Prise de position d’organisations et de personnalités à la veille des élections prévues pour le 7 février 2006 en Haiti
Document soumis à AlterPresse le 1er février 2006
LAVALAS est passé... nous en avons toutes et tous constaté les dégâts. Deux ans de transition après la mouvance GNBiste, nous en constatons les résultats. Allons-nous revenir à la case départ Lavalas ou devons-nous continuer sur la piste GNBiste ?
Ce questionnement, et surtout la réponse à trouver, s’imposent aujourd’hui à tous les membres de notre société sans exception, politicien-ne ou simple citoyen-ne.
Pour nous, signataires de la présente déclaration, le pays ne supporterait pas un retour à LAVALAS, ni ne saurait continuer sur la voie du GNB. Par conséquent, si nous devons le sauver du péril, il nous faut faire un choix, il nous faut construire autre chose : proposer au secteur populaire un modèle aux antipodes de celui des zenglendos, chimères et autres bandits de tous poils ; indiquer à nos élites économiques des valeurs autres que l’enrichissement personnel à tout prix, la gabegie, les magouilles et les transactions mafieuses ; faire comprendre à tous les secteurs de la population que le banditisme des politiciens-nes, criminels-les et trafiquants-es de drogue ne fera que renforcer la domination étrangère sur le pays ; et enfin prouver à notre élite politique qui tend à se vassaliser de plus en plus, que la conquête du pouvoir, le vrai, ne saurait s’accommoder de la procuration de la communauté étrangère, sans aucun souci des intérêts suprêmes d’une nation à construire.
En 2004, nous avons raté l’occasion de nous ressaisir et de recouvrer notre dignité de peuple devant l’humanité entière. Nous venons de gaspiller encore deux autres années dans le brigandage politique, où tout un chacun, vautré dans une obéissance servile, s’est appliqué à plier l’échine sous le diktat de la communauté internationale. Quant aux acteurs et actrices politiques, ils-elles n’ont pu s’entendre que sur un seul point : comment s’y prendre pour contester les élections s’ils-elles se retrouvent perdants-es, ou bien comment se réserver une place dans le prochain gouvernement.
Notre tâche ne se résume pas à prendre position contre LAVALAS pour le camp GNB ou à l’inverse, appuyer le camp LAVALAS contre les GNBistes. Nous ne pouvons pas construire un pays en faisant allégeance à une personne, ni en faisant n’importe quoi pour la combattre.
Pour avoir suivi tête baissée une personne, nous sommes tombés-es dans les dérives lavalassiennes. En menant un combat sans nuance, sans stratégie contre elle, nous nous sommes fourvoyés-es dans le GNB.
Le 7 février 2006 n’est pas loin. Il faudra faire face à la réalité, car, qu’on le veuille ou non, ce sera la fin de cette « transition » de deux ans. Ce sera le début d’une autre étape historique. Quel que soit le vainqueur des joutes électorales, LAVALAS ou GNB, qu’il y ait pagaille ou non, nous serons confrontés-es au même résultat : une société qui continuera à se morceler et une insécurité grandissante.
Même quand ces élections parviennent à accoucher d’un gouvernement dans de très grandes douleurs, ce dernier va se trouver dans une situation insoutenable où les partisans-es qui suivaient en ordre dispersé un candidat à la présidence, vont faire pression pour obtenir coûte que coûte chacun-e sa récompense. Ce gouvernement aura en face de lui une meute de gens insatisfaits, un parlement constitué de groupuscules éparpillés qui tireront les ficelles chacun de leur côté, et une communauté internationale qui lui dictera ses ordres. Il ne pourra exercer aucun pouvoir, et n’aura aucune base sociale réelle pour asseoir une quelconque action sérieuse. L’International règnera en maître et seigneur. Le plus grand défi à relever par ce gouvernement sera de trouver cette base sociale pour supporter ses actions et arriver à instaurer la sécurité et la paix dans le pays. Ce n’est sûrement pas en partageant le gâteau avec d’autres partis politiques qu’il pourra résoudre ce problème !
En cas de pagaille ou de bain de sang plongeant le pays dans l’anarchie la plus totale, il est certain que l’existence même du pays serait encore plus menacée. La mainmise de l’International se renforcerait et nous aurions encore et toujours à faire face au même défi : mettre fin à la polarisation à outrance de la société et chercher une solution nationale pour débloquer le pays.
Malgré tout, il nous reste quand même une chance pour faire de 2006 l’occasion de la construction de ce pays légué par nos ancêtres en 1804 en surmontant nos dissensions destructrices, nos tendances à fragmenter le pays, qui ont surgi depuis la mort de Dessalines en 1806. Depuis lors, nous nous sommes détournés-es de notre lutte contre toute forme de domination ; donc de l’engagement pris en 1791. Nous nous sommes écartés-es de la voie de la libération, jusqu’à aboutir aujourd’hui au naufrage d’une société qui se désagrège et à la situation d’un pays en déroute.
Il faut arrêter le morcellement du pays en camps opposés qui nous renvoie à des dichotomies diverses : Lavalas - GNB ; nantis - pauvres ; élite - masses ; ville - campagne ; zones de « non-droit » et reste du pays, etc...
Nous proposons donc un autre choix : la construction d’une force sociale solidaire dans la recherche d’un consensus sur les orientations à donner à ce pays. C’est-à -dire forger une unité entre diverses couches sociales qui ont un intérêt dans la construction d’une nation. Ce moment historique requiert la mise sur pied d’un camp solide pour re-fonder la nation, asseoir le pouvoir de la société : le camp de l’autre Ayiti.
Ce programme de re-fondation de la nation doit inclure toutes les catégories sociales, sur la base de ce que nous avons en commun comme peuple et de notre détermination à observer les mêmes principes, à partager les mêmes valeurs, dans le respect des règlements du vivre ensemble qui doivent être définis collectivement. Nous pouvons y arriver par la négociation entre les différentes classes sociales, en ayant comme boussole la prise en charge de la destinée de notre pays, pour que des puissances étrangères ne foulent plus aux pieds notre dignité de peuple.
Nous voulons convier tous ceux et toutes celles qui veulent voter le 7 février à ne pas oublier ce que nous, haïtiens et haïtiennes, avons déjà vécu comme mauvaise expérience en votant pour une personne. En gardant cela à l’esprit et en tenant compte de l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le pays, voter en faveur d’un ou d’une candidate devrait constituer un acte posé après des négociations menées avec ce-tte dernier-ère et des garanties obtenues pour l’aménagement d’un espace permettant de construire le pouvoir de la société. De toute façon, nous sommes convaincus-es que l’individu aspirant réellement au changement, qui va poser le geste de voter sans se retrouver préalablement dans le camp engagé dans la construction d’une force sociale solidaire, n’aura à sa disposition aucun moyen lui permettant de défendre son bulletin de vote après les élections.
C’est pourquoi, nous avons la certitude que le 8 février 2006, toutes celles et tous ceux qui sont contre le kidnapping, la corruption, l’injustice et l’impunité ; toutes celles et tous ceux qui sont contre la violence, le viol, la cherté de la vie, la misère infrahumaine terrassant particulièrement les diverses couches des secteurs populaires ; toutes celles et tous ceux qui revendiquent la souveraineté du pays, verront la nécessité de mettre en branle une démarche d’unité pour trouver une entente entre nous. LAVALAS ou GNB, celles et ceux qui parlent de conférence nationale, de contrat social, de congrès de re-fondation ou bien qui prônent un vrai dialogue national, rapprochons-nous pour initier un grand mouvement. Rejoignons-nous pour lancer ce mouvement de construction d’une force sociale solidaire et déclencher la mobilisation de tout le pays sur le chantier de la re-fondation de la nation.
La Communauté internationale déclare : « qu’on le veuille ou non, élections le 7 février ! » Nous, signataires de la présente, disons : qu’on le veuille ou non, le 8 février, nous resserrerons les rangs pour démarrer le mouvement de construction de la force sociale solidaire, dans le cadre du programme de re-fondation de la nation !
Soyez au rendez-vous, le 8 février 06 !
Port-au-Prince, le 21 janvier 2006
KSIL (Kolektif Solidarite Idantite ak Libète) / Yanick Guiteau Dandin
Kay Fanm / Magalie Marcelin
CPREDH (Centre pour la promotion et le respect des droits humains) / Louverture Frantz
CROSE (Coordination Régionale des Organisations du Sud-Est)/ Gérald Mathurin
KORENIP (Kòdinasyon à’ganizasyon Rejyonal NIP) / Jean William Jeanty
SPI (Syndicat du Personnel Infirmier) / Rose Bello Bernard
PEJEFE (Programme d’encadrement de jeunes, femmes et enfants) / Gladys M. Merceron
UMHA (Union des Médecins Haïtiens) / Armel Demorcy
Tony Cantave
Rita St Louis Duvivier
Lyse-Marie Déjean
Marc Anglade
Pour tout contact, les intéressés/es peuvent :
passer à Kay Fanm, 11, rue Armand Holly
appeler le 245-5174
envoyer un message à ksilayiti@yahoo.fr