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Haiti : Pour une théologie du pluralisme religieux

Notes de lecture

P-au-P., 20 fév. 06 [AlterPresse] --- Un ouvrage qui vient bousculer les préjugés et clichés concernant le vaudou et donner des pistes pour un véritable dialogue interreligieux.

Nous voulons parler de « Vaudou et Catholicisme en Haïti à l’aube du XXIe Siècle. Des repères pour un dialogue » du père jésuite Kawas François.

Ce livre a tout d’abord l’avantage de présenter une sorte d’état des lieux sur les études et recherches effectuées sur le vaudou. Ce qui n’est pas rien dans un pays à forte tradition orale, c’est-à -dire où l’oralité - l’oraliture - et les perceptions font souvent loi.

Dès l’introduction, l’auteur fournit un certain nombre de données qui témoignent d’une étonnante vitalité de cette religion pratiquée par une grande majorité de la population haïtienne.

Il tente aussi une explication de ce phénomène de croissance populaire (du vaudou) et relève ipso facto l’échec de plus de quatre siècles d’exclusion et de répression dont le vaudou a été victime de la part de l’Etat et des églises chrétiennes, notamment de l’Eglise catholique.

Le père Kawas François passe au peigne fin les discours et pratiques de l’Eglise catholique relatifs au vaudou, en passant par le Concordat signé le 28 mars 1860 à Rome entre le Saint-Siège et l’Etat haïtien jusqu’au Concile Vatican II (1960-1965).

Il analyse ensuite le rapport Vaudou-Catholicisme en Haïti après le Concile Vatican II pour enfin livrer des repères pour un dialogue entre ces deux religions en Haïti et préconiser un dépassement du discours et des pratiques du passé.

L’intervention du Saint-Siège, à travers le concordat, est perçue comme une volonté de « mettre de l’ordre dans la maison » après l’anéantissement des structures institutionnelles de l’Eglise, consécutivement aux luttes révolutionnaires menées par les esclaves à compter de 1791 et qui allaient concourir à la proclamation de l’indépendance du pays, le 1er janvier 1804.

L’auteur montre que l’éradication du vaudou figurait parmi les priorités pastorales de la deuxième moitié du 19e siècle et que cette vaste entreprise de destruction du vodou bénéficiait de l’appui inconditionnel des plus hautes autorités de l’Etat. Parmi ces campagnes anti-vaudou menées par l’Eglise, le père Kawas François mentionne celles de 1846, 1896, 1912, 1925-1930 et 1940-1941.

Poursuivant son survol, le livre planche sur les mutations subies par l’Eglise catholique haïtienne au début de la seconde moitié du vingtième siècle, lesquelles mutations ont influé sensiblement sur les pratiques individuelles et collectives des catholiques.

La réception du Concile Vatican II en Haïti entraînera, note l’auteur, une réforme liturgique et une compréhension nouvelle de la culture haïtienne. « Les œuvres pieuses traditionnelles ne sont plus au centre de l’activité pastorale et on manifeste une plus grande tolérance vis-à -vis des autres religions et spécialement du vaudou. Les problèmes sociaux prendront une part de plus en plus importante dans l’action pastorale de l’Eglise ».

Environ trois décennies après ce changement de ton observé au sein de l’Eglise, le père Kawas François déplore la survivance des pratiques pastorales pré-conciliaires dans plusieurs paroisses. Ces pratiques prennent notamment « la forme de refus d’accès aux sacrements, de funérailles catholiques à ceux qui participent aux cérémonies vaudou et de dénonciation du vaudou dans les homélies et les prières ».

L’auteur explique cette situation par le non recours à de nouvelles directives pastorales concernant le vaudou inspirées de la pensée du Magistère, des progrès de la théologie et des sciences des religions.

Et dire qu’un vaste mouvement intellectuel autour du vodou ayant vu le jour pendant la période 1960-1980 fournit un patrimoine important qui pourrait constituer, estime le père Kawas, un point de départ pour une étude théologique sérieuse sur la question du rapport Vaudou-catholicisme aujourd’hui en Haïti et l’invention d’une nouvelle pastorale du vaudou.

L’auteur propose à cet effet plusieurs repères d’ordre méthodologique, théologique et anthropologique avant de conclure « qu’il est impératif « d’adopter aujourd’hui une théologie du pluralisme religieux qui reconnaît la consistance salvifique propre des autres traditions religieuses non chrétiennes, et donc du vaudou, assumant ainsi les acquis du Concile Vatican II et les données des sciences sociales ». [vs apr 20/02/06 10:10]