illégale, enlèvement et séquestration sur la personne du huissier Réginald Saint-Jean ».
Réginald Saint-Jean, le huissier en question, a été dénoncé en mars 2006 pour usage de faux par Me. Harycidas Auguste, substitut du commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince.
« C’est cet huissier qui a été accusé pour usage de faux, c’est lui qui avait tenté de délivrer des faux papiers pour permettre à certaines personnalités, dont les fonds ont été gelés par une décision de l’UCREF, de rentrer en possession de ces fonds dans des conditions obscures », rappelait Pierre Espérance du RNDDH dans une déclaration faite le 23 mai à l’agence en ligne AlterPresse.
L’arrestation, suivie d’incarcération, de Jean-Yves Noà« l survient quelques semaines après une disposition des autorités judiciaires tendant à débloquer les fonds de personnalités proches de Jean-Bertrand Aristide, parmi elles le nommé Ricardo Sanon et ses apparentés.
Au début de l’année 2006, le système judiciaire en Haïti a été pointé, par la Police Nationale d’Haiti et par la population, pour un ensemble de décisions suspectes, prises à la fin de l’année 2005 en pleine période de grève des juges [NDLR : les magistrats protestaient contre la révocation de juges à la Cour de Cassation cautionnée par le Chef d’Etat intérimaire Boniface Alexandre, ancien président de la Cour Suprême d’Haïti] en faveur de différents individus, prévenus d’associations de malfaiteurs et de séquestration de personnes.
Différentes couches de la population haïtienne continuent de se demander est-ce que le mode de fonctionnement actuel du système judiciaire national ne penche pas davantage vers la protection des criminels, bandits de tout acabit et autres délinquants, à l’encontre des valeurs fondamentales de la société. [rc apr 24/05/2006 9 :00]