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Haiti - Canada : Un partenariat important

Débat

Par Pierre-Richard Cajuste [1]

Soumis à AlterPresse le 2 mai 2006

Au début de ce millénaire, la politique étrangère du Canada semble connaître un revirement, en se faisant plus active sur la scène internationale. Selon des sources diplomatiques, elle parait privilégier en matière de coopération pour le développement : Haïti, le Moyen Orient, le Soudan et l’Afghanistan.

La république caraïbe se retrouve dans ce classement pour plusieurs raisons. Non seulement, ce grand pays partage en commun avec Haïti la langue française, il abrite également une importante communauté. Au début des années 60, un flux important de cadres, fuyant la dictature duvaliériste, a trouvé refuge là -bas. Pour couronner le tout, la Gouverneure Générale de ce pays, Michaelle Jean, est d’origine haïtienne.

Ainsi, le voyage du Président élu Preval au Canada peut être interprété comme une façon de resserrer les liens entre les deux peuples et aussi d’envisager une redéfinition de la Coopération entre les deux nations. D’ailleurs, le Canada a été très présent tout au cours de la période de crise, qui a vu le départ de l’ancien président Jean Bertrand Aristide le 29 février 2004, aussi bien qu’après. Il continue de jouer sa partition en assurant la coordination du groupe consultatif Ad Hoc sur Haïti au niveau du Conseil Economique et Social de L’ONU. L’un des mandats de ce groupe est de définir en collaboration avec le gouvernement haïtien ou plus précisément la cellule stratégique de réflexions créée par le gouvernement intérimaire (réf. : E/2005/86) le contenu du programme a long terme d’aide a Haïti (Réf. Nouvelliste du 28/10/05 Haïti membre de l’ECOSOC : un enjeu important). Il faut dire en passant que cette cellule stratégique mérite d’être adaptée en fonction des nouvelles données conjoncturelles.

Deux tendances se développent au sein du gouvernement canadien en faveur d’Haïti :

La première veut prioriser le développement économique faisant fi de la question sécuritaire, se basant sur le calme relatif qu’a connu le pays après la présidentielle du 7 février 2006. La deuxième entend mettre l’accent sur la sécurité dans un sens beaucoup plus large incluant aussi le développement.

La tache revient au Président Préval, au cours de sa visite, de convaincre les dirigeants canadiens sur l’importance d’aborder la question sécuritaire dans toute sa complexité.

La Coopération internationale avec Haïti vue sous l’angle bilatéral ou multilatéral est orientée vers quatre (4) axes fondamentaux :

-  L’appui à la sécurité et à la justice dans le sens intégral,

-  Le financement de l’extension du nouveau partenariat (la nouvelle version du CCI) entre la communauté internationale et la future administration,

-  L’appui dans le long terme de la stratégie de lutte contre la pauvreté en terme de support du processus et du financement de la stratégie.

-  Le support accru à la réalisation du dialogue national.

De plus, l’ONU, vecteur de la mobilisation internationale pour Haïti, envisage le financement d’une aide d’urgence de la stabilisation post-électorale basée sur la création immédiate d’emplois à haute intensité de main-d’oeuvre, l’amélioration des services sociaux de base, le renforcement des institutions démocratiques comme par exemple le parlement et la création du Conseil électoral permanent.

Le Conseil électoral permanent reste, aux yeux de la communauté internationale, un élément essentiel. Il doit être constitué rapidement compte tenu de l’urgence et des moyens opérationnels et disponibles de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (Minustah). Haïti pourrait en profiter.

Ceci dit, lors de la visite de Préval au Canada, on doit s’attendre à un effet d’ajustement au niveau de la coopération et la formulation des projets a impact rapide dont le but serait d’améliorer la souffrance des masses désœuvrées. Le Président élu pourrait aborder, à coté du cadre de coopération définie, des questions d’électricité et autres. L’Hydro-Québec a une grande expertise en la matière. Tout le monde a en tête la ville de Jacmel recevant cette précieuse énergie 24/24.

Ce “Frame work†de la coopération entre Haïti et la Communauté internationale, que nous avons présenté ci- dessus, n’exclut pas les priorités qui vont être dégagées par la nouvelle administration Préval. D’ailleurs, d’après ce qu’on croit comprendre, le CCI est en train d’être révisé en fonction des nouvelles priorités de la nouvelle équipe.

Un autre point important doit dès maintenant retenir l’attention des décideurs : le renouvellement du mandat de la MINUSTAH en août prochain en ce qui a trait à la forme que prendra la présence de l’ONU en Haïti. Dans son discours au Conseil de sécurité le 27 mars 2006, l’ambassadeur canadien a l’ONU l’avait mentionnée comme étant une étape importante.

La nouvelle administration pourrait envisager entre autres, dans le but de mobiliser la participation significative et coordonnée des organes, fonds et programme d’aide des Nations Unies en faveur du pays et pour une meilleure coordination des activités, d’organiser en marge de la réunion des bailleurs de fonds, une table ronde sur Haïti. Le Canada peut jouer un rôle important dans cette mise en place.

Parmi les 4 axes de coopération présentée plus haut, la stratégie de la réduction de la pauvreté a, pour le moins qu’on puisse dire, un caractère particulier. En fait, a partir de 2008 cette dernière doit remplacer la forme de coopération existante (CCI révisé). Ce Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DRSP) exigerait la participation des acteurs nationaux et des partenaires internationaux. Cette démarche qui doit être inclusive, participative, en dernier ressort consensuel, peut constituer la base du dialogue national et du même coup armé le pays d’un plan national de développement. (Réf. AlterPresse 29 novembre 2005, Plaidoyer en faveur d’un plan de développement en Haïti.)

Le pays entre dans une phase de coopération avec la communauté internationale qui se révèle plus qu’une nécessité.

Le Président Préval, dès son élection, a pris son bâton de pèlerin. Le Canada est en tout état de cause un partenaire nécessaire.

Les nouveaux décideurs doivent, sur cette lancée, de façon cohérente, articuler l’agenda national en créant une administration compétente capable d’établir un partenariat clair avec la communauté internationale. La tache est énorme, le peuple haïtien est en quête d’un peu d’espoir.


[1Contact : Cajuste2000@yahoo.com.