Par Giscard Bouchotte
Etant à l’origine un réseau secret de communication pour l’armée américaine,
l’Internet s’est élargi ces dernières années aux institutions et aux grandes entreprises pour devenir aujourd’hui l’emblême des autoroutes de l’information grace aux ordinateurs. Nouveaux moyens de communication, nouveaux modes d’expression, nouveaux outils d’information, ils prennent une toute autre dimension dès lors qu’ils sont reliés entre eux. Une fois « connecté », on a accès à une masse d’informations en même temps : l’internet semble être né d’une révolution sans trop de controverses ! Il existerait plus de cent vingt millions d’internautes dans le monde…
Aidés de nos expériences éventuelles sur le réseau, les analyses et réflexions sur les commentaires de quelques spécialistes nous permettront de comprendre qu’au titre de « civilisation », l’Internet a son côté magique comme il a son coté obscur. L’essentiel serait plutôt de cerner la place d’Haïti au sein du réseau car il fallait bien qu’elle se fasse un quote-part dans cet immense puzzle universel pour suivre la mode. En effet, elle essaie de rattraper un terrible retard en brûlant les étapes afin de s’inserrer dans le réseau des réseaux. Il suffit de voir à quel rythme ont pullulé ces derniers temps ici les cybercafés et comment ont afflué de plus en plus les "http" et les "www" dans les journaux ou sur les affiches publicitaires. Quel changement de cap brutal ! Histoire de faire comme les pays développés, on fait un grand saut en avant du téléphone traditionnel vers l’e-mail. Tout le monde devrait y penser car dans un pays à plus de 80 % de la population analphabète où les infrastructures sont très minimes, voire presqu’inexistants, et où les systèmes d’organisation ne privilégient que ceux qui détiennent le pouvoir et d’autres valeurs qu’à tort la société soutient, où est la vraie place de cette technologie de pointe ?
De plus en plus de jeunes étudiants s’éveillent donc aux mystères de la Toile et découvrent chaque jour tous les avantages qu’ils peuvent en tirer. L’e-mail a déjà une place de choix : ce système de correspondance gratuite qui permet de communiquer avec n’importe qui sur la planète ayant une adresse e-mail s’avèrerait plus rapide que la Poste, moins cher que le téléphone et avec tous les atouts de l’ordinateur tel que répondre instantanément, ajouter des fichiers audio et vidéo, etc…
Sans doute, les services ne s’arrètent pas là : consulter des informations dans presque tous les pays du monde est maintenant possible, un moyen de se cultiver, se divertir sans se déplacer, donc moins de dépense d’énergie. On peut accéder à des banques de données pour les recherches, participer à des groupes de discussion en ligne, partager ses idées, etc. En ce sens , dans un pays comme Haiti où la liberté d’expression est un peu bafouée, ne serait-ce pas une des voies idéales pour pouvoir entendre tous ceux qui sont en marge ? Déjà , pour quelques uns, Internet est un moyen de s’évader dans un monde plutôt virtuel. Mais, tout n’est pas parfait même dans le meilleur des mondes !
Bien sûr, si le réseau offre autant d’avantages à ses utilisateurs, c’est qu’il a aussi son côté obscur. Quand on a le monde aux bouts des doigts, on risque d’en devenir soi-même l’esclave. L’un des facteurs à prendre en compte est le temps : entre les heures passées à traverser d’un site à un autre sans rien y retenir et celles passées à attendre le chargement de certaines pages d’accueil, on oscille entre le manque et le gaspillage. Aussi, face au déferlement de dossiers et d’informations, il faut savoir les trier et les gérer. Outre la désinformation, les sites nuisibles, la lassitude et d’autres facteurs de tous genres qui brouillent le plaisir de surfer, le réseau permet aussi à des groupes indesirables d’émettre ainsi leurs opinions et leurs slogans ( les intégristes racistes, les armateurs d’images pornographiques, etc…).
Peut-on rendre les fournisseurs d’accès responsables ? Jusqu’à présent, à part les systèmes de sécurité personnelle de certains sites, tout internaute a accès à toutes les pages du Web. Le débat persiste à savoir s’il faut oui ou non dans ce cas pratiquer la censure et ainsi se permettre de menacer l’internet dans son rôle de démocratisation du savoir. Qu’en serait-il donc alors de la définition même du réseau qui est, dans toute son affirmation, l’absence des frontières en vue de faciliter tous les échanges possibles ? Certains pensent que malgré tout, on peut se le permettre ; d’autres avancent qu’en dépit de tout, comme on l’a fait avec les cables spéciaux pour la télévision, on doit recourir à l’autorégulation. Cependant, même l’e-mail a son côté fatal : des malins peuvent dénicher une boite aux lettres et l’envahir de messages publicitaires ou sans intérêt.
En Haiti, la cyberculture pourrait devenir un moyen d’apprendre, de se faire une vraie culture générale grâce aux banques de données et les diverses pages d’informations sur la politique, le cinéma, la musique etc…
Certains problemes persistent encore. Par ailleurs, pour les jeunes qui vivent dans le climat et la situation qu’on connait en Haiti, la machine elle-même, est-elle toujours accessible ? Et comment bien profiter des mille avantages du réseau si on ne sait même pas comment fonctionnent les ordinateurs, coller des fichiers, fermer un dossier etc…« une véritable culture des réseaux informatiques est à développer » avance Michelle Prouzeau dans la revue CNED, car , on le voit bien et on comprend pourquoi, les écoles et les universités tardent encore à préluder cet apprentissage qui devait être déjà bouclé.
L’un des handicaps majeurs d’une parfaite extension du réseau en Haiti demeure l’absence d’infrastructure ! Le réseau en effet nous veut beaucoup de contraintes : L’électricité, oui, mais aussi les moyens de communication comme le téléphone sans fil ou par ondes et surtout de l’argent ! A-t-on toujours les moyens de de se payer un abonnement chez un fournisseur d’accès ? Il en faudrait non seulement au pays mais aussi aux particuliers pour s’équiper, être branchés et ainsi rattraper nos devanceurs ! « La culture du net est une culture de la vitesse » déclare Dominique Strauss-Kahn dans un article publié dans la revue L’ Evenement.
Pour paraphraser Cocteau, on constate un « grand écart ». L’internet va donc à un rythme infernal pour notre société si habituée à la stabilité. Même si le réseau devait normalement être ouvert au plus large public possible, il ne concernerait qu’une très faible minorité de gens en Haiti. Il ne s’agit point d’un refus, mais déjà la plupart ne sait pas ce que c’est réellement Internet. Et comme l’arrivée de toutes les nouvelles technologies, en Haiti et dans les pays sous-dévelopés, il y a risque d’importantes conséquences. On se demande s’il ne va pas soulever à nouveau le débat déjà entamé depuis l’invention de la télévision qui, semble-t-il, a évincé la lecture chez les jeunes et détruit les conversations avec leurs parents.
Plusieurs stations de radio à la capitale ou les grandes institutions bancaires et entreprises du pays se paient des pages web. Mais quel est le sort des institutions ou des entreprises qui n’ont pas encore leur site ou qui ne peuvent pas se l’offrir ? N’y a t-il pas risque de fracture entre ceux qui sont entrés dans le monde de l’Internet et ceux qui n’ont pas accès, les lieux d’accès et les moyens d’y accéder étant encore au dessus des possibilités des gens ?
I nternet semble être la solution idéale pour tous les assoiffés du savoir. Le web devient une formidable chaine où l’on donne peu et reçoit beaucoup. Mais à côté des nombreuses avantages que nous offre le réseau, il présente aussi ses dangeureuses failles : l’espionnage, la manipulation d’informations, les sites nuisibles… Didier Sand souligne que « le réseau lui-même est le reflet de nos différends et qu’il ne devrait être ni pire ni meilleur que l’humanité, mais à son image »
Nous vivons une époque de clic et de zapping mais le réseau qui est censé ouvert au large public n’est pas accessible à tous. D’où un monde et une société à deux vitesses. Innovation pour les participants, marginalisation pour ceux qui ignorent internet comme il en a toujours été pour toutes les nouvelles technologies en Haïti.
Par ailleurs, on craindrait vraiment une sorte d’autisme social, avec des gens qui privilégient davantage les relations virtuelles que les chaudes relations humaines qui font déjà tant défaut dans notre société. Une chose est sûre : le temps des bricoleurs est révolu, place aux vrais spécialistes et aux professionnels et, comme François Deletraz le suggère dans un article au Figaro magazine, « Le XXIème siècle qui s’était donc annoncé spirituel sera en effet celui de l’information reine où ne pas savoir sera ne pas exister ! »
Giscard Bouchotte / kee_ven@yahoo.fr