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Projection en sièges

Haïti : La composition du futur Parlement après les élections législatives de 2006

Débat

Soumis à AlterPresse le 26 avril 2006

Par Eric Sauray

Depuis la fin du second tour des élections législatives en Haïti, la plupart des personnes, qui informent sur la composition du futur Parlement, n’arrêtent pas de répéter le même message, à savoir que Lespwa et Lavalas devancent les autres partis.

C’est un peu vrai, mais c’est un peu court. Nous aurions préféré avoir de vraies analyses, puisque nous avons, en Haïti, des personnes capables de les faire. A défaut, il faudrait demander aux spécialistes de les faire.

Le plus curieux, c’est que nous avons pratiquement la même information, quelle que soit la source. Ce qui suppose qu’il y a une reprise de l’information, sans aucune analyse préalable, ce qui est dommage pour le pluralisme idéologique nécessaire à la vitalité de la démocratie.

Or, pour des raisons de compréhension, il aurait été préférable de faire : soit une projection en sièges, soit un tableau qui représente la répartition des sièges, en fonction des résultats du dépouillement opéré par le CEP.

Il s’agit peut-être d’une exigence trop forte. Mais, il va bien falloir arrêter de simplifier l’information, sous prétexte que les citoyens de base ne la comprennent pas. Les gens formés en Haïti ont, eux aussi, le droit à une information conforme à leur niveau d’éducation.

Quoi qu’il en soit, comme en science politique, il faut être précis, nous avons décidé de donner de vraies informations pour ceux que cela intéresse.

A la date du 26 avril 2006, en termes de projection et compte tenu des informations dont nous disposons, la composition du futur Parlement devrait être celle-là  :

Au Sénat, pour 27 sièges définitivement attribués : Lespwa 12 ; Fusion 3 ; OPL 4 ; LAAA 2 ; Lavalas 2 ; Union 0 ; ALYANS 2 ; MIRN 0 ; PONT 2.

Les résultats ne sont pas encore connus pour le département du Sud. A cette date, trois femmes feront leur entrée en Sénat. Il faut attendre les résultats du Sud pour savoir s’il y en aura plus.

Nous notons aussi la belle percée du parti LAA, un parti neuf et régionaliste, mais dont les résultats aux élections législatives sont plus encourageants que ceux de partis présents sur l’échiquier politique depuis de longues années.

A la chambre des députés, pour 66 sièges définitivement attribués : LESPWA 20 ; FUSION 10 ; UNION 2 ; OPL 6 ; ALYANS 8 ; LAAA 1 ; MOCRENAH 1 ; MRN 1 ; MIRN 1 ; MPH 3 ; FRN 2 ; KONBA 1 ; LAVALAS 3 ; Modereh 1 ; TET ANS 1 ; IND 1 ; RDNP 3 ; UNITE 1 ;PONT 0.

A cette date, les résultats du département du Sud ne sont pas connus. Les résultats de ce département seront d’une importance capitale pour l’Union qui, pour le moment, n’a pas beaucoup de députés élus. Pour ce parti, nous maintenons notre projection scientifique établie il y a un mois.

Il faut rappeler aussi que, dans beaucoup de circonscriptions, on en était encore au premier tour.

Là aussi, nous verrons si les femmes ont réussi à entrer en force au Parlement, non pas pour représenter leur genre et plaire aux féministes radicaux, mais pour faire en sorte que la représentation nationale soit plus conforme à la composition de la société et pour faire avancer leur pays, tout en apportant un peu plus de classe, d’intelligence et d’humanité aux débats qui vont s’ouvrir.

En conclusion, nous avons un Parlement à la composition éclatée.

Lespwa, Lavalas et PONT sont majoritaires au Sénat. Ils ne le sont pas à la chambre des députés.

Conformément à la Constitution de 1987, le Premier ministre devrait être issu de leur camp, mais avec qui feront-ils alliance pour obtenir les 50 députés nécessaires pour la majorité absolue et pour gouverner ?

Aucun Haïtien, qui aime son pays, ne peut souhaiter une nouvelle majorité entre Lespwa, Lavalas, OPL et Fusion. Le pays a déjà donné. Ce qui n’a pas marché dans le passé ne marchera pas à l’avenir.

Nous ne nous éterniserons pas sur ce point, puisque c’est le cœur de notre essai qui paraît le 13 mai 2006. Mais, d’ores et déjà , nous pouvons nous poser la question essentielle : qui sera le prochain Premier ministre ?

Dans les pays organisés, bien avant les élections législatives, on connaît l’identité de celui qui deviendra Premier ministre si son parti gagne les élections législatives. En Haïti, tout se décide toujours au dernier moment.

Après le Président René Préval, qui est le chef de Lespwa, créée uniquement pour les besoins de la présidentielle ? Le Président René Préval va-t-il encore choisir un Premier Ministre, issu de la société civile et donc ignorant de la chose parlementaire et qui va donc reproduire les mêmes erreurs du passé ?

Le Président choisira-t-il comme Premier Ministre un parlementaire ou un politique expérimenté capable de tenir sa majorité et de respecter son opposition, comme l’exigent les règles protocolaires d’un régime mixte parlementaire ?

Maintenant que les élections sont terminées, il va falloir répondre aux grandes questions stratégiques.

Autres éléments techniques de première importance : Lespwa et Lavalas comptent, dans leurs rangs, quelques sénateurs dont le mandat sera de deux ans. D’ici deux ans, ils devront se battre pour ne pas perdre la majorité au Sénat.

Voilà nos premières réflexions sur les premiers résultats officiels des élections législatives. Nous compléterons cette étude quand nous aurons d’autres résultats.

Mais les grands rapports de force ne changeront pas. Il y aura uniquement une consolidation des positions pour les partis en tête.

1 Juriste, politologue, doctorant en droit public à L’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine - Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3

2 Eric Sauray, Haïti : une démocratie en perdition, le peuple vote...Le conseil décide, Dauphin Noir Edition, Paris, mai 2006