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Haiti : Poétique du soleil

Sur le recueil de poèmes de Jean Norgaisse

Note de lecture

Par Guy-Robert Saint-Cyr

Soumis à AlterPresse le 8 avril 2006

Du soleil, Jacques Stephen Alexis en a fait un général, Jean-Claude Garoute (Tiga) en a fait un saint et Jean Norgaisse en a fait ressortir les blessures, c’est dire l’importance du soleil dans notre monde littéraire et artistique ! Tantôt on le fait révolutionnaire, tantôt on le vénère comme une divinité. Dans tous les cas de figure, il représente l’espoir et l’optimisme. C’est en ce sens qu’il faut lire et savourer Les blessures du soleil de Jean Norgaisse [1].

On connaît bien l’auteur : professeur et chercheur au Spelman College d’Atlanta et auteur de nombreux travaux universitaires sur les écrivains francophones des Caraïbes. Il a, entre autres, écrit sur notre écrivain national Franck Etienne. Mais, c’est la première fois qu’il livre aux lecteurs une œuvre de création. à€ la lecture de cette œuvre originale, on est tenté de se demander pourquoi a-t-il pris tout ce temps avant de se livrer au grand public. Peut-être est-ce par modestie ou par surcharge de travail académique... mais s’il voulait prendre son temps pour mûrir son écriture ou pour aiguiser sa sensibilité, on peut dire qu’il a réussi ! En effet, tous les textes du recueil poussent à la réflexion et à la méditation. Les sujets traités sont graves et l’auteur les traite en connaissance de cause et selon les règles de l’art. C’est le moins qu’on puisse en dire.

Dans ces textes très profonds, certains écrits à Atlanta et d’autres à Montréal, Jean Norgaisse chante son pays, nous parle de sa misère, de sa détresse et de sa beauté. C’est un plaisir jubilatoire de constater avec quelle simplicité et quel regard critique l’universitaire sait mettre sa sensibilité poétique à la portée de tous. Poétique du déracinement, serait-on tenté d’avancer pour reprendre cette expression chère à Joà« l Des Rosiers. En tout cas, voilà une poétique qui dit non au désespoir, car le désespoir est propre à ceux qui ne comprennent pas les causes du mal, ne voient pas d’issue ou sont incapables de lutter. Tel n’est assurément pas le cas de Jean Norgaisse. Dès lors, on comprend Aimé Césaire qui dit trouver dans les poèmes de l’auteur « la voix même d’Haïti qui lutte, qui souffre », cette Haïti que le chantre de la négritude déclare aimer de tout cœur. Il est à espérer que, dans un avenir pas trop lointain, il soit possible de parler des cicatrices du soleil. Certainement, l’on pourra toujours compter sur Norgaisse pour nous chanter une Haïti nouvelle !

© Guy-Robert Saint-Cyr,
Port-au-Prince, Haïti
Avril 2006


[1Jean Norgaisse, Les blessures du soleil, Montréal, Les Editions du CIDIHCA, 2005, 157 pages