P-au-P., 29 mars 06 [AlterPresse] --- L’historien Georges Michel plaide en faveur du respect des prescrits de la Constitution à l’occasion de ce 29 mars 2006, qui marque le 19e anniversaire de la charte fondamentale de la nation.
Au cours d’une conférence-débat à l’Office Protecteur du Citoyen (OPC) ce mercredi 29 mars 2006, à laquelle a assisté AlterPresse, Georges Michel se prononce contre toute idée d’un amendement immédiat de la Constitution ratifiée le 29 mars 1987.
« Je n’ai rien contre l’amendement, mais il faut un débat autour de la question. Il y en a qui peuvent manifester des sympathies pour des dispositions plus libérales et d’autres moins libérales », précise Michel.
« Si nous allons amender la Constitution, il nous faut un consensus sur l’orientation qu’on va lui donner, sinon des gouvernement successifs peuvent, à leur guise, porter des changements qui ne seraient pas profitables au pays », souligne-t-il.
Invitant les citoyennes et citoyens à se méfier des amendements, qui semblent marcher de pair « avec la dictature », l’historien rappelle que la Charte de 1987 garantit, entre autres, les droits des citoyens, organise les pouvoirs de l’Etat et présente certains avantages de nature à prévenir tout éventuel retour de la dictature dans le pays.
Il vante la délégation de pouvoirs que la Constitution accorde aux collectivités : Conseils d’Administration de la section Communale (CASEC), Assemblées des Sections Communales (ASEC).
Intervenant sur le même sujet, un autre historien Claude Moïse relève certaines failles à résoudre au sein de la Constitution de 1987.
« Le pays, à maintes fois, a été témoin impuissant de conflits au niveau des grands pouvoirs de l’Etat, de leurs difficultés de fonctionnement, et de la crise de gouvernabilité qui en résulte », indique Moïse.
A titre d’exemples, Moïse cite les différentes majorité requises dans les élections qui ont dû constituer des casse-têtes pour les rédacteurs des décrets électoraux ; ou encore le statut du Pouvoir Judiciaire, tel qu’établi par la charte de 1987, qui représente un sujet de préoccupation eu égard à la garantie des droits fondamentaux et aux exigences de la bonne gouvernance, de l’instauration de l’Etat de droit en Haïti.
Le mode de nomination des magistrats et la « présence marquée » de la Cour de Cassation (qui est la Cour Suprême en Haïti) dans le champ politique, pour son rôle prépondérant dans la Commission de Conciliation (prévue par la Constitution du 29 mars 1987) et la sollicitation, dont cette Commission peut être l’objet en cas de démission présidentielle, sont mis en cause par l’historien dans ses considérations.
Claude Moïse avance qu’en raison des failles et faiblesses de la Constitution d’Haïti, le processus de reconstitution des institutions et leur condition de fonctionnalité risquent de buter sur les mêmes difficultés et de conduire à des instances d’ingouvernabilité si la société ne décide pas d’aller au-devant des problèmes.
« Je soutiens que l’on ne peut prétendre établir de bonnes conditions de normalisation démocratique et même de stabilité politique, sans poser le problème de l’urgence des amendements à la Constitution », affirme-t-il.
« Les modalités de révision, établies au sein même de la Constitution, sont de telles exigences, en termes de majorité qualifiée et de procédures, qu’il faudrait attendre au moins 9 ans avant de pouvoir enlever une virgule du texte », ajoute-t-il.
Le pays, peut-il continuer à vivre dans l’anarchie et la dictature ? le pays peut-il continuer à vivre en danger perpétuel de déséquilibre institutionnel et les pouvoirs publics dans l’inconstitutionnalité ?, s’interroge Moïse.
« Nous ne pouvons pas attendre aussi longtemps pour clarifier les règles du jeu, garantir la stabilité politique, revisiter les bases constitutionnelles d’organisation de notre état de droit, simplifier les procédures, sans pour autant sacrifier à la nature du régime politique et aux droits fondamentaux », répond-il.
Il pense que cela est possible si on le veut, si le pays accepte de remettre à l’ordre du jour le pacte démocratique.
« Je ne sous estime point les difficultés politiques et techniques inhérentes à cette entreprise, mais je ne vois qu’une solution : c’est de confier à la 48e législature le soin [le mandat] de compléter la normalisation institutionnelle de l’Etat, en procédant aux amendements nécessaires, nonobstant les délais constitutionnels, ce qui nécessiterait un accord national entre les nouveaux élus, les partis politiques, et les organisations de la société civile, sur la reconnaissance de l’urgence des amendements », promeut-il. [lf rc apr 29/03/06 16 :30]