Par Ronald Colbert, envoyé spécial
Papaye (Hinche, Haïti), 20 mars. 03 [AlterPresse] --- Le Mouvement des Paysans de Papaye (MPP), localité de Hinche, à 128 kilomètres au nord-est de Port-au-Prince, a préconisé le 19 mars une lutte organisationnelle nationale pour mettre fin au plan de la mort symbolisé, selon lui, par le régime lavalas au pouvoir en Haïti, a constaté un journaliste d’AlterPresse au troisième jour de la célébration du 30e anniversaire du mouvement.
Dans les résolutions rendues publiques le mercredi 19 mars et issues d’un premier atelier de travail, distribué en 20 groupes dans le cadre du congrès du 30e anniversaire, plus d’un millier de femmes et hommes délégués ont appelé le comité de coordination du MPP à entretenir la pression pour une transformation véritable de l’Etat, un plan global de développement agricole, une décentralisation totale (à tous les niveaux de l’administration publique), une réforme judiciaire réelle dans le pays, impliquant des actions concrètes contre l’impunité.
Le congrès du 30e anniversaire est venu apporter un "vrai sérum" dans le sens d’un ferment d’espoir en vue d’un regain de mobilisation organisationnelle dans le pays, face à un environnement immédiat de répression des voix populaires et paysannes, d’étouffement des libertés constitutionnelles et citoyennes, par un régime lavalas qui s’empare des ressources publiques pour financer des brigands dits « chimères », ont souligné de nombreux participants et participantes.
Ces résolutions constituent des réponses au premier atelier de travail déroulé, le mardi 18 mars 2003, sur "ce que le MPP et d’autres organisations du peuple doivent entreprendre pour consolider la lutte contre le plan de la mort" et son corollaire, la mondialisation. Les délégués n’ont pas manqué de stigmatiser la conduite « inacceptable » de Jean-Bertrand Aristide à la tête de l’Etat, depuis les élections controversées de l’année 2000, qu’ils ont qualifiées de frauduleuses, et quelques années après les fameuses promesses faites en décembre 1990.
Désormais, les paysans de Papaye font le serment de ne plus se fier à des personnes de crédibilité douteuse qui transformeront, plus tard, leurs paroles données en actions de terreur sur la population, comme ce qui se passe aujourd’hui en différents points du territoire d’Haïti, ont promis les délégués du MPP tout en se proposant d’expulser du mouvement toutes celles et tous ceux qui auraient donné des coups bas ou auraient agi comme traîtres au sein de l’organisation paysanne.
C’est dans une ambiance empreinte de slogans revendicatifs et engagés, sur des intermèdes musicaux animés par un groupe de sambas membres du mouvement, que les paysans ont convenu de relancer leurs cahiers de doléances sur la question des taxes de marché, le droit à la documentation des nouveaux-nés (les actes de naissance), l’accessibilité à moindre coût des paysans aux registres d’Etat civil (certificats de mariage et autres).
Les paysans membres du MPP ont aussi affirmé leur volonté de boycotter la consommation des produits importés en encourageant la production et la consommation des produits nationaux, en insistant sur un accroissement de la capacité de production des organisations de base, la recherche de marchés pour les productions locales, un développement et une transformation des cultures fruitières, la promotion des cultures pérennes (y compris de la canne à sucre), la poursuite des programmes de lacs collinaires, une formation technique dans la préparation d’engrais et d’insecticides naturels pour une agriculture durable.
Ils ont également promis de lutter contre l’implantation de zones franches dans les terres fertiles du Nord-Est d’Haïti, mais en faveur d’une vraie réforme agraire dans le pays par des pétitions, grèves, manifestations et marches de protestation. Ils ont également revendiqué en faveur de la cession des terres de l’Etat aux paysans, sur la base d’un encadrement technique et d’un système d’irrigation convenables, en plus de la consolidation et de l’implantation d’autres coopératives agricoles et d’élevage, de coopératives d’épargne et de crédit, de magasins communautaires, de banques d’intrants agricoles.
La structuration organisationnelle, par l’utilisation d’outils de gestion pertinents, non seulement au sein du MPP mais aussi au sein du Mouvement Paysan National du Congrès de Papaye (MPNKP), et la solidarité dans toutes les sphères d’activités du mouvement à travers le pays devraient constituer des piliers devant permettre d’aboutir à la satisfaction de l’ensemble de ces revendications, suivant les résolutions du premier atelier de travail réalisé dans le cadre du congrès du 30e anniversaire du MPP.
Parmi les axes de fortification du mouvement pour les prochaines années, les délégués ont identifié : la formation idéologique, la tenue de forums nationaux sur les conséquences du plan de la mort, la formation d’animatrices et d’animateurs, la création de nouveaux groupements, la mise sur pied de comités de suivi et d’évaluation ainsi que d’outils appropriés pour combattre la corruption, la mobilisation pour des pôles d’activités locales d’entraînement, susceptibles de catalyser les jeunes et d’empêcher la fuite de compétences et cerveaux locaux.
Les membres du MPP ont, d’autre part, prôné l’acces aux services sociaux de base, la lutte pour l’équité de genre dans la société haïtienne, l’émancipation ou l’épanouissement des organisations de femmes au sein du MPP, la stimulation et la valorisation de l’identité culturelle nationale à l’intention des jeunes, la consolidation des relations internationales, particulièrement avec l’Amérique Latine, l’intégration dans des plates-formes internationales contre le plan de la mort.
Sur le plan sanitaire, les recommandations concernent l’eau potable, la médecine préventive, naturelle et conventionnelle suivant les possibilités de terrain, l’établissement de pharmacies communautaires dans la région du Plateau Central et le développement de relations avec des organisations conséquentes oeuvrant déjà dans la santé naturelle.
Par ailleurs, les délégués du MPP ont souhaité la remise sur pied au sein du mouvement de programmes d’alphabétisation, le déploiement d’efforts pour la diffusion d’un programme d’artisanat cohérent et l’implantation de davantage de stations de radio communautaires dans la région du Plateau Central, ainsi que la reprise des séances de théâtre populaire à tous les niveaux du mouvement paysan. [rc apr 20/03/03 09:19]