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Haiti - Elections : Le contexte sécuritaire, condition de crédibilité du prochain scrutin, selon des organismes canadiens

Lettre ouverte de Concertation pour Haiti et de Droits et Démocratie au secrétaire général de l’ONU

Document soumis à AlterPresse le 27 janvier 2006

Monsieur Kofi Annan,
Secrétaire général des Nations Unies

Dr. Augustine P. Mahiga,
Président du Conseil de sécurité des Nations Unies,
201 East, 42nd Street, (675 3rd Avenue) Suite #1700,
New-York, N.Y. 10017
tzny@tanzania-un.org

Monsieur Allan Rock,
Ambassadeur du Canada aux Nations Unies,

Objet : Lettre ouverte
concernant le climat d’insécurité en Haïti
et le mandat de la MINUSTAH

Messieurs,

Les organisations non gouvernementales québécoises regroupées au sein de la Concertation pour Haïti (CPH), ainsi que l’organisme Droits et Démocratie, reconnaissent les efforts des Nations Unies pour favoriser en Haïti la reconstruction d’une société démocratique. Ils sont néanmoins extrêmement inquiets du climat d’insécurité qui continue de prévaloir en Haïti, plus particulièrement à Port-au-Prince. Alors qu’on assiste tous les jours à des enlèvements, viols, tortures et assassinats, la liste des victimes ne cesse de s’allonger. Entre temps, nous ne pouvons que constater les piètres résultats obtenus par la MINUSTAH au chapitre de la sécurité humaine.

La CPH et Droits et Démocratie ont toujours cru que la présence de la MINUSTAH était rendue nécessaire en Haïti, étant donné la violence incontrôlée de bandes armées de tout acabit depuis le départ de l’ex-président. Cependant, nous avons peine à comprendre comment la MINUSTAH, présente depuis près de deux ans sur le terrain, avec un personnel imposant, des milliers de soldats, des centaines de policiers et une forte infrastructure, est dans l’incapacité, à toutes fins pratiques, de réaliser son mandat, soit celui de rétablir l’ordre et la sécurité dans le pays et de procéder au désarmement.

C’est avec une vive inquiétude que nous relevons les problèmes suivants, en relation aux interventions de la MINUSTAH :

- Plusieurs rapports soulignent la passivité des membres de la MINUSTAH alors que des actes de violence sont perpétrés devant eux, ou que des personnes portant des armes prohibées par la loi circulent impunément devant eux.

- à€ plusieurs reprises, des bévues ont été commises par des contingents de la MINUSTAH : attaques erronées à des entreprises ou même envers des patrouilles de la PNH.

- On a aussi rapporté des bavures répétées, alors que les tirs de la MINUSTAH ont causé la mort ou les blessures de plusieurs victimes innocentes.

- On note également un manque de coopération et de coordination flagrant, voire de l’hostilité, entre les forces de la MINUSTAH et de la Police nationale d’Haïti (PNH).

- Aucun désarmement significatif des bandes armées n’a été effectué jusqu’à maintenant.

Il nous apparaît extrêmement regrettable que ces faits répétés amènent la population et plusieurs organisations de la société civile à s’interroger sur le véritable motif de la présence de la MINUSTAH, à savoir si les casques bleus sont là pour protéger les bandes armées plutôt que pour rétablir l’ordre et mettre fin à la violence. Ces faits portent aussi la population à refuser sa collaboration, alors que celle-ci était largement acquise au départ.

La CPH et Droits et Démocratie sont d’autant plus inquiets de cette situation que nous sommes à la veille du premier tour des élections. Nous croyons que la tenue de ces élections constitue une étape indispensable vers la restauration de la démocratie et de la stabilité en Haïti. Cependant, ces élections pourront être crédibles en autant qu’elles se réalisent dans un contexte sécuritaire. Or, il semble que nous nous trouvions devant une grave contradiction : d’une part, la communauté internationale insiste sur la tenue des élections le 7 février prochain, mais d’autre part, la MINUSTAH, expression la plus visible de cette communauté internationale, ne semble pas faire tous les efforts pertinents pour assurer un climat sécuritaire lors de la tenue de ces élections.

Devant cette situation, nous insistons pour que les mesures adéquates soient prises :

- Pour amener le resserrement des commandements civils et militaires de la MINUSTAH, afin d’établir une plus grande cohérence dans les stratégies et les comportements des différents contingents de la mission, en particulier des forces militaires et policières. Il faut s’assurer en particulier que tous ont la même compréhension du mandat, de la mission et de la même analyse de la situation.

- Pour l’établissement de protocoles d’intervention devant des situations de violence, afin de mettre un terme à la passivité des casques bleus. Il faut s’assurer que ces protocoles soient connus des différents contingents et soient respectés.

- Pour amener une coopération et une coordination accrue entre les casques bleus et la PNH.

- Pour contrôler le trafic des armes dans le pays.

- Pour effectuer le désarmement des bandes armées et libérer les populations captives de ces bandes dans de nombreux quartiers populaires.

- Pour assurer un contexte sécuritaire lors du prochain scrutin.

Seules des mesures drastiques prises en ce sens pourront réellement assurer que la MINUSTAH remplisse son mandat afin de rétablir un climat de sécurité et de stabilité, propice à la reconstruction de la démocratie en Haïti.

Montréal, 27 janvier 2006

Pour Droits et Démocratie,

Jean-Louis Roy,
Président

Pour la Concertation pour Haïti,

Marthe Lapierre
Développement et Paix

c.c. M. Juan Gabriel Valdès, représentant du Secrétaire Général et chef de la MINUSTAH
M. Pierre Pettigrew, Ministre des Affaires étrangères du Canada
M. Claude Boucher, Ambassadeur du Canada en Haïti