P-au-P., 03 avril 06 [AlterPresse] --- Le dossier des assassinats du 3 avril 2000, perpétrés sur les personnes du directeur de Radio Haïti Inter, Jean Léopold Dominique, et du gardien de la station, Jean-Claude Louissaint, se trouve depuis environ 6 mois entre les mains du juge d’instruction Jean Ostrict Hercule, a maintenu ce 3 avril 2006 le doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, Me Rock Cadet, au cours d’une rencontre avec la Presse, dont un journaliste de l’agence en ligne AlterPresse.
Réfutant les allégations, selon lesquelles le juge instructeur Hercule se serait désisté de l’affaire, Me Cadet affirme que « le dossier est confié au magistrat depuis le 4 août 2005 ».
« La loi accorde un certain délai de deux mois, avec possibilité de prorogation, aux juges instructeurs pour faire sortir une ordonnance. Ce n’est pas après 6 mois qu’un juge se décharge d’un dossier », soutient-il.
Le doyen du tribunal civil de la capitale haïtienne reconnaît avoir reçu une correspondance de Me Hercule, évoquant des raisons personnelles qui l’empêcheraient de poursuivre l’instruction. Mais, à son tour, il a écrit au juge Hercule, l’informant qu’en l’état du dossier, ce dernier ne pourrait pas se dispenser d’instruire.
« Automatiquement qu’il est saisi par un réquisitoire d’informer du ministère public, un juge d’instruction ne peut pas se dispenser d’instruire... », souligne Cadet ajoutant, d’un ton ferme : « Me Hercule est le dernier juge à mener l’instruction sur le dossier de Jean Dominique tout le temps que j’aurai à passer au tribunal ».
« Si les juges s’amusent à retourner des dossiers au doyen, il va arriver un moment où ces derniers s’empilent dans les tiroirs ; moi je lutte contre ce phénomène, et je ne veux garder aucun dossier dans mes tiroirs. La justice est une responsabilité à partager, et chacun est appelé à faire son travail » indique-t-il.
« Le juge peut ne pas pouvoir traiter le dossier dans le délai exigé par la loi, mais il a pour obligation d’en expliquer les raisons », poursuit Cadet.
L’intéressé, Me Jean Ostrict Hercule, a fait savoir à la Presse qu’il se serait dessaisi du dossier pour « convenances personnelles ».
Toujours est-il que des interrogations pèsent dans le milieu sur les atermoiements de la justice haïtienne en ce qui concerne les assassinats, le 3 avril 2000, de Jean Léopold Dominique et du gardien de la station Radio Haïti Inter, Jean-Claude Louissaint, un dossier sur lequel pas moins de 4 juges instructeurs se sont penchés. 6 ans après, l’enquête semble piétiner, l’impasse paraît totale.
Depuis le 3 avril 2000, deux présumés suspects, Jean Wilner Lalane et Panel Renélus, ont trouvé la mort dans des conditions mystérieuses, tandis qu’au moins 3 inculpés se sont échappés de la prison civile de Port-au-Prince le 19 février 2005, lors d’une évasion spectaculaire d’environ 400 détenus. Certains de ces inculpés participeraient, depuis leur évasion, dans des actes de violence à Martissant, banlieue sud de la capitale, suivant des rapports communiqués à la Presse par des organismes nationaux de défense de droits humains.
C’est dans ce contexte que de nouveaux cris sont lancés pour exiger justice en faveur de Jean Léopold Dominique et de Jean-Claude Louissaint.
A l’occasion du 3 avril 2006, qui ramène le 6e anniversaire des assassinats du directeur de Radio Haïti Inter, Jean Léopold Dominique, et du gardien de la station, Jean-Claude Louissaint, diverses voix nationales et internationales réclament la fin de l’impunité en Haïti.
Au cours d’un rassemblement-réflexion le lundi 3 avril 2006 sur le kiosque Occide Jeanty au Champ de Mars, principale place publique de la capitale à proximité du Palais présidentiel, différents intervenants ont plaidé pour que justice soit rendue à Jean Dominique et à Jean-Claude Louissaint, ainsi qu’aux milliers de personnes en détention préventive prolongée dans les prisons du pays.
Thierry Fagart de la section des droits humains de la Mission des Nations Unies de Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) forme le vœu d’une remise en état de fonctionnement du système judiciaire par la prochaine administration qui sera issue des prochaines législatives du 21 avril 2006.
« Je crois qu’effectivement le nouveau gouvernement, qui va être mis en place dans quelques semaines (1 mois et 2 semaines environ) sera vite informé de la nécessité de réformer en profondeur le système et de s’attaquer à ce cancer que l’on appelle l’impunité ; ce cancer qui a trop longtemps laissé Haïti dans le clan de pays déshérités, dans le clan de pays qui ont du mal à progresser », note Fagart.
Pour le responsable onusien de droits humains, une lutte véritable contre l’impunité demeure primordiale dans les mois à venir. Sinon, il faudra s’attendre à la perpétuation du statu quo, à aucun changement dans le pays, craint-il.
A ce rassemblement-réflexion, des avocats, journalistes et autres personnalités ont dénoncé la lenteur de l’appareil judiciaire qui traîne en longueur dans plusieurs dossiers, dont le double meurtre du 3 avril 2000 et divers autres laissés dans les tiroirs sans aucune clarification ni désignation des commanditaires, auteurs et complices et autres des forfaits perpétrés.
Initiative du regroupement dénommé « Groupe de Réflexion et d’Action en appui aux mouvements populaires et démocratiques », ce rassemblement-réflexion a été l’occasion de rappeler l’engagement politique de Jean Dominique, les démarches accomplies par sa veuve, Michèle Montas, et différents organismes de défense de droits humains pour que les dossiers de justice suivent leur cours et aboutissent. [lf rc apr 03/04/2006 16:30]