Soumis à AlterPresse le 3 avril 2006
Débat
Par Pierre-Richard CAJUSTE (1)
« Nous mourrons tous, nous mourrons tous, les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants" écrivait Jacques Roumain dans son chef-d’oeuvre « Gouverneurs de la rosée ».
Il est inconcevable qu’au début du 21e siècle, Haïti patauge dans une misère aussi abjecte. Haïti, mère des libertés, est à deux doigts de rendre l’âme.
La mobilisation populaire du 7 février 2006 la remet peu à peu, de façon positive, sur l’échiquier mondial. La Communauté internationale ne peut pas ignorer cette gigantesque manifestation de ce peuple épris de démocratie et rêvant “d’un lendemain meilleur†.
Ce n’est pas un hasard si la question haïtienne est inscrite à l’ordre du jour au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
L’Argentine, un des poumons de la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), assure la présidence durant le mois de mars. C’est dans cet ordre d’idées que cette République-sœur a invité, la semaine dernière, le futur chef de l’Etat, René G. Préval, à venir exposer sa vision de la reconstruction économique et de la lutte contre la pauvreté en Haïti.
Le président René G. Préval, dans un certain sens, a bien exécuté sa partition. Il revient à la communauté internationale d’apporter sa contribution sous peine d’être condamnée pour non assistance à une Nation en danger.
L’invitation doit être étudiée sous plusieurs aspects comme par exemple : une prise de contact formelle avec le nouveau président élu, une nouvelle définition de la coopération entre Haïti et ses partenaires internationaux.
La nouvelle configuration des relations internationales, depuis la chute du Mur de Berlin, marquant la fin de la guerre froide, offre des fenêtres d’opportunité à des pays comme Haïti. Ce n’est pas sans intérêt qu’on a inventé le concept de « responsabilité partagée » pour souligner l’engagement et l’accent prononcé en faveur du développement économique.
C’est là aussi que doit intervenir la responsabilité des élites (politiques, économiques). Il s’agit de créer le grand agenda national. Haïti doit d’abord rassembler ses fils et ses filles pour affronter les défis qui l’attendent.
A ce carrefour historique, il faut créer un leadership capable de forger une nouvelle vision pour le bien-être de la Nation. On a perdu trop de temps dans des querelles inutiles.
Il faut mettre un terme à cette polarisation malsaine ayant fait tant de mal au pays. Comme disait le chanteur français Jean Ferrat dans son texte ( Le Bilan ) :
« C’est un autre avenir qu’il faut qu’on réinvente sans idole ou modèle, pas à pas, humblement ».
L’obligation est urgente en faveur d’un plan de développement participatif, inclusif et consensuel pour sortir le pays de ce marasme.
Cela rejoint le désir du futur président de proposer à toutes les composantes de la Nation un pacte de gouvernabilité pour les trois prochaines décennies.
En même temps, il faut maintenir cette mobilisation internationale en faveur d’Haïti en établissant une autre forme de partenariat plus cohérente et plus adaptée.
Il faut mettre, toutefois, un certain bémol : l’aide publique au développement (APD) ne va pas accomplir de miracles.
Le président René G. Préval l’a peut-être compris. Ce n’est pas sans raison qu’à chaque fois qu’il a l’occasion de le faire, il parle d’attirer les investisseurs étrangers.
Or, qui dit investissement dit stabilité. Cette stabilité politique est indispensable pour atteindre cet objectif.
Les futures autorités doivent batailler très dur pour changer l’image du pays à l’étranger et créer les structures appropriées capables de rendre Haïti plus attractive.
Les besoins sont énormes par rapport aux attentes. La future administration se doit de travailler avec beaucoup de rigueur et de sérieux.
Ainsi donc, l’enjeu de la visite de Préval à l’ONU est-il de taille. Il ressort de tous les contacts et conversations formels et informels avec des diplomates impliqués dans le dossier haïtien, que la communauté internationale compte beaucoup sur les nouvelles autorités haïtiennes.
A l’ordre du jour, on devrait mettre en place les priorités suivantes :
Reconstruction et développement
· Aide immédiate (Programme post-électoral)
· Révision du CCI
· Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté
Paix, Sécurité, Droits de l’homme :
· Respect des Droits de l’homme.
· Réforme de la police, de la justice et du système pénitentiaire.
Dialogue national
Il est incontestable qu’un nouveau vent souffle. Il s’agit cette fois, d’en finir avec les querelles de chapelle, les luttes sans grandeur. Le sous-développement, voilà l’ennemi.
(1) Ancien délégué d’Haïti aux Nations Unies
Cajuste2000@yahoo.com