Español English French Kwéyol

Haiti - Elections : Un " momentum Manigat " ?

Interview avec Leslie Manigat [1]

Par Nancy Roc

P-au-P., 23 janv. 06 [AlterPresse] --- La cinquième interview de la série réalisée avec des candidats à la présidence, dans le cadre des élections du 7 février prochain en Haiti, est consacrée à Leslie Manigat du Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP).

Cette série est conduite par la journaliste Nancy Roc.

Nancy Roc : Professeur Manigat, vous êtes candidat à la présidence pour la troisième fois et aujourd’hui, on vous classe parmi les candidats les mieux placés. àŠtes-vous satisfait de ce constat ou doutez-vous encore de la tenue des élections ?

Leslie Manigat : D’une manière générale, je dois dire que je suis anti-triomphaliste et je préfère voir l’évolution des choses en toute lucidité. Il n’en demeure pas moins que je suis obligé d’accepter d’être impressionné par le fait que ma candidature marche bien dans un contexte, malheureusement, qui ne marche pas. C’est là la contradiction : pour nous autres, la candidature avance comme disent les Haïtiens dans leur langage créole imagé et c’est vrai que depuis quelques temps, il y a un « momentum Manigat ». Le mot n’est pas de moi mais il est clair que la question est posée très fortement d’une grande possibilité que nous puissions avoir des résultats positifs lors des prochaines élections. Cependant, la situation du pays est alarmante car il est évident que les conditions techniques de la réalisation des élections peuvent paraît-il être enfin garanties aujourd’hui selon les responsables mais il n’en demeurent pas moins que les possibilités politiques de réussir les élections restent encore incertaines et inquiétantes. C’est pour cela que nous disons que nous allons aux élections parce que c’est un passage obligé mais il faudrait que celles-ci puissent véritablement se tenir et constituer un test de faisabilité. Or sur ces deux points, j’avoue avoir des interrogations et même des inquiétudes.

NR : Il y a encore des gens qui doutent de la tenue effective de ce scrutin annoncé quelque peu par injonction du Conseil de sécurité de l’ONU par la voix de M. Valdès. Vous avez déclaré au journal Le Monde le 10 janvier que « si les autorités nous assurent que les élections sont techniquement possibles le 7 février, et même si elles demeurent politiquement difficiles en raison de l’insécurité, il faut prendre le risque de les tenir », en ajoutant que « l’alternative ne pourrait être qu’un chaos sanglant ou le contrôle total d’Haïti par l’étranger. » Pourriez-vous élaborer votre réponse ?

LM : C’est une position que j’ai depuis longtemps. Je crois que les élections continuent d’être un passage obligé mais le problème est de savoir quand les faire, non pas techniquement mais politiquement. C’est là la grande question. Or pour les réussir politiquement, il se pose un certain nombre d’obstacles. D’abord, l’insécurité actuelle. Il est évident que toute l’inquiétude autour des kidnappings crée un climat d’incertitude, de doute, de peur parfois même de panique dans l’opinion publique et particulièrement chez l’électorat.

Deuxièmement, il y a un jeu. Je dis toujours les choses telles que je les pense et j’irai à l’essentiel : il y a un courant anti-élections dans ce pays. C’est clair ! Ce courant est nourri par différents canaux et il y a une contrariété de différents agendas qui constituent la réalité de ce moment. Ensuite, il faut le dire, même lorsque l’on voit la possibilité de passer par la voie étroite pour aller vers des élections qui créeraient une perspective, il y a une espèce d’hypothèque sur les jeux internes et externes si bien qu’on se demande : Qui veut quoi ? Est-ce que, vraiment, tous ceux qui disent qu’ils sont pour les élections agissent dans ce sens là  ? Et s’ils ne le font pas, quelle est leur véritable perspective sur la conjoncture du pays ? Est-ce qu’il y a la possibilité de trouver une alternative aux élections ? Si c’est le cas, quelle sera cette première ? Peut-on arriver à un consensus qui permettrait d’obtenir une solution acceptable pour tout le monde ? C’est peu probable. Il faut donc savoir quelle sera l’alternative à un chambardement que certains préconisent ouvertement. C’est pour cela que je dis que si ce pays va vers la voie d’un chaos sanglant, nous n’aurons pas de solution à celui-ci, c’est évident. Mais l’alternative au chaos sanglant serait un contrôle plus profond et peut-être total de ce pays par l’étranger d’autant plus que depuis quelque temps, on a agité l’idée d’une tutelle et ceci par des responsables internationaux de haut niveau. Il y a donc cette perspective qui n’est pas simplement une conjecture : il y a eu un projet de ce genre qui évidemment n’a pas pris pied. C’est pour cela que je pense que si les Haïtiens vont dans la direction qui pourrait nous amener à un chaos sanglant, il n’y aura pas d’alternative ; nous irons vers l’intervention totale. Certains le souhaitent mais je ne pense pas que cela soit la solution au problème réel haïtien. Quelque soit cette solution, elle doit être haïtienne.

NR : Professeur, vous savez comme moi que lorsqu’il y a mise sous tutelle, cela entraîne des investissements dans les infrastructures, la lutte contre le déboisement etc...Or, actuellement, les pays dits ‘’amis d’Haïti’’ ne disposent pas de tels fonds selon nos informations. Pourquoi même envisager une tutelle ?

LM : Je ne dis pas que les grandes puissances auraient comme objectif de prendre en charge Haïti. Le fardeau de remettre Haïti sur rail, les étrangers ne sont pas intéressés à faire le sacrifice qu’il faudrait pour y arriver. C’est aux Haïtiens de le faire, c’est ma position. Je dis simplement que les étrangers peuvent être mis dans la situation où ils doivent intervenir, ce qui est complètement différent. Je ne dis pas du tout qu’un plan a été fait et que l’objectif actuellement est de mettre Haïti sous tutelle : non ! Par contre, je pense qu’il peut y avoir une situation qui oblige à un rétablissement de l’ordre et à partir de là une prise en charge même si les acteurs financiers peuvent créer des problèmes. Je vais plus loin : on eut émettre l’hypothèse - on peut la faire sans que cela soit invraisemblable- l’hypothèse d’une expérience cobaye à propos d’Haïti qui concerne une gestion internationale d’un pays en faillite. Il ne faut pas oublier qu’à l’heure actuelle il y a une catégorisation des pays dont celle considérant des pays en faillite et, paraît-il, ingouvernables. Pour cette dernière catégorie, il y a des stratèges qui essayent de trouver des formules que certains appellent ‘’recolonisation’’ mais ce n’est pas cela du tout car nous avons affaire à l’ONU ; je crois qu’elles tiennent plus d’une expérience de gestion de régimes nationaux en faillite ou ingouvernables. Pour ces stratèges, il y aurait donc une solution nationale sous l’égide des Nations Unies. Une fatalité venant d’une irresponsabilité haïtienne pourrait amener à une intervention d’ordre et à partir de là , la formule qui sortirait, pourrait être celle d’une expérience cobaye d’un pays en faillite par la communauté internationale.

NR : Qu’avez-vous pensé de l’alternative de Himmler Rébu vous proposant à la tête d’un nouveau gouvernement de transition de deux ans ? Etiez-vous au courant avant qu’il rende cette proposition publique ?

LM : Non je n’étais pas au courant et je n’ai jamais été averti à temps ou avant. L’idée avait été esquissée à plusieurs reprises c’est évident et ceci était l’objet de rumeurs et parfois même de conversations mais la formulation des deux années etc. m’a surpris dans son caractère public alors que je l’ignorais. Ma position est claire : la meilleure solution, ou du moins la moins mauvaise, c’est les élections. Il faut tout faire pour qu’elles soient techniquement et politiquement possibles. Je ne pourrai pas envisager une formule de chambardement qui me mettrait au pouvoir provisoirement pendant deux ans. Pour deux raisons : je ne serais pas orienté dans cette direction parce que je ne suis pas pour le chambardement et s’il arrive, en tant qu’homme politique, j’aurai à me prononcer par rapport à une fatalité. Je jouerai alors de mon influence pour éviter une catastrophe haïtienne.

Deuxièmement, je ne me vois pas non plus à la tête d’un gouvernement de deux ans car tout le monde sait que je suis un homme sérieux. Si on veut faire quelque chose sérieusement, il faut envisager des modalités sérieuses. Or, je ne vois pas comment un homme sérieux pourrait penser qu’en deux ans on pourra faire quelque chose de valable dans ce pays et dans la situation actuelle. Si l’on est sérieux il faut soutenir les élections ou envisager quelque chose qui donnerait l’occasion d’introduire une période importante de remise en état de ce pays. Ce n’est pas en deux ans qu’on peut le faire et tout le monde le sait. Pourquoi un homme tel que moi qui veut contribuer durablement au sauvetage de son pays accepterait-il d’être à la tête d’un gouvernement de deux ans qui ne serait qu’un passage électoral pour des gens qui seraient, eux, intéressés à la présidence. Je le dis tout de suite : les deux ans ne m’intéressent pas.

NR : Dernièrement, André Apaid a dénoncé une « politique mafieuse » de Lavalas pour provoquer l’abstention des électeurs non favorables à René Préval au prochain scrutin. Qu’en pensez-vous ?

LM : Il faut voir lucidement la situation telle qu’elle est. J’ai dit tout à l’heure qu’il y a un camp anti-élections et il y a aussi le camp pro élections sous de bonnes conditions. Mais je n’ai pas mentionné la troisième possibilité : il y a un camp qui joue à la fois le jeu électoral et le jeu anti-électoral. Or dans la situation actuelle du pays, on soupçonne largement qu’il existerait- et je suis obligé d’être très prudent car je ne vais rien affirmer sans preuve- il existerait je dis bien, un camp où, d’un côté on serait pour les élections à condition de les gagner quitte à intimider la population, et de l’autre, si cette perspective n’est pas claire, brouiller les cartes et empêcher les élections. Autrement dit, ce serait deux cordes à l’arc de manière à se dire, s’il y a la possibilité de dissuader une partie de l’électorat et de réussir un coup électoral, alors pourquoi ne pas prendre le pouvoir ; mais, si ceci n’est pas possible et si le pays, dans sa majorité, s’oppose à une telle éventualité, à ce moment là on gâtera les élections. J’ai l’impression que dans l’opinion publique actuelle beaucoup de gens croient qu’il y a cette tactique dans certains secteurs bien déterminés car ce sont des gens qui veulent à tout prix et dans n’importe quelle condition, rester au pouvoir ou y revenir malgré les pressions du plus grand nombre pour un changement profond et durable. Ce plan est contraire à la majorité de la population c’est pour cela qu’il faut une grande vigilance à l’heure actuelle, une vigilance critique pour que nous ne soyons pas renvoyés, par autorité et par imposition, à une position qui est contraire à celle du pays. Il faut faire basculer ce pays vers la modernité, il faut faire basculer ce pays vers le positif d’un changement profond et radical qui est l’aspiration de mon peuple.

NR : Sous Aristide et l’opposition à ce dernier, vous avez toujours fait bande à part. par contre, vous avez signé l’accord de l’Entente avec les 9 partis politiques. Que pensez-vous du fait qu’ils se soient préparés pour une stratégie commune au second tour mais pas au premier ?

LM : L’Entente des 9 est notre œuvre collective et est une volonté de contribuer à une stabilisation haïtienne pas les Haïtiens en faisant une grande concession vers la stabilité haïtienne que nous nous engageons à faire respecter. C’est un élément de stabilisation qui vient d’un engagement de partis politiques responsables qui acceptent à avaliser une formule qui engage leurs responsabilités, en particulier en tant que candidats à la présidence. Je crois que c’est un fait majeur de l’évolution politique haïtienne et il y a une solidarité qui a été exprimée pour maintenir la stabilité, quelque soit le vainqueur, ceci sur la base d’une acceptabilité des élections. Les 9 ne sont pas pour le chambardement mais ils ont des inquiétudes quant à la qualité des élections.

S’il était aujourd’hui possible de produire un consensus haïtien vers un compromis historique pour le sauvetage national, le chambardement ne serait pas un chambardement mais une évolution heureuse d’une situation qui n’a pas été déjouée. Si on continue le pire qui était déjà arrivé à ce pays, c’est mauvais pour le pays. La continuité dans le sens de continuer le pire qui est déjà arrivé est impossible car il faut un changement dans ce pays. Maintenant soyons clairs : est-ce que les 9 se sont entendus de manière à écarter Préval de la course ou de la possibilité d’arriver au pouvoir ? Je n’ai pas l’impression que la question ait été posée de cette manière, en tout cas, personnellement, en tant que partenaire de l’Entente, je n’ai pas posé le problème de cette façon. J’ai dis qu’il faut, premièrement, que la non violence permette d’arriver à l’ultime solution de la crise haïtienne et, deuxièmement, les élections constituent la voie de stabilisation de ce pays. Ceci concerne n’importe quel candidat qui essayerait de se légitimer par la violence. On ne peut pas improviser mais on peut empêcher d’autres initiatives qui iraient à l’encontre de l’intérêt national. C’est le concours démocratique qui devra être la règle du jeu et dans ce dernier nous n’excluons personne. Nous n’excluons aucun candidat car nous pensons l’emporter sur ce candidat qui n’est pas conforme aux exigences démocratiques de ce pays. Nous disons : l’emporter sur et non pas exclure, c’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais dit que nous voulions éliminer sur la scène politique un candidat au sein du groupe des 9. Nous croyons, c’est un risque, mais nous pensons pouvoir faire confiance à la maturité relative de l’électorat haïtien pour que le chien ne retourne pas à ses vomissements. Voilà exactement la position qui est la nôtre.

NR : Professeur, si vous êtes élu demain, quelles seront vos priorités pour rétablir la sécurité en particulier à Port-au-Prince et à Cité Soleil ? Pouvez-vous nous donner aussi les grandes lignes de votre programme ?

LM : Je donnerai la même réponse pour les deux questions. Nous avons une vision des priorités de ce pays : il est évident que tout est prioritaire vu l’état extrême de détresse de ce pays. Cependant, nous disons une fois de plus qu’il faut les distinguer : il y a d’abord une urgence dans la priorité. Elle s’appelle la lutte contre l’insécurité. On ne peut absolument rien faire comme effort pour rétablir un début de normalité si l’insécurité se poursuit au niveau actuel, c’est-à -dire, intenable pour l’ensemble de la famille haïtienne.

Cette lutte contre l’insécurité a deux volets : l’arme de la force publique au service de l’ordre, de la démocratie et des droits humains. Mais disons le mot, osons le dire, il y aura un aspect répressif inévitable car il y a délinquance criminelle et délinquance insurrectionnelle. D’autre part, l’insécurité a d’autres aspects que celui de la délinquance. Elle a ses racines dans la pauvreté et dans les écarts sociaux. A ce niveau de pauvreté, il faut être capable d’honnêteté pour résister à certaines tentations. Tout le mode sait qu’il faut, comme le disait Saint Thomas, un minimum de biens pour pratiquer la vertu. Je ne légitime pas du tout la criminalité mais il faut essayer de comprendre les mobiles qui font que des gens succombent à la tentation quand c’est l’extrême dénuement qui est leur sort et l’incertitude absolue de pouvoir subvenir à leurs besoins. Le grand problème de ce pays, c’est la faim. C’est le problème central qui est au cœur de l’insécurité dans ce pays. Il faut donc s’attaquer à ce problème d’abord.

Ensuite, il faut avoir une politique de réforme sociale en profondeur, particulièrement envers les démunis et de réhabilitation de l’humain. A la phase où nous sommes- et je vais utiliser un mot très fort- il y a certains secteurs de la population qui sont dans un état de barbarie par rapport à ce qu’on peut appeler un minimum de civilisation. Aussi il faut faire le gros effort de civiliser des barbares de fait. Ils ne le sont pas par volonté mais par situation. C’est là le gros problème de ce pays. J’ai employé un mot très fort mais savez-vous qu’il faut passer le mot sur la barbarie de quelques uns à la fraternité pour tous ? C’est un grand détour mais il faut partir de la barbarie actuelle de quelques uns car l’ange a été bloqué par la bête. Or pour cela il faut, comme le dit l’Evangile, monter ceux qui sont humbles et non descendre ceux qui sont en position de hauteur. Cette réhabilitation est fondamentale et urgente pour lutter contre l’insécurité et amener ce pays vers l’égalité en attendant de l’amener vers la fraternisation.

Ce pays a conquis la liberté. Bravo ! Bravo ! Mais depuis, l’aspiration à l’égalité n’est pas satisfaite et maintenant nous n’avons même pas entamé le processus de fraternisation qui doit être le but d’une collectivité comme la nôtre qui est née à une telle hauteur et a une vocation de grandeur. Je rappelais dans mon dernier débat en citant De Gaulle, j’ai eu une certaine idée d’Haïti, comme De Gaulle disait, « toute ma vie, j’ai eu une certaine idée de la France » en débutant ses Mémoires. C’est la même chose pour moi et les miens : toute ma vie j’ai eu une certaine idée d’Haïti et cette vision d’Haïti demande une réhabilitation des plus humbles de ce pays.

NR : Ma dernière question est quelque peu délicate mais je vous la poserai avec tout le respect que je vous dois Professeur : vous avez un certain âge sinon un âge certain aujourd’hui et il est clair que la présidence de ce pays (ou de n’importe quel pays) exige du stress et de la fatigue extrême. Est-ce que votre âge ne pourrait pas constituer un handicap pour tenir les rênes de ce pays dans les cinq prochaines années ?

LM : Au lieu d’être un handicap c’est mon plus grand avantage ! En dehors de mon profil personnel et de mon capital, c’est mon âge qui constitue mon plus grand avantage. Il y a des choses qui se sont passées dans ce pays que les gens ignorent. Il y a un fossé qui s’est créé depuis 1963 environ où il y a eu un trou générationnel en ce qui concerne la qualité, la formation des gens et l’exode des cerveaux. Il se trouve que ce sont les hommes de mon âge qui ont maintenu ce qui reste de valable et les valeurs anciennes qui ont été malheureusement prostituées ces dernières années. Imaginez-vous qu’à l’heure actuelle, lorsque l’on parle d’un homme d’âge, la jeunesse elle-même -et j’en ai la preuve en tant que professeur- appelle à l’expérience. Ce n’est pas seulement la compétence mais l’expérience et l’honnêteté. Des traits qui nous caractérisent et je m’excuse de le dire, ce n’est pas de l’immodestie.

Quant on dit Manigat aujourd’hui, on ne voit pas seulement mon âge, d’autant plus que je suis « janm ». Manigat est ferme et a une énergie qui est visible dans tout de ce qu’il fait. Je rends grâce à Dieu car ma santé, en plus de mes efforts personnels, est une donation et un don. La jeunesse demande en priorité les valeurs d’une certaine séniorité car elle se dit qu’il y a une génération qui peut encore donner, qui a ce qu’il faut à donner à ce pays pour réamorcer la pente en attendant de passer le maillet à des plus jeunes qui auront alors la formation qu’il faut.

Donc notre rôle est de mener l’ultime bataille de la régénération de ce pays par une catégorie d’hommes d’âge mûr. Et c’est là que ce qui commençait à être un handicap pour certains est devenu un avantage et ils disent « kote granmoun nan ? Nou vle granmoun nan ! ». Le slogan est désormais public : « se nan cheve granmoun nan, nan tèt granmoun nan ke ou ganyen sekrè de yon sèten tip de fomasyon », un profil vertical et de compétence. Et ceci ne vient pas seulement de mes diplômes car ils datent de cinquante ans ; cela vient de l’expérience que nous avons eu à travers l’enseignement supérieur que nous avons pratiqué pendant cinquante ans en nous recyclant constamment, en étant à jour et même en avance comme je l’expliquais récemment. Car dans mon métier, il faut se projeter en avant par rapport à la réalité actuelle et il faut faire des projections par rapport à cette jeunesse qui constitue l’avenir. La carrière qui est la mienne est la garante de la compétence et de l’expérience que le pays réclame et il se trouve que, par la grâce Divine, nous pouvons heureusement réaliser ces grandes exigences du pays.

NR : Professeur Manigat, je vous remercie.


[1Cette interview a été réalisée le 12 janvier 2006