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HaitiWebdo numéro 74

Un nouveau Parlement au centre d’éventuels jeux politiques en Haiti

Les pourparlers sont en cours en vue de définir une majorité parlementaire pour un programme de gestion nationale en Haïti pour les années à venir. La population attend de voir le profil des futurs Premier Ministre, ministres et secrétaires d’Etat pour considérer l’avenir du pays et ses modes d’évolution dans un environnement de stabilité.

UN NOUVEAU PARLEMENT AU CENTRE D’EVENTUELS JEUX POLITIQUES EN HAITI

Par Ronald Colbert et Djems Olivier

Après trois années de crise ayant conduit à la chute du régime de Jean-Bertrand Aristide, Haïti a désormais un nouveau Parlement, issu du second tour des élections législatives du 21 avril 2006 et appelé à renouveler les jeux politiques dans une démocratie à construire.

Les sénateurs et députés qui composent la 48e législature sont officiellement entrés en fonction, ce 9 mai 2006, après avoir prêté serment la veille à la lueur de bougies au salon diplomatique du Parlement.

27 sénateurs sur 30 ont juré de sauvegarder et de maintenir les lois du peuple haïtien qui leur a donné ce mandat lors d’un scrutin salué par tous les secteurs d’Haïti et de l’étranger. Au sénat, il manque trois autres postes qui seront comblés pour le Nord-Est d’Haïti à l’issue d’un second tour, dont la date n’est pas encore déterminée par le Conseil
Electoral Provisoire (CEP).

82 députés sur 99 sièges à la Chambre basse ont prêté serment lundi soir 8 mai, en attendant la reprise des élections dans 17 circonscriptions, où des dérapages ont été enregistrés au deuxième tour des législatives du 21 avril 2006.

La présidence de la chambre haute est assurée temporairement par Féquière Laurent Mathurin de la Plate-forme Lespwa (Espoir, en français), celle de la Chambre des députés par Mervius Félix Jean du parti Fusion des sociaux-démocrates (FUSION), Mathurin et
Jean étant les plus âgés des élus respectivement dans les deux chambres.

Plusieurs noms circulent pour occuper des postes de présidents aux bureaux du Sénat et de la Chambre des Députés. Le prochain président du Sénat pourrait être choisi entre Edmonde Supplice Beauzile (FUSION), Kelly Bastien et Yves Lambert (Lespwa), tous trois des anciens députés.

A la Chambre basse, Robert Mondé (FUSION), qui a déjà accompli plusieurs mandats de députés (depuis la période des Duvalier) se met en position pour diriger le prochain bureau.

Le président élu, René Préval, doit prêter serment le dimanche 14 mai prochain par-devant ce Parlement qui, déjà , fait face à de sérieux problèmes logistiques.

Les nouveaux occupants des deux chambres fonctionnent dans des conditions irrégulières, sans électricité, hommes et femmes utilisant les mêmes toilettes.
Contrairement à la convocation à l’extraordinaire, faite pour le 9 mai par le gouvernement de transition, l’Assemblée Nationale, réunissant les membres des
Chambres haute et basse, n’a pas encore pu tenir séance.

Vu qu’aucun parti politique n’a obtenu la majorité absolue au Sénat et à la Chambre des Députés, le nouveau Chef d’Etat, René Garcia Préval, devra consulter les présidents des deux chambres afin de désigner un nouveau Chef de gouvernement.

Déjà , des noms circulent dans les milieux politiques comme personnalités susceptibles de devenir Premier Ministre et ministres du prochain gouvernement.

D’aucuns pensent que des négociations vont avoir lieu entre la plate-forme politique Lespwa (Espoir) et les partis et regroupements Fusion des Sociaux Démocrates (FUSION), Organisation du Peuple en Lutte (OPL) et Alyans (Alliance), qui ont remporté plus de sièges, afin de dégager une majorité parlementaire.

Les membres de ces 4 partis et regroupements politiques sont les mêmes qui faisaient partie de l’Exécutif ou du Parlement de la première administration de Préval (1996 - 2001).

A l’exception du président provisoire Boniface Alexandre qui cédera le fauteuil à Préval le dimanche 14 mai 2006, date de l’investiture de ce dernier par-devant le nouveau Parlement, le Premier Ministre de transition Gérard Latortue et les ministres et secrétaires d’Etat du gouvernement intérimaire resteront en fonction, pour liquider les affaires courantes, jusqu’à la ratification de la politique générale de la nouvelle administration et la publication des nouveaux membres du gouvernement au journal officiel de la République « Le Moniteur ».

Un ancien député très en vue de la région métropolitaine de la capitale pourrait jouer le rôle d’interface entre le nouvel Exécutif et le nouveau Parlement, ainsi que d’aider à la mise en place d’un agenda législatif, selon les informations parvenues à l’agence en ligne AlterPresse.

Dès leur première entrée au Palais législatif le 8 mai 2006, certains parlementaires ont donné le ton en annonçant leur intention de partir en guerre contre la corruption et contre la politique de la chaise vide, pratiquée dans le temps par d’anciens parlementaires.
Ces déclarations d’intention sont jugées prématurées par des analystes, qui préfèrent voir ces parlementaires à l’œuvre avant de se prononcer sur un éventuel divorce d’avec les comportements du passé et une volonté à initier le modernisme dans le débat politique.

Le nouveau Parlement, qui prend place en Haïti dans la deuxième semaine de mai 2006, devra jouer un rôle important dans la définition d’un programme de gestion nationale à échelonner sur 25 ans, tel que souhaité par René Préval dans diverses prises de position
publiques et dans les contacts pris avec les formations politiques ayant acquis plus de sièges dans les deux chambres.

Par ailleurs, en ce qui concerne la laïcité de l’Etat, des interrogations pèsent sur les dispositions que pourront adopter les nouveaux parlementaires sur la question de Te Deum, envisagé pour le 14 mai, dans le cadre d’une tradition remontant au Concordat de 1860 conclu avec le Vatican, contrairement aux prescriptions de la Constitution du 29 mars 1987 qui n’accorde aucune préséance à une religion spécifique (catholique romaine, protestante ou église évangélique, vaudou).

Entre-temps, le président élu semble minimiser la démarcation entre le religieux et les affaires publiques. Il a débuté et terminé par une séance de prière sa rencontre du 9 mai avec les responsables d’information de divers médias.

Le nouveau Parlement aura également un mot à placer sur la problématique néolibérale et les décisions, attendues par la population, pour faire baisser le coût de la vie et générer des emplois multiplicateurs pour de nombreux jeunes affectés par le sous-emploi et
le chômage chronique.