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Pour la décence et la justice sociale interétatique

Une ontologie politique Nord-Sud

Débat

Par Camille Loty Malebranche

Soumis à AlterPresse le 30 mars 2006

Dans l’arsenal des vocables qui constituent le jargon des rapports entre le Nord et le Sud, il est une véritable rature des vraies causes de la débâcle des états qui n’arrivent point à décoller de ce qu’il faut appeler le retard historique programmé, pour se joindre à la Modernité politico-économique. Rature qui n’est pas rupture de ce qu’il convient d’appeler l’ontologie politique des Etats-Nations qui ont provoqué la séparation du monde en nantis et paupérisés. On nous rebat les oreilles avec des propos comme états corrompus, états en faillite, pays sous-développés, sociétés arriérées... Un véritable procédé de blâme des victimes orchestré par la sociodicée des pays nantis et leur presse qui est bêtement ressassée par celle des pays paupérisés, déculpabilise les vrais pillards du nord responsables de l’affreux et inhumain écart des conditions d’existence des alterhumanités au cœur d’un monde où il y a tant de mondes exclus et marginalisés. Car si la corruption devrait être la cause de la déchéance des pays, je ne vois pas pourquoi un pays comme la France avec tous ses scandales se maintient parmi les plus riches de la planète ! C’est plutôt comme tant d’autres avant nous l’ont soutenu, une bourgeoisie du Sud stérile et complice de celles du Nord, ne serait-ce que comme consommateurs et donc transbordeurs de devises, et, qui de surcroît s’arrange pour bloquer toute action politique progressiste dans leur propre pays qui en est la principale cause. Cela, c’est l’ordre du complot néocolonial permanent contre les Suds.

L’histoire est, selon notre perception des choses, - parmi les « ontologies spécifiques dont parlait Husserl » - la plus globale, en tant qu’elle permet d’analyser en profondeur l’avènement des étants et, spécifiquement en politique internationale, des états, de leur évolution à travers une diachronie tenant lieu d’anamnèse, où chaque étape de ladite histoire révèle les forces positives, les puissances déterminantes, mais aussi les forces déviantes, les écueils d’achoppement et les puissances de freinage mises en œuvre par les politiques appliquées. Le mensonge idéologique des puissants d’aujourd’hui qui parlent ironiquement et hypocritement d’exigence de prise en main par les pays du sud déviés, freinés par les politiques du Nord, n’est en fait qu’une nouvelle volonté de décharge des responsables de la fracture mondiale par les déviants de jadis devenus au temps d’une soi disant justice internationale à laquelle ils président, les témoins et juges de leur propres méfaits passés et présents. La fonction idéologique des grands organismes dits internationaux, mais totalement inféodés par les pays nantis autoproclamés communauté internationale, a réduit même la vision de soi de la majorité des pays paupérisés à un autopunition où ils s’excusent et se soumettent là où ils auraient dû accuser et exiger.

Alors que la poignée des Etats voyous éhontés qui dominent la planète continuent à s’unir cyniquement en renforçant leur règne, pour maintenir leur domination de la politique et de l’économie planétaire, les pays de la périphérie abreuvent en véritables zombis, leur condition, inaptes encore à se trouver une raison transcendante à leur différences et rivalités dans ce qui pourrait être une nouvelle interlocution « Sud-Nord ». Hélas, s’il n’y a qu’un Nord quand il faut piller et asservir, mais il existe une multitude de suds privés de conscience par l’idéologie du Nord, d’une part et par les liens de leurs élites généralement vendues à cette idéologie du Nord, de l’autre.

Parmi, cette dépouille de sens et de conscience au niveau des ostracisés du monde, nous nommons par exemple, l’avanie infligée encore aujourd’hui à l’homme noir. Tandis que les juifs, admirablement unis et combatifs quand il s’agit de défendre leurs intérêts, transcendent les particularités et différences au sein de la juiverie mondiale, les noirs, même à l’intérieur d’un même pays, préfèrent s’entredéchirer et appeler le Nord blanc et prédateur pour évincer leurs congénères. Ainsi remis second lieu des priorités et primés par la platitude des intérêts tribaux ou personnels, les pays du nord, malgré les nombreux tribunaux internationaux continuent à garder toutes les richesses volées à l’Afrique et à la Caraïbe nègre sans nulle réparation ni restitution pour les temps de crime contre l’humanité infligés à l’ethnie nègre dans ses différentes variantes, victime du plus étendu et du plus cruel génocide de l’histoire.

Vers la décence et la justice sociale interétatique

Si l’histoire est l’incontournable référence ontologique des états, nous ne pouvons retrouver une décence mondiale ni une réhabilitation planétaire dans la justice entre états et ethnies sans d’abord exiger cette chose éminemment indispensable dans toute vraie réconciliation entre les pays et les hommes lors que le crime a sévi : la Réparation dans ce qui est possible et la Restitution sans démagogie des biens volés. Lancer une ère d’humanité mondiale par la démocratie n’est qu’une nouvelle mascarade si elle ne génère la face humaniste et pleinement d’une justice sociale internationale qui brisera les tensions et les ressentiments entre les sociétés et permettra l’élimination des fractures que l’économisme prédateur des relations du passé et du présent ne cesse d’entretenir et d’aggraver.

Relancer l’humanité : c’est libérer le futur planétaire par une nouvelle justice sociale interétatique et mondial qui corrigera les atavismes et dénaturations affectant l’être des états et sociétés telle que dévoilée par l’ontologie politique que nous révèle l’histoire. C’est donc un appel à tous mais surtout au Nord qui peaufine et planifie le maintien d’un ordre abjectement injuste tout en proclamant la démocratie morale politique planétaire, pour que cessent des manigances idéologiques honteuses comme celles d’une frange de l’intelligentsia et de l’establishment français qui chantent les bienfaits du colonialisme criminel de la France pour éluder les responsabilités de celle-ci dans la misère extrême des ex colonies de ce pays au lieu de projeter une véritable politique de dignité réparatrice envers les victimes de cette plus féroce et plus rétrograde des ex puissances colonisatrices.

Nous refusons le faux et insipide débat ou nuance que certains colons dans l’âme entretiennent en soutenant que colonialisme ne signifie pas esclavagisme, nous qui descendons de ceux qui ont vaincu l’esclavage formel par la guerre, nous disons que la logique colonialiste est asservissante. Formel ou informel, l’esclavagisme est une conséquence naturelle du colonialisme, cette aliénation de la liberté et du destin d’une nation. Vouloir séparer ces deux fléaux, c’est disjoindre un principe de sa détermination, et, dans le cas que nous évoquons, isoler une ordure de sa salissure.

Que vienne enfin le temps de la dignité du Nord et de l’éveil revendicateur des Suds.

Camille Loty Malebranche
aecmill@yahoo.fr