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Scruter le scrutin

Haïti-Elections 2006 : L’attente

P-au-P., 6 févr. 06 [AlterPresse] --- A quelques heures d’un scrutin présidentiel et législatif, annoncé comme devant marquer un tournant dans la république caraïbe, 20 ans après la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier, les 8 millions d’Haïtiens, y compris électrices et électeurs, candidates et candidats, conseillère, conseillers et officiers électoraux, retiennent leur souffle.

C’est l’événement national sur toutes les lèvres à Port-au-Prince, ce 6 février 2006, marqué par un ralentissement des activités dans différents secteurs, a observé l’agence en ligne AlterPresse.

Les établissements scolaires sont fermés depuis le vendredi 3 février 2006. Beaucoup de bureaux publics et privés n’ont pas ouvert leurs portes.

La circulation automobile et piétonnière est plus fluide dans différentes artères. Le secteur commercial fonctionne à l’ordinaire, des habitants de la capitale essayant, bon gré mal gré, de faire des emplettes afin de prévenir toute éventualité.

« Haïti est un pays imprévisible, il vaut mieux se préparer à tout, vu ce qui a marqué l’histoire récente nationale », avancent certains sceptiques.

« Moi, je compte sortir très tôt, des 4 :00 AM afin de voter le plus rapidement possible et de pouvoir suivre le déroulement du processus », indique ce monsieur.

« Je ne vais pas sortir, je ne saurai point comment le vote a lieu », signale une jeune dame, visiblement peu enthousiaste à l’événement national du 7 février 2006.

En revanche, c’est le branle-bas au Conseil Electoral Provisoire (CEP), chez les instances de sécurité nationales et internationales, parmi les missions d’observation nationale et internationale et au sein de la Presse nationale et internationale. Les médias achèvent de compléter leur plan de couverture afin d’informer convenablement l’opinion publique.

Dans l’après-midi du 6 février 2006, des véhicules de l’Etat placent rapidement des séparateurs en béton afin de configurer un périmètre de sécurité à proximité du siège central de l’organisme électoral. Des consignes sécuritaires, comme l’interdiction de circuler pour les motocyclistes à partir de 0 :00 locale le 7 février, sont publiées par la Police Nationale d’Haïti (PNH).

C’est l’expectative. Des curieux regardent ce qui se passe dans la rue. D’aucuns attendent de voir comment cette date pourra se révéler importante pour l’avenir des citoyennes et citoyens.

Le processus électoral, initié depuis 2004 après la chute du régime lavalas, doit connaître une première conclusion avec la tenue du scrutin pour environ 1,500 candidates et candidats au poste de président, sénateurs et députés.

Haïti devra alors faire sa preuve dans le concert des nations dites « démocratiques », suivant le vœu formé par la communauté internationale. Le scrutin se déroule sous haute sécurité et sous la supervision de délégations nationales et internationales. Toutes les forces de la nation se mobilisent pour la réussite de ces joutes, selon les observateurs.

Passage obligé pour le gouvernement de transition

L’Exécutif d’une transition politique, amorcée en mars 2004, attend de remettre les rênes du pays aux nouveaux élus. Une commission a été formée par le gouvernement de transition afin de prendre contact avec le futur président et préparer son investiture pour le 29 mars, date symbolique de la ratification en 1987 de la Constitution nationale en vigueur.

Dans un message télévisé à la nation deux jours avant les élections, le président intérimaire de la République Boniface Alexandre invite la population à se rendre aux urnes pour remplir leur devoir civique.

« Les élections représentent un passage obligé pour le pays. Allez voter pour qu’Haïti retrouve sa fierté, sa dignité et son honnêteté », déclare Alexandre estimant que le 7 février 2006 est un jour décisif et un moment plus que jamais opportun pour le peuple haïtien de prendre en main son destin.

Le Premier Ministre intérimaire Gérard Latortue a lancé le même appel à l’endroit de la population haïtienne en vue de mettre fin à la transition qui a trop duré dans le pays.

Optimisme de rigueur au CEP

Les membres du CEP se montrent très optimistes quant à réalisation correcte du scrutin le 7 février, malgré les doutes encore persistants et les frictions internes ayant jalonné le cheminement des 9 conseillers électoraux depuis 2004.

Au cours du l’inauguration du centre de diffusion des résultats, le directeur de l’institution électorale, Jacques Bernard, encourage la population à se rendre massivement au vote.

« Peuple haïtien, votez pour un réel changement dans le pays », indique Jacques Bernard.

Précisant que toutes les dispositions sont déjà prises en vue de garantir la fiabilité et la crédibilité du processus, Bernard convie les électrices et électeurs à remplir leur devoir citoyen ce 7 février dans le but de sauver la nation.

« Les problèmes techniques ont été résolus, et des corrections ont été apportées dans certains centres de vote dont l’accès paraissait difficile », a assuré le président de l’institution, Max Mathurin, au cours d’un point de presse la semaine dernière.

Confiance mesurée chez les partis politiques

Malgré la méfiance de plusieurs d’entre eux, les partis et regroupements politiques sont embarqués dans le processus électoral, ils attendent de voir quel score ils afficheront auprès des électrices et électeurs.

Un certain consensus semble se dégager sur la nécessité de reconnaître, quel que soit le gagnant, les résultats des élections, promis pour les 3 jours qui suivront le vote.

Evans Paul, Candidat à la présidence pour le regroupement Alliance Démocratique, (ALYANS), Rebu, Gérard Gourgue du Mouvement de l’Unité patriotique (MUP), s’accordent à ne pas contester les résultats des élections.

« Aucun gagnant ne peut prétendre pouvoir gouverner le pays tout seul, il aura besoin du support et de la collaboration des autres partis politiques pour mener à bon port la destinée d’Haïti », souligne le candidat à la présidence Himler Rébu du Grand rassemblement pour l’Evolution d’Haïti (GREH).

Un vote pour le changement, clament les électrices et électeurs

La presse a observé une forte mobilisation de la part des citoyennes et citoyens haïtiens autour des joutes, et un grand désir de se rendre dans les bureaux de vote.

Très tôt, dans la matinée du lundi 6 février, des centaines d’électrices et d’électeurs ont fait la queue devant certains Bureaux Electoraux Communaux (BEC) pour retirer leurs cartes d’Identification Nationale (CIN) ou cartes électorales. Plusieurs d’entre eux n’ont pas caché leur intérêt de substituer l’actuel régime à un autre élu légitimement.

« Nous allons voter pour changer les conditions précaires du pays », déclarent des électeurs en ligne.

Le CEP estime à plus de 90% le volume de CIN distribuées. Le premier février écoulé, la quantité de personnes ayant retiré leurs cartes électorales s’élevait à 3,099,241, soit 88% du nombre des inscrits, informait le Bureau de Communication du Premier Ministre dans un communiqué transmis à Alter Presse.

La diaspora haïtienne, elle aussi, se concentre sur le scrutin qui devrait figurer un nouveau départ pour le pays, souhaitent les haïtiennes et haïtiens vivant à l’ext’erieur du pays.

A Antigua, une petite Ile des Caraïbes, des compatriotes se réunissent au sein d’un temple pour prier, dans l’après midi du 6 février 2006, la veille des élections présidentielles et législatives, a appris l’agence en ligne AlterPresse.

Sous surveillance nationale et internationale

L’aspect sécuritaire reste la grande inconnue, voire l’élément fragile du processus en dépit d’une certaine accalmie observée dans la capitale ces derniers jours. Néanmoins, les forces de l’ordre annoncent un grand dispositif de sécurité pour ce 7 février.

En effet, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Pays (MINUSTAH) entend déployer à travers le pays 7,400 soldats et plus de 2,000 policiers internationaux (UN POL), selon le Chef civil de la mission, l’ambassadeur chilien Juan Gabriel Valdés.

Environ 5,000 agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) vont se joindre aux forces des Nations Unies pour la sécurité des électrices et électeurs. Interdiction de la circulation des motocyclettes et de stationnement des véhicules à plus de 200 mètres avant et après un centre de vote sont, entre autres, quelques mesures prises par les autorités de la PNH.

Les contrevenants se verront appliquer les sanctions prévues par la loi à leur encontre, suivant un communiqué de la PNH.

Un record de missions d’observation

Le CEP accueille plus de 161 mille mandataires et observateurs au cours du premier tour des présidentielles et législatives, ce qui battra tous les records jamais enregistrés en ce qui a trait à la supervision du processus.

Plus de 36 mille observateurs et 125 mille mandataires de partis politiques seront présents dans les bureaux de vote le 7 février 2006.

Le conseiller électoral Pauris Jean Baptiste signale que plus de 1,500 observatrices et observateurs internationaux ont confirmé leur présence en Haïti, y compris le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), le chilien Jose Miguel Inzulza.

Des organisations nationales, telles la Commission Nationale d’Observation Electorale (CNO), Justice et Paix ainsi que des organisations internationales, comme l’Union Européenne (UE), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), la Mission Internationale d’Evaluation Electorale en Haïti (MIEEH), la Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux (IFES), ont déjà reçu les cartes d’accréditation délivrées par l’institution électorale.

Une priorité géopolitique, pour la communauté internationale

L’internationale accorde beaucoup d’attention aux élections de cette année.

L’ambassadeur du Canada Claude Boucher appelle la population à aller voter en masse.

« Il y va de l’avenir du pays », pense Boucher.

D’autres pays, comme la France, les Etats-Unis d’Amérique, ceux de l’Union Européenne, de la communauté des Caraïbe, ont fait des joutes de 2006 leur priorité première. [rc lf apr 06/02/2006 20 : 00]