P-au-P, 13 mai 06 [AlterPresse] --- A l’occasion de l’investiture du nouveau président haïtien le 14 mai, les lignes régulières, assurant le trajet Port-au-Prince / Santo Domingo, ont multiplié leur desserte en direction du pays.
Plus de 350 passagers en provenance du territoire voisin d’Haïti ont été amenés ce weekend par au moins une des compagnies dominicaines de transport public. Portant la mention « turismo », 7 autobus d’une capacité, chacun, de 56 places assises, pouvaient être remarqués dans la matinée du samedi 13 mai 2006 circulant en file indienne à Pétionville, à l’est de la capitale, a constaté un journaliste de l’agence en ligne AlterPresse.
Aucune information officielle n’est disponible, pour le moment, sur les autres membres de la délégation accompagnant le ministre dominicain des Affaires Etrangères, Carlos Morales Troncoso, aux cérémonies de prestation du nouveau Chef d’Etat.
Plus d’une semaine avant l’événement du 14 mai, une forte délégation haïtienne se trouvait à Santo Domingo pour discuter du futur des relations haïtiano-dominicaines, sous les auspices des églises évangéliques des deux pays soutenues par le Ministère norvégien des Affaires Etrangères et les églises chrétiennes de cette nation européenne.
Réalisée en territoire voisin du 3 au 5 mai 2006 dans la capitale dominicaine, cette conférence a réuni des représentants d’églises évangéliques, des médias, des organisations sociales et de la classe politique.
Un ensemble d’engagements a été pris, de part et d’autre, en vue de poser d’autres bases de renforcement des relations de coopération entre Haïti et la République Dominicaine.
L’atelier des organisations sociales haïtiennes et dominicaines propose aux initiateurs de la conférence de mai 2006 de travailler pour le renforcement des espaces de dialogue entre les organisations de la République Dominicaine et les immigrants haïtiens qui se trouvent sur leur territoire, de manière à offrir à ces derniers la possibilité de discuter et de résoudre certains problèmes qui les affectent.
« Il est impérieux que les immigrants haïtiens résidant en territoire dominicain soient représentés dans tous les espaces où sont débattus les questions liées aux relations haitiano-dominicaines ou à la migration, afin de tenir compte de leurs préoccupations », indique l’atelier.
Les organisations sociales haïtiennes et dominicaines suggèrent également la préparation d’un document qui fasse le bilan de l’Etat actuel des relations entre les peuples des deux Etats de l’Ile et qui présente la vision du futur de ces relations. Elles recommandent, en outre, la création d’une commission mixte pour le suivi des résolutions prises à la fermeture de la conférence internationale de mai 2006.
Le document ainsi élaboré devrait servir de cadre de référence, de code de conduite, de code d’éthique pour toutes celles et tous ceux qui se disent intéresser à des échanges plus fraternels et plus harmonieux sur l’île, précisent les organisations sociales haïtiennes et dominicaines.
De son côté, l’atelier sur le secteur politique conseille aux églises chrétiennes d’Haïti et de la République Dominicaine la réalisation d’un plan d’action concertée entre les deux nations avec pour finalité de faire cesser l’anti-haïtianisme en territoire dominicain et l’anti-dominicanisme en territoire haïtien.
La mise en place d’un « conseil de sages » incluant une dimension d’expertise sur la question haitiano-dominicaine ; la mise en œuvre d’actions conjointes entre les deux Etats, orientée dans le sens de trouver et de constituer un espace de pardon pour les deux pays ; l’institutionnalisation de la conférence internationale (de mai 2006) sur la question des relations entre les deux peuples comme un événement annuel organisé à tour de rôle dans les deux pays, sont d’autres recommandations de l’atelier ayant rassemblé des délégués de partis politiques.
A l’ouverture, le 3 mai 2006, de la conférence internationale sur le futur des relations entre les deux pays qui se partagent l’île, le président de la commission du dialogue national haïtien Bertho Eugène et son homologue dominicain Manuel Estrella ont, chacun, demandé pardon à l’autre nation pour les torts causés réciproquement.
Cette conférence internationale sur le futur des relations haitiano-dominicaines s’est déroulée, du 3 au 5 mai dernier à Santo Domingo, dans un contexte où les conditions d’existence des sans papiers haïtiens s’empirent de jour en jour.
« Dans les champs de canne-à -sucre, les Haïtiens sont, pour la grande majorité, sans identité. Ils n’ont ni passeport, ni acte de naissance, aucune pièce qui prouve leur nationalité », déplore Gertrude Léonard, administratrice de l’Organisation pour le Développement des Femmes Immigrantes Haïtiennes et de leur Famille (ODEMIHF).
« La situation est très pénible dans les bateys. La population n’a pas accès aux services de base : eau, électricité, soin de santé, éducation », renchérit Gertrude Léonard.
L’ODEMIHF plaide en faveur de l’accomplissement de projets concrets, susceptibles d’aider les sans papiers haïtiens à se procurer des documents légaux leur permettant de jouir de leurs droits en qualité d’immigrants.
Par ailleurs, invité à se prononcer, dans le cadre de cette conférence internationale, sur les défis à relever par les journalistes pour une meilleure relation entre les deux pays, le rédacteur en chef de l’agence en ligne haïtienne AlterPresse, Ronald Colbert, convie ses collègues, tant du coté haïtien que dominicain, à identifier les outils de communication en leur possession pouvant garantir la libre circulation de l’information qui soit indépendante, dépouillée de stéréotypes et de propos désobligeants dans l’une ou l’autre nation.
Cette information, poursuit-il, ne doit pas cacher la vérité, mais promouvoir la construction d’une société insulaire juste, digne et fondée sur les relations de bon voisinage.
« Nous, journalistes et médias, avons aussi à réfléchir, à peser les mots et expressions utilisés dans nos textes d’information, de manière à éviter de fomenter des conflits dans le cadre des relations déjà compliquées et tendues entre les deux pays. Choisissons plutôt de textes porteurs qui encouragent la sérénité dans les activités mises en œuvre des deux cotés de l’île ».
Rappelant que les journalistes sont celles et ceux qui orientent les opinions publiques des deux pays, Colbert leur demande de se positionner et d’adopter une posture adéquate dans la collecte, le traitement et la diffusion d’informations sur les deux parties de l’île.
« Nous ne saurions cacher les informations, ni la vérité contenue dans ces dernières. Allons- nous à continuer à attiser les conflits séculaires entre les générations d’Haïtiens et de Dominicains ? », s’interroge-t-il.
Pour Colbert, le contexte actuel interpelle les journalistes des deux pays à se pencher sur la problématique des droits humains et de la migration qui, à son avis, devrait être un des thèmes fondamentaux à aborder par celles et ceux qui font métier d’informer tant en Haïti qu’en République Dominicaine. [rc lf apr 13/05/2006 14 :00]