Débat
Par Giscard Bouchotte
Paris
Soumis à AlterPresse le 2 mars 2006
« Quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre au carnaval des autres ? » - Aimé Césaire (Ferrements, 1960)
La politique, comme le disait si bien d’Alembert, serait-elle devenue l’Art de tromper les hommes ? Les récentes révélations du New York Times (29/1/2006) dans l’article « Mixed U.S. signals have helped tilt Haiti toward chaos »), mettant en cause l’I.R.I. confirment une thèse toujours écartée : comment pourrait-on croire que dans la déchéance haïtienne, la Maison Blanche n’y est pour rien ? Cet institut, présent dans plus de 60 pays voit souvent large quand il s’agit de faire régner la démocratie. Les fonds fédéraux de $26 million en 2003 sont passés jusqu’à $ 76 millions en 2005. L’ex-ambassadeur américain, Brian Dean Curran non plus n’a pas caché les rapports souvent tendus sur place. Dommage que les journalistes du Times (Walt Bogdanich, Jenny Nordberg) n’aient pu encore révéler autant et parallèlement les mains cachées du Quai d’Orsay et de la Rue Wellington à Ottawa dans cette mascarade mafieuse. Sans exclure la responsabilité et la complicité des politiciens haïtiens, il faudrait revenir sur les moyens techniques mis en place par la France également pour faire taire les revendications sur la Dette en escortant l’ex-président élu.
Dans un reportage télévisé sur les élections en Haïti, la chaîne publique américaine PBS tenait à insérer des images de danses et de transes de cérémonie vaudoue en quête d’exotisme sensationnel pour l’occidental non avisé. La presse internationale, nous bombardant d’images de Cité-Soleil, a fini par réduire Haïti - 20 fois plus grande que la Martinique - à un bidonville sans foi ni loi. Ce serait comme si le Brésil, toutes proportions gardées, n’est fait que de favelas. Lors de kidnappings à New York, à Los Angeles et dans d’autres mégapoles huppées, l’affaire ne mérite que la quinzième page du journal local. Une baleine égarée dans la Tamise à Londres et une tempête de neige à New York méritent plus d’attention qu’une analyse intelligente des mécanismes insoupçonnés de la tragédie des pays du tiers-monde.
Dans une récente analyse, je disais qu’ « Haïti n’est qu’un un minuscule puzzle de terre sur le grand échiquier du monde et que, même si ce pays n’existe pas’, il ne nuira pas au chef-d’œuvre ». Plus que jamais nous en sommes au fait. Comment expliquer que tout le système politique international n’est qu’un immense carnaval sans fin, où tous ceux qui n’ont pas de masques voient s’étaler leur linge sale en public ? « Avec le nouveau président haïtien, la communauté internationale saura-t-elle tourner une page dans ses relations politico-économiques ? Quant aux élus, prudence ! Comme on l’a déjà vu, les châtiments suprêmes succèdent parfois aux plus grands honneurs. Dans ces jeux politicolympiques, c’est la ciguëaprès les lauriers. L’expérience seule de l’ex-président devrait rappeler ce sage conseil que les Anciens disaient aux dirigeants politiques : « La roche Tarpéienne est près du Capitole » !
Que les coopérations Sud-Sud se renouent ! L’Amérique du Sud se souvient du soutien d’Haïti à Bolivar au moment de l’indépendance de ses pays. Je veux bien espérer, même croire malgré tout, que les Haïtiens « demandent trop aux autres et pas assez à eux-mêmes » (Césaire). Peut-être récoltent-ils aussi et encore leurs propres semences, infectés de tant de politicailleries intéressées. Dans l’arène impitoyable, les assistants/assistés attendent toujours les Grands avant d’applaudir le spectacle. Et, comme aurait dit Cocteau, puisque « ces mystères nous dépassent » feignons d’en être les organisateurs...