P-au-P., 21 mars. 03 [AlterPresse] --- Les perspectives politiques ne sont toujours pas claires en Haïti, a l’issue d’une mission internationale de haut niveau de 72 heures, dirigée par le Secrétaire Général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), Luigi Einaudi et le Secrétaire Général de la Communauté Economique de la Caraïbe (CARICOM), Julian Hunt, également Ministre des Affaires Etrangères de Sainte-Lucie.
La totalité des membres de la délégation, composée de 25 personnalités, devait laisser le pays ce 21 mars après des séances de pourparlers avec les représentants des secteurs politiques du pouvoir et de l’opposition ainsi que des acteurs sociaux. Des rencontres ont notamment eu lieu avec le Président Jean Bertrand Aristide, le Premier Ministre Yvon Neptune et les membres de la coalition d’opposition Convergence Démocratique.
"Tous les acteurs doivent jouer leur partition" pour faciliter une résolution de l’impasse politique qui persiste en Haïti depuis plus de 2 ans : telle est la conclusion a laquelle est parvenue la délégation internationale. Les acteurs politiques manifestent, de leur cote, une certaine disposition à évoluer dans cette direction, sans rien promettre.
10 jours ont été accordés au gouvernement pour prendre des mesures susceptibles de favoriser un climat propice au respect des points clés de la résolution 822, adoptée en septembre dernier par l’OEA, selon ce qu’a déclaré le numéro 2 de l’OEA lors d’une conférence de presse le 20 mars.
La mission espère "des actions réciproques entre tous les acteurs de la résolution 822" avant le 30 mars, a fait savoir Luigi Einaudi, qui a insisté sur l’"obligation spéciale" du gouvernement en matière de sécurité, justice et respect des droits humains. Le Secrétaire Général adjoint de l’OEA a en outre indique qu’un rapport sera présenté le 2 avril prochain au Conseil permanent de l’OEA.
Si des efforts sérieux ne sont pas entrepris, "les jeux peuvent changer", a averti Einaudi, qui a cependant écarté toute perspective d’invasion ou de mise sous tutelle d’Haiti. "Ce qui va se passer, a-t-il dit, dépendra des Haïtiens".
Le Secrétaire Général de la CARICOM, Julian Hunt, a pour sa part exprimé l’impatience de la délégation. Invitant chaque acteur à prendre ses responsabilités, il a déclaré que "tous les délais sont maintenant épuisés".
Pourtant, aussi bien du coté du gouvernement que de celui de l’opposition, aucun signe d’un changement d’attitude n’a été relevé. Le gouvernement ne conçoit le 30 mars que comme "une proposition" de la délégation, laquelle "sait très bien que tout ne peut se faire en 10 jours", a déclaré la Ministre de la Culture et de la Communication, Lilas Desquiron. Elle a fait savoir que "le gouvernement n’a pris aucun engagement de date".
Pour sa part, l’opposition ne croit pas que le pouvoir va adopter des mesures significatives. Micha Gaillard, porte-parole de la coalition d’opposition Convergence Démocratique, a déclaré "ne pas croire que Aristide peut faire en 10 jours ce qu’il n’a pas su réaliser en 14 mois". Il a ajouté que son secteur politique va "évaluer les efforts" du gouvernement pour décider de l’envoi ou non d’un représentant au Conseil Electoral Provisoire (CEP).
L’un des principaux point de la résolution 822 de l’OEA concerne la mise sur pied du CEP pour la réalisation d’élections législatives cette année en Haïti. Le pouvoir considère que l’opposition bloque le processus en refusant de designer un représentant au CEP. L’opposition pense qu’elle ne peut designer un délégué au CEP dans les conditions actuelles.
La résolution 822 a prévu un ensemble de mesures, dont le désarmement des bandes armées et des dispositions judiciaires pour châtier les proches du parti Fanmi Lavalas, auteurs d’actes de violence contre l’opposition.
Alors que des progrès se font attendre en ce qui concerne la justice, le climat continue d’être tendue et s’est détérioré ces derniers temps par suite de l’accroissement des problèmes socio-économiques et de violation des droits humains.
Plusieurs manifestations ont été organisées afin de réclamer la démission du Chef de l’Etat. Les partisans du Président, qui déclarent que son mandat de 5 ans n’est pas négociable, s’y sont souvent opposés avec violence. Dans plusieurs cas, ils ont ouvertement bénéficié de la passivité de la police.
Alors que la délégation internationale était encore présente en Haïti, la police a violemment dispersé, ce 20 mars, des centaines d’étudiants et d’enseignants qui protestaient contre le gouvernement à Port-au-Prince. Plusieurs blessés ont été enregistrés. Les journalistes n’ont pas été épargnés. Trois d’entre eux ont été brutalisés et ont même du se réfugier momentanément au consulat de France, pour échapper à la fureur des policiers.
A St-Marc (Centre Ouest), la police a également dispersé une manifestation d’enseignants a coups de matraques et de cross de fusils. A Hinche (Centre) la police a interdit une manifestation paysanne anti gouvernementale, alors que, selon des correspondants locaux, sous les yeux des policiers, les militants des organisations de base du parti Fanmi Lavalas ont sévèrement maltraité des paysans. [gp apr 21/03/03 15:09]