1] Crise haïtienne : l’OEA de retour sur le terrain 2] Enquête sur l’assassinat de Jean Dominique : dossier toujours pas clair 3] Une zone franche sur des terres agricoles, au mépris des revendications paysannes
1] CRISE HAà TIENNE : L’OEA DE RETOUR SUR LE TERRAIN
Le processus d’enquête de l’Organisation des Etats Américains (OEA) autour des évènements du 17 décembre 2001 a débuté ce 8 avril en Haïti avec l’arrivée d’une mission de 3 juristes internationaux. Le diplomate et juge Nicholas Liverpool de la Dominique, l’avocat et diplomate Roberto Flores Bermúdez du Honduras et l’Expert mexicain en droit international Alonso Gómez Robledo Verduzco, ont promis a leur arrivée a l’aéroport de Port-au-Prince de se mettre au travail le plus rapidement possible.
La commission d’enquête doit recueillir des données auprès de divers secteurs, sur ce qui s’est passe en Haïti le 17 décembre 2001, lorsque le gouvernement a annoncé une "tentative de coup d’Etat" et que ses partisans ont entrepris des opérations de représailles contre l’opposition. La commission devra tirer des conclusions et produire des recommandations au gouvernement haïtien et au secrétaire général de l’OEA.
A l’occasion de la présence de cette commission internationale sur le terrain, les responsables de l’opposition et ceux du parti au pouvoir font valoir leurs griefs respectifs. La Convergence déclare avoir préparé ses dossiers en vue de sa rencontre avec les juristes internationaux. Les dirigeants de Fanmi Lavalas se disent également prêts et des parlementaires commencent déjà à mettre l’accent sur les conditions de vie aggravées, selon eux, par le blocage de l’aide internationale, et qu’ils souhaitent également mettre dans la balance.
Les deux parties ont cependant fait part de leur satisfaction du rapport présenté le 5 avril dernier devant le Conseil Permanent de l’OEA par le Secrétaire Général, Cesar Gaviria. Celui-ci a qualifié d’"encourageants et rassurants" les "propos d’ouverture" du nouveau Premier Ministre Yvon Neptune et "son engagement déclaré envers les négociations". Gaviria a aussi évoqué "l’arrestation récente de quelques individus impliqués dans de graves activités criminelles, pour qu’ils soient traduits en justice". C’est "un acte encore plus louable", a-t-il souligné. Il a aussi rendu "hommage au Gouvernement pour la tolérance qu’il a démontrée" lors du rassemblement de la Convergence démocratique le 22 mars dernier. Le Secrétaire Général de l’OEA a aussi salué l’opposition qui est "digne de louanges pour avoir évité toute provocation".
Toutefois, 2 semaines après ce rassemblement, les divergences au sein de la Convergence ont éclaté au grand jour avec le retrait du Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP) de ce regroupement, à cause des positions jugées ambiguà« s de la Convergence.
Cesar Gaviria a annoncé la venue prochaine d’une autre mission, dirigée par le Canadien David Lee, en vue de "renforcer la démocratie" dans le pays, telle que prévue par la résolution 806, votée en janvier dernier. Cesar Gaviria prévoit que d’ici fin avril cette mission devrait être totalement déployée et un premier accord devrait être trouvé entre les protagonistes de la crise.
Le déploiement de la prochaine mission a déjà trouvé l’appui financier des Etats-Unis pour $500 000 et du Royaume-Uni pour 10 000 livres sterling. Haïti a offert une contribution de 25’000 dollars américains.
Le contexte social des nouvelles initiatives de l’OEA dans le dossier haïtien demeure tendu, notamment avec la violence dans les faubourgs de Port-au-Prince, notamment cette semaine dans le quartier de La Saline, au nord-ouest de la Capitale. Les problèmes liés aux conditions de vie et de travail rebondissent également avec des grèves organisées ce lundi par des syndicats de transporteurs de plusieurs départements du pays
2] ENQUàŠTE SUR L’ASSASSINAT DE JEAN DOMINIQUE : DOSSIER TOUJOURS PAS CLAIR
Le mandat du juge Claudy Gassant, chargé jusqu’en janvier dernier de l’enquête sur l’assassinat du directeur de Radio Haïti, Jean Dominique et du gardien de la station, Jean Claude Louissaint, a finalement été renouvelé. Un arrêté a été pris en ce sens par le Président Jean Bertrand Aristide, la veille du deuxième anniversaire du double meurtre le 3 avril.
Mais cette décision tardive ne garantit pas que le dossier va progresser, même si elle a été bien accueillie par l’épouse de Jean Dominique, la journaliste Michèle Montas et les organismes de défense des droits humains. Car, comme ils l’ont souligné, la sécurité du juge et les moyens de poursuivre ses travaux sont des conditions essentielles pour l’avancement du dossier.
Le juge Gassant a lui-même affirme qu’il était prêt à reprendre le dossier, mais pas dans n’importe quelles conditions. Il a critiqué la procédure suivie dans le renouvellement de son mandat, qui, selon lui, ne correspond pas au prescrit de la loi. Comment peut-on parler de renouvellement trois mois après que le mandat a pris fin et que le dossier a été confié à un autre juge, s’est interrogé Claudy Gassant. Selon lui, la reprise du dossier nécessite des dispositions supplémentaires de la part de la Doyenne du Tribunal Civil, Me Lise Pierre Pierre.
L’imbroglio était sans doute prévisible pour les employés de Radio Haïti Inter qui ont donné une conférence de presse le 2 avril pour pointer directement du doigt le Président Jean Bertrand Aristide accusé d’avoir tout fait pour bloquer l’enquête. L’attitude du Président a été qualifiée de "crime d’état contre la justice".
La mobilisation en faveur de la justice pour Jean Dominique doit se poursuivre activement durant tout le mois en cours, a l’initiative des organismes de défense des droits humains. C’est en ce sens que la Coalition Nationale pour la Défense des Droits des Haïtiens (NCHR) a fait chanter une messe le 8 avril a Port-au-Prince pour marquer le deuxième anniversaire des funérailles de Jean Dominique.
3] UNE ZONE FRANCHE SUR DES TERRES AGRICOLES, AU MEPRIS DES REVENDICATIONS PAYSANNES
Le Président haïtien Jean Bertrand Aristide fonce a vive allure dans ses projets avec son homologue dominicain, Hypolito Mejia, malgré les préoccupations exprimées dans divers secteurs. Aristide et Mejia ont pausé le 8 avril dans la plaine de Marie Bahoux, zone frontalière nord-est d’Haïti, la première pierre d’une zone franche industrielle.
Des officiels des deux gouvernements et des entrepreneurs ont pris part a cette cérémonie, qui s’est déroulée sous haute surveillance de l’armée dominicaine et des corps d’élites de la police haïtienne. Contrairement aux journalistes haïtiens, dont la présence a été très timide, en raison du fait qu’ils ont été avertis a la toute dernière minute, les journalistes dominicains ont été nombreux à se rendre sur place.
Les manifestations prévues par les paysans pour marquer leur désaccord avec ce projet n’ont pu avoir lieu en raison de diverses manœuvres et pressions des autorités locales, selon des témoignages recueillis sur place. Des groupements paysans liés au réseau Solidarité Frontalière ont fait savoir que les banderoles et pancartes préparées pour la circonstance en Créole et Espagnol ont été saisies par les autorités de la Délégation du Nord-Est.
Il y a peine trois semaines, les paysans faisaient part de leur préoccupation du fait que cette fertile plaine allait être couverte de bétons pour recevoir des usines d’assemblage textiles. Selon la presse dominicaine, le projet sera réalisé avec des investissements dominicains et devrait commencer par créer environ 1500 emplois avant d’assurer à l’avenir 8.000 emplois.
Cette zone franche est le "premier fruit" du "mariage sans perspective de divorce" entre Haïti et la République Dominicaine, a déclaré le président Aristide au cours de son allocution. D’autres projets pareils devraient être développés sur l’ensemble de la frontière qui mesure 300 kilomètres. Le Président Mejia a fait savoir que le processus d’installation de zones franches a déjà été enclenché dans plusieurs villes frontalières dominicaines.
La Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) et le Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés (GARR) ont exprimé ce 8 avril leurs plus vives inquiétudes et leur indignation face à de telles démarches engageant l’avenir d’Haïti, mais entreprises quasiment dans la clandestinité.
La présidence avait simplement annoncé le week-end écoulé une tournée du Chef de l’état dans le Nord, sans faire allusion a sa rencontre prévue avec le Président dominicain. Presque la totalité des informations disponibles sur le sujet nous sont parvenues via la presse dominicaine, ont affirmé les deux organisations. Aucun débat n’a été organisé avec la participation des secteurs concernés et l’accord n’a pas été examiné par le Parlement comme le prévoit la Constitution de 1987.
Le GARR et la PAPDA déclarent appuyer fortement les revendications lancées par des organisations paysannes du Nord-Est contestant la décision d’installer la zone franche sur dans l’une des régions les plus fertiles du pays, qui permet aux familles paysannes de réaliser des revenus annuels relativement substantiels.