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HaitiWebdo numéro 72

Désenchantement et incertitudes pour le second tour de scrutin d’avril 2006 en Haïti

Comme il fallait s’y attendre, le choix de privilégier les présidentielles au détriment des autres compétitions électorales risque fort d’orienter, voire de déterminer le choix des électrices et électeurs au second tour des législatives annoncées pour le 21 avril 2006 en Haïti.

DESENCHANTEMENT ET INCERTITUDES POUR LE SECOND TOUR DE SCRUTIN D’AVRIL 2006 EN HAITI

Par Ronald Colbert

A l’instar des précédentes consultations, où la population nationale avait manifesté un intérêt de participation, les prochaines législatives ainsi que les futures municipales et locales (jusque-là fixées pour le mois de juin 2006) pourraient susciter peu d’enthousiasme chez les votants. Beaucoup d’entre eux, qui avaient choisi de ne pas désigner de candidats en optant pour ce qu’il est convenu d’appeler le « suffrage blanc », pourraient s’abstenir dans les scrutins à venir.

Cette attitude est susceptible de recevoir toutes les épithètes d’observateurs, anticipant le rôle des législatives dans la formation de la prochaine administration politique (choix des ministres et des responsables d’organismes autonomes à compter de juillet de 2006) et les enjeux des municipales et locales, dans le cadre d’une décentralisation effective et d’une déconcentration des pouvoirs déjà confinés aux organes centraux de la « république de Port-au-Prince ».

D’aucuns s’interrogent sur les marges de manœuvre, démocratiques, que laissera au nouveau gouvernement (et par ricochet au futur Premier Ministre) ou que veillera à respecter, suivant les normes de la Constitution de 1987, le président, René Garcia Préval, proclamé le 16 février 2006 vainqueur des présidentielles du 7 février par le Conseil Electoral Provisoire (CEP).

Différentes citoyennes et différents citoyens, qui restent encore attachés à un pouvoir fort de la Présidence, proposent des remaniements à la Charte fondamentale, arguant que beaucoup d’articles rédigés au cœur d’une période de pressions populaires ne sont ni de mise ni d’application, parce que trop contraignants ou manquant de provisions statutaires.

Pendant les 19 ans d’existence de la Constitution du 29 mars 1987, plusieurs organismes et mécanismes stipulés n’ont jamais été mis en route, tels la responsabilité des assemblées territoriales et des Conseils départementaux dans la prise de décisions sur l’avenir de la nation.

Il reste, tout de même, que le passage obligé des élections 2006 devrait permettre, à chacun des secteurs, de pratiquer l’apprentissage dit démocratique, dans le but d’un essai de construction sereine, à partir de structures d’autorégulation des différentes instances.

Y aura-t-il un plan de développement à long terme, comme laisse entendre le nouvel élu de la plate-forme politique dénommée « Lespwa » (Espoir), qui rassemble beaucoup d’anciens protagonistes lavalas ? Qu’en sera-t-il de l’impunité ? Quid de l’utilisation à venir des taxes versées par les contribuables ? Quelles dispositions seront adoptées sur l’environnement, les infrastructures en communication, les routes ? Comment les investissements pourront garantir des emplois durables, dans un environnement sécuritaire et de stabilité ? Quelles mesures vis-à -vis du coût élevé de la vie et de la hausse continue des prix des produits pétroliers sur le marché national ? Quelle éducation et quelles infrastructures sanitaires pour quel pays ? Quid de la production nationale, notamment agricole et artisanale ?

En attendant de vivre la manière dont seront articulées les réponses à ces interrogations, l’actualité immédiate interpelle encore les consciences.

Les votes blancs seront ignorés au second tour de scrutin, selon le CEP

Le Conseil Electoral Provisoire (CEP) avise que les votes blancs ne seront pas comptabilisés lors du deuxième tour des élections, vu les dispositions prévues dans le décret électoral.

« Au cours de ce scrutin, les candidats seront élus à la majorité relative des voix exprimées », affirme Jacques Bernard, directeur général du CEP dans une conférence de presse le vendredi 7 avril 2006.

Voulant rassurer l’électorat de la détermination de l’organisme électoral à corriger, au second tour de scrutin le 21 avril 2006, les erreurs commises au cours du premier tour, Jacques Bernard rejette l’idée que le CEP avait violé le décret électoral dans le mode de comptage des voix au premier tour.

« Le conseil avait choisi de répartir les votes blancs aux candidats, selon un prorata établi », souligne-t-il.

Le directeur général de l’organisme électoral annonce, pour le dimanche 9 avril 2006, une journée de répétition électorale avec le personnel des Bureaux de Vote (BV). L’organisme électoral entend familiariser les managers, superviseurs et membres de BV à leurs bureaux respectifs.

Un dernier lot de bulletins de vote, pour le second tour et concernant uniquement le département de l’Ouest, arrivera dans le pays le lundi 10 avril 2006, prévient le conseiller Pauris Jean Baptiste signalant que « tous les matériels de vote pour les 9 autres départements sont déjà en Haïti ».

Cependant, à deux semaines des suffrages, le CEP ne trouve pas encore de local pour établir un centre de diffusion des résultats.

Le refus systématique des propriétaires d’hôtels, dans la plupart des cas, fait suite aux incidents survenus le 13 février 2006 à l’Hôtel Montana, lieu de diffusion durant le premier tour, où une foule de manifestants proches du président élu René Préval, avaient investi le local en exigeant la victoire de leur leader, reconnaît Jacques Bernard.

Bernard affirme avoir déjà visité environ 70 bâtiments, sans parvenir à un accord pour le nouveau centre de diffusion des résultats du scrutin du 21 avril 2006.

L’Union européenne confirme sa participation à l’observation de ces joutes

Tout en regrettant le non respect des dispositions du décret électoral au premier tour du double scrutin présidentiel et législatif, la Mission d’observation électorale de l’Union Européenne (MOE) rassure qu’elle va observer le second tour des élections législatives haïtiennes, prévu pour le 21 avril 2006.

Tout en déplorant le fait que ses observateurs n’aient pas eu plein accès aux opérations de consolidation des résultats du premier tour, la mission dit prendre acte de la décision des autorités électorales de répartir les votes blancs entre les candidats à l’élection présidentielle, contrairement aux dispositions de l’article 185 du décret électoral.

Dans un communiqué transmis à l’agence en ligne AlterPresse, la MOE souligne l’importance des joutes du 21 avril pour la transition démocratique en Haïti. Mais, elle rappelle qu’elle ne pourra contribuer à légitimer un processus électoral que sur la base de l’observation de toutes les phases du processus.

« Il est alors essentiel et indispensable de pouvoir observer la phase de tabulation des résultats dès le début et jusqu’à la fin », estime la mission de l’UE qui espère voir le second tour des élections législatives se dérouler « dans un climat paisible et dans le respect des dispositions électorales en vigueur ».

La MOE promet de rendre publique une nouvelle déclaration préliminaire dans les jours qui suivront le second tour des élections législatives.

Un rapport final, incluant des recommandations en vue de l’amélioration du processus électoral, sera publié dans les deux mois qui suivront l’achèvement de tout le processus. L’évaluation globale de ces élections prendra en compte tous les aspects du processus électoral observés par la Mission.

Aux côtés du chef de Mission, Johan Van Hecke, une équipe de sept experts électoraux ainsi que vingt observateurs à long terme regarderont les préparatifs électoraux. Quarante observateurs à court terme ainsi qu’une délégation de membres du Parlement Européen rejoindront la Mission peu avant la tenue du scrutin du 21 avril, informe la MOE.

La MINUSTAH garantit un appui logistique et technique

La Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) envisage de mobiliser avec le Conseil Electoral Provisoire (CEP), 37,000 membres de BV dans les différents centres au jour des consultations.

48 grands formateurs, ayant pour mission de transmettre leur savoir au personnel des Bureaux de Vote (BV), ont été déjà formés à cette date, renseigne le porte-parole civil de la Mission, Damian Onses Cardona, intervenant au cours d’une conférence de presse le 6 avril 2006.

Le mode de traitement accordé aux procès-verbaux de vote et leur arrivée dans les centres de vote feront l’objet d’une attention spéciale, avise Cardona qui prévient que la MINUSTAH et la Police Nationale d’Haïti (PNH) travaillent sur des plans conjoints de sécurité en vue de la réussite des élections.

La MINUSTAH est responsable de la logistique dans les suffrages.

Au lendemain des élections du 7 février 2006, nombre de matériels de votes ont été retrouvés dans un dépotoir à Truttier (Nord), alors que les décomptes de voix se poursuivaient au centre de tabulation des résultats.

La découverte de ces matériels dans une décharge a provoqué des remous parmi les partisans du candidat à la présidence René Préval, qui avaient gagné la rue et exigé le triomphe de leur « leader ».

Le CEP a finalement déclaré Préval gagnant des élections, le 15 février 2006, avec 51.15% des voix, suite à des moments de troubles et de turbulence dans le pays. Ce pourcentage a atteint le chiffre de 51.21% dans les résultats finals, avec 992,766 voix.