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HaitiWebdo, Numero 41

Silence. Aucun mot officiel sur une nouvelle augmentation des prix de l’essence. L’État s’en lave les mains. Même attitude, paraît-il, par rapport aux affaires de drogue qui secouent la police. Le numéro 3 de cette institution, Jeannot Francois, serait en fuite. Police dans la tourmente. La presse aussi, pour d’autres raisons. Radio Haïti a du cessé d’émettre pour éviter d’être la cible des violents. Pour combien de temps les brigands auront-ils gain de cause, quand des voix têtues s’acharnent, malgré tout, à revendiquer une société différente ?

1] NOUVELLE AUGMENTATION DES PRIX DE L’ESSENCE : POPULATION AUX ABOIS

Les perspectives de tension sociale s’accroissent en Haïti avec une nouvelle hausse de près de 40% enregistrée le 21 février sur les prix des produits pétroliers. Une variation de 30 à 50 Gourdes après la substantielle augmentation du premier janvier 2003. Cette fois, aucun communiqué officiel n’a été émis, et l’Association des Distributeurs de Produits Pétroliers (ANADIP) s’est référée à l’augmentation des prix du pétrole sur le marché international.

Automatiquement les prix du transport en commun se sont ajustés. Entre décembre et aujourd’hui, les prix sur les différents circuits ont quintuplé, sans que l’Etat en fixe le montant. Le climat est tendu entre passagers et chauffeurs.

Dans plusieurs régions du pays, pères et mères de famille ne cachent pas qu’ils crèvent et fustigent le gouvernement en place. Les syndicats de transporteurs et ceux d’autres branches d’activités menacent d’entrer en grève pour forcer l’Etat à corriger la situation. Les étudiants, en particulier, ceux de la faculté des Sciences Humaines, annoncent un mouvement pour la semaine prochaine.

2] DROGUE : MOTUS ET BOUCHE COUSUE

Dossier / par : Vario Sérant

Le malaise s’accentue au sein de la Police Nationale d’Haïti. Jeannot François, responsable de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), s’est volatilisé.

Des informations persistantes, qui circulaient à Port-au-Prince pendant tout le week-end du 22 février, laissaient croire que François aurait pris refuge dans une ambassade à Port-au-Prince. Selon d’autres sources concordantes, le responsable de la DCPJ a déjà quitté précipitamment le pays. Il aurait été localisé à Porto Rico.

Le directeur central de la police judiciaire, qui est le troisième personnage du haut commandement de la Police Nationale d’Haïti (PNH), après le directeur général Jean
Nesly Lucien et l’inspecteur général en chef Arvel Jean Baptiste, devait prendre part, le 21 février, à une réunion du haut Etat major de la police. Mais il ne s’y est pas présenté.

Alors que cette affaire alimente ces derniers jours toutes les conversations ainsi que des rumeurs les plus folles, aucun communiqué officiel de la hiérarchie de la police nationale et de l’Exécutif n’est sorti pour donner une version officielle des faits.

Selon un proche du responsable de la DCPJ, celui-ci aurait quitté son domicile, très en colère la semaine du 19 février, après une rencontre très enflammée avec l’inspecteur général en chef de la police, Arvel Jean Baptiste. Celui-ci aurait exercé, selon cette version, des pressions sur Jeannot François concernant le rapport sur l’affaire Keitan.

Le 13 février dernier, une opération anti-drogue conduite par le bureau de recherche et d’investigation (BRI), à Peggy Ville, s’était soldée par la mort de deux présumés trafiquants, Hermann Charles et Hector Keitan.

A l’issue d’une audition du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) par la Commission Police et Sécurité de la chambre des députés lavalas, le 19 février, le directeur général de la PNH, Jean Nesly Lucien, disait n’avoir pas été informé de cette opération et qu’il attendait le rapport de la DCPJ dont dépendait l’affaire.

Une source autorisée de l’inspection générale, que nous avons contactée au téléphone, a toutefois réfuté les arguments avancés par l’entourage de Jeannot François. La source a ajouté que l’inspecteur général, étant chargé de veiller au respect de la discipline générale et du code de déontologie de la PNH, il arrive assez souvent qu’il ait des échanges fermes avec des responsables des différentes unités de la police impliquées dans certaines opérations. « Lors de ces conversations, l’inspecteur général n’échange pas des civilités, mais il demande des explications sur l’état d’avancement des opérations dévolues à telle unité donnée », a renchéri cette source autorisée de l’inspection générale.

Depuis quelque temps, diverses affaires de drogue suscitent controverses et zizanies au sein de la police nationale. Mais l’atterrissage d’un petit avion, dans l’aile nord de Port-au-Prince, le 6 février 2003, en provenance de la Colombie, et avec à son bord quelque huit cents kilogrammes de cocaïne, a accentué la pagaille.

Le directeur général de la police nationale, Jean Nesly Lucien en personne, fera libérer, dans la soirée du 15 février, quatre hauts cadres de la PNH qui étaient en garde à vue au commisariat de la cafétéria, au bas de la ville (de Port-au-Prince).

Ces quatre personnes, le commissaire de police, Rotchill Bruno, qui s’occupait de la clinique générale au sein de l’institution policière, et trois conseillers civils du directeur général de la PNH, Jean René Lochard, frère du commandant de la police nationale au Cap-Haïtien (deuxième ville du pays), Georges Déré et Louis Jean Léandre, surnommés « les trois mousquetaires », sont épinglées par une enquête de l’inspection générale
autour de l’arrivage du 6 février. L’arrestation de ces quatre responsables a été effectuée au domicile même du directeur de la police nationale, à Tabarre.

Au lendemain de l’élargissement de ces cadres par le directeur de la PNH, une source autorisée de l’inspection générale nous avait indiqué, en réaction, que le conseil supérieur de la police, qui compte entre autres le chef du gouvernement, les titulaires du ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, devrait se pencher sur les cas de toute personne qui entrave une enquête de l’inspection générale de la PNH.

Lors de l’audition très attendue du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN)
au parlement lavalas, ce 19 février, le premier ministre Yvon Neptune, qui préside le CSPN, brillait par son absence. Les autres membres du conseil filaient à toute vitesse, après la rencontre, pour ne pas avoir à affronter la presse.

Le directeur général de la police assurait, en solitaire, sa défense devant les micros et caméras. Jean Nesly Lucien a justifié son intervention en faveur de ses conseillers par le fait qu’ils ont été arrêtés injustement. « On voulait les faire passer pour des gens qui voulaient destabiliser le gouvernevent ». M. Lucien a, par la même occasion, donné la
garantie que trois de ses conseillers, qui avaient eu le temps de quitter le pays, allaient y revenir pour se mettre à la disposition de l’inspection générale. Et comme de fait, ces responsables sont revenus au pays.

Outre les conseillers du directeur général de la police, l’enquête de l’inspection générale autour du débarquement des huit cents kilos de cocaïne, au nord de Port-au-Prince, avait également conduit à l’arrestation du directeur général de la brigade de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS), Evans Brillant, et de cinq autres policiers.

Les Etats-Unis ont récemment placé Haïti sur la liste des pays faibles dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue et annoncé l’annulation des visas américains de plus d’une douzaine de personnes dont deux parlementaires lavalas et des responsables policiers.

En réaction, le président Jean Bertrand Aristide avait indiqué que Haïti était la victime et non le coupable. Le chef de l’Etat avait pointé du doigt Washington qui n’a, selon lui, pas respecté ses engagements. Jean Bertrand Aristide faisait allusion à un accord, conclu sous l’administration de son prédécesseur René Préval, qui autorise les Etats-Unis à patrouiller ciel, terre et mer, pour traquer les trafiquants de drogue transitant par Haïti.

3] Radio Haïti Inter a cessé d’émettre le 21 février à Port-au-Prince, pour ne pas faire les frais d’attaques annoncées pour les jours qui viennent. ( Plus de détails )

4] Les travaux préparatoires de la 3ème Assemblée des Peuples de la Caraibe ont été lances le 20 février à Port-au-Prince, en présence de délégations des mouvements sociaux des 9 départements du pays. ( Plus de détails )