Série sur la Société civile
Par Anil Louis-Juste [1]
Soumis à AlterPresse le 28 décembre 2005 [2]
Le Programme de la « Troisième Voie » comporte son volet de société civile. Anthony Giddens, dans « A Terceira Via... », a plaidé pour le renouvellement de la société civile. La nécessité de cette rénovation est fondée sur la réalité du « déclin civique », de l’« affabblissement du sens de solidarité », les « niveaux élevés de criminalité » et la « dissolution de mariages et familles » ( :88). Portant de ce constat, Giddens a proposé un partenariat actif entre l’Etat et la société civile :
« Etat et société civile devraient agir en partenariat, chacun devrait faciliter l’action de l’autre, mais aussi la contrôler. Le thème de la communauté est fondamental pour la nouvelle action politique, mais non pas comme un slogan abstrait. L’avancement de la globalszation rend une approche communautaire aussi nécessaire que possible, à cause de la pression par le bas qu’elle exerce. ‘Communauté’ n’implique pas la tentative de recouvrer des formes perdues de solidarité ; elle concerne des moyens pratiques de fomenter la rénovation sociale et matérielle de quartiers, petites villes et aires locales plus larges » [3] ( :89).
L’action communautaire, d’ordre économique, suit la proposition de Giddens :
« La rénovation des communautés locales nécessiteuses présume la promotion d’actions économiques comme moyen de générer une récupération civique plus ample » ( :92).
Donc, le développement communautaire est la solution rencontrée par l’auteur. Selon lui, une telle politique doit renforcer l’espace public :
« Les politiques de rénovation communautaire ne doivent pas ignorer la sphère publique. Une sphère publique ouverte est importante tant au niveau local qu’au niveau national, et celle-là est une des manières par lesquelles la démocratisation est directement liée au développement communautaire » ( :95).
Cependant, Giddens est incapable de nier que la société civile est un lieu de conflits sociaux, car :
« L’Etat devrait aussi protéger les individus des conflits d’intérêts toujours présents dans la société civile. L’Etat ne pourrait pas transférer tous ses pouvoirs à la société civile » ( :96).
La société civile solidaire dans la « Troisième Voie » et son Etat d’investissement social sont fondés sur une distorsion théorique de la pensée marxienne. Anthony Giddens a assis son projet de modernisation de l’Etat du Bien-àŠtre sur la falsification de la dialectique marxienne entre l’individuel et le collectif. Selon Giddens,
« Le legs original de Marx a été ambigu sur le thème individualisme versus collectivisme. Marx parla de la disparition de l’Etat comme le futur d’une société socialiste pleinement mûrie, dans laquelle le libre développement de chacun déterminera le libre développement de tous » ( :44).
Cette distorsion théorique lui a permis de placer la solidarité au sein de sa « politique de vie » qui substitue le projet marxien d’émancipation humaine :
« (...), tandis que la politique émancipatrice concerne les opportunités de vie, la politique de la vie se rapporte à des décisions de vie. Elle est une politique de choix, d’identité et de mutualité » ( :54).
Curieusement, Giddens semble confondre Marx avec Durkheim ! Cette confusion est aussi impardonnable que la distorsion de la dialectique marxienne sur la libre individualité. Dans cette dialectique, Marx a laissé clairement entendre que l’individu ne peut se développer qu’au sein d’une société. Et la condition nécessaire pour ce plein développement de l’individu reste et demeure l’auto-gouvernement des travailleurs librement associés. En aucun cas, Marx n’a légué la réforme sociale, encore moins parlé d’opportunité de vie. Il semble que Giddens a rendu l’expression marxienne de possibilité de transformation par celle d’opportunité de vie !
Il est donc évident qu’Anthony Giddens approche la « question sociale » en terme de droit à la citoyenneté. Raison pour laquelle il a mis l’accent sur le rôle de la société civile dans la « reconstruction d’un espace public ». La déqualification de l’émancipation à partir de l’identification de cette dernière à des « opportunités de vie » frise la pensée durkheimienne ; il a évacué le contenu social des moyens de vie et de travail pour masquer l’exploitation, la domination et la discrimination sociales et proposer donc l’harmonie sociale ou collaboration de classes à travers son « nouveau » contrat dénommé « programme de la Troisième Voie ».
De même, la parenté habermasienne de ce programme tire sa généalogie de l’aversion pour la dialectique rationnelle. Comme Habermas a substitué la force de travail et les relations sociales de production par la science et l’interaction dans sa tentative frustrée de reconstruire le matérialisme historique [4], Giddens le fait au niveau de la politique. Ce n’est donc pas par hasard qu’il associe la « rénovation des communautés » à la « reconstruction d’un espace public », moyennant un solide « partenariat entre l’Etat et la société civile ». Pour adjectiver solidairement la « société civile », Giddens s’est vu obligé de remplacer l’individualité par l’individualisme, et la collectivité ou socialité par le collectivisme, car, en terme idéologico-politique, la solidarité est historiquement liée au projet communiste. Le communisme ou libre développement physico-psychique de chacun et de tous, est une matérialisation de la solidarité réalisée dans une société démocratiquement régulée. Or, comme le collectivisme en Union Soviétique n’était nullement solidaire, Giddens a tenté de récupérer la solidarité en attribuant le collectivisme à la pensée marxienne, tout en s’appuyant sur sa béquille habermasienne :
« L’Etat peut réduire la société civile à une peau de chagrin. Ceci s’est produit dans les économies communistes de l’Europe de l’Est et l’Union Soviétique, où n’existait pas une sphère publique développée et où la sociabilité quotidienne restait en grande partie confinée à la maison - en général il y avait peu de restaurants, cafés ou locaux publics pour l’interaction sociale. Une société civile salutaire protége l’individu du pouvoir étatique qui vassalise » ( :95).
Comme il avait déjà décrété la « mort du socialisme comme une théorie d’administration économique » ( :53), il se sent à son aise pour récupérer la solidarité comme idée centrale de la social-démocratie fondée par Marx, Engels et d’autres camarades. Seulement, il a commis une grave erreur d’interprétation pour ne pas avoir compris que la source de la solidarité de la social-démocratie est partie de l’injustice réelle de la société civile et fondée sur la quête d’égalité sociale par libre association des producteurs ; et que, donc, l’adjonction de solidaire à la société civile n’a pas la vertu magique de la rendre juste et égalitaire.
Le Forum Social Mondial semble commettre la même erreur. L’un des fondateurs de ce mouvement, José Corrêa Leite, est assez explicite en ce sens [5] :
« Le mouvement des mouvements [est] une nouvelle manière de faire de la politique, un espace qui a comme référence l’idée de réseau, (...) » ( :11-12).
C’est une « série de mouvements, entités, organisations et réseaux qui luttaient contre ce qu’ils appelaient, dans les pays de langue anglaise, de corporate globalization » ( :11), qui se coalisent dans les « protestations de masse pour le social » ( :63). L’articulation est assumée par des « entités de la société civile » ( :63). José semble oublier la lutte des classes qui se livre quotidiennement dans la « société civile », à telle enseigne qu’il tend à la considérer comme un bloc :
« Constitué d’ONGs, mouvements sociaux, syndicats, associations et entités religieuses ; [le Forum Social cherche] l’identification de stratégies et propositions mobilisantes à des manifestations et actions concrètes de la société civile » ( :64).
Il n’y a donc pas de doute : l’idéologie de la société civile est le ciment du « mouvement des mouvements ». Dans la « Carta de Principios do Forum Social Mondial », le comité d’initiative a d’ailleurs souligné.
« Le Forum Social Mondial est un espace ouvert de rencontres pour l’approfondissement de la réflexion, le débat démocratique d’idées, la formulation de propositions, l’échange libre d’expériences et l’articulation pour des actions efficaces, d’entités et mouvements de la société civile qui s’opposent au néo-libéralisme et à la domination du monde par le capital et n’importe quelle forme d’imperialisme [6] (...) ».
Ce premier principe qui exprime l’hégémonie du discours de la société civile dans le FSM, s’est renforcé dans le cadre descriptif de l’orientation des alternatives du mouvement. Celles-ci :
« Viennent à faire prévaloir, comme une nouvelle étape de l’histoire du monde, une globalisation solidaire qui respecte les droits humains universaux, ainsi que ceux de tous les citoyens et citoyennes dans tous les nations et environnements, laquelle globalisation s’appuie sur des systèmes et institutions internationaux démocratiques au service de la justice sociale, de l’égalité et de la souveraineté des peuples » [7] ( :86-87).
Dans quelle mesure le mouvement altermondialiste rompt-il avec le discours de la solidarité comme nouvelle forme de résoudre la « question sociale » impulsée par les institutions gardiennes des intérêts du capital ? Il paraît que le « tableau de propositions » du FSM n’indique aucun point de rupture d’avec l’ordre métabolique du capital. L’insertion dans l’ordre est plus préoccupante pour le Mouvement, vu que les principales revendications formulées sont l’« abolition de la dette externe des pays pauvres », le « contrôle de capitaux et d’impôts internationaux pour la redistribution de richesses et le financement du développement », le « moratoire sur le commerce international », le « contrôle public des entreprises transnationales », la « défense des droits des travailleurs », le « développement d’un secteur d’économie solidaire », etc. ( :98-102).
En ce sens, il s’agit d’un projet de restauration du capitalisme concurrentiel avec son secteur de bien-être. De toute manière, le « mouvement des mouvements » proteste contre la « logique actuelle qui place le marché et l’argent comme l’unique mesure de valeur », mais reste prisonnier du droit positif qui légitime la domination de la propriété privée capitaliste, pilier central du marché et de l’argent comme source de valeur. Même s’il oppose « Davos [qui] représente la concentration de la richesse et la destruction de notre planète » à « Porto Alegre [qui] représente la lutte et l’espérance d’un nouveau monde possible, où l’être humain et la nature sont le centre de nos préoccupations » ( :137), le Mouvement demeure dans l’horizon du capital, parce que fondé sur la question du Droit. Quand nous savons que le droit évacue le sens substantiel de la satisfaction immédiate des nécessités et de la réalisation solidaire de la liberté, justement pour défendre les positions du capital, est-ce que l’homme peut être une préoccupation fondamentale pour une quelconque forme de régulation sociale du capital ?
Le collaborationnisme de classes est présent dans l’idéologie de la société civile du FSM, parce que l’altermondialisme est fondé sur des initiatives de solidarité et d’universalisation de la citoyenneté ( :25), et ceci, sans la contestation de la base matérielle de l’exploitation capitaliste. L’Organisation Non-Gouvernementale (ONG) en représente l’institution-clé :
« Au milieu des années 1990, toute une série de mouvements sociaux, Organisations Non-Gouvernementales et secteurs de la gauche suivait déjà une discussion critique sur la globalisation assez distincte de celle qui existe jusque-là » ( :37).
Selon Leite, le « mouvement des mouvements » résulte d’une crise du sujet politique central :
« (...), quand presque tous les agencements paraissent possibles et qu’une infinité de sujets émerge, aucun agencement semble être stratégique, et aucun sujet, efficace pour questionner les fondements de la structure sociale établie ou conquérir une autonomie réelle en face du pouvoir. Nous vivons une situation de multiplication et une crise simultanée des sujets politiques. C’est de ce sol qu’émerge le mouvement global et, dans son sein, le Forum Social Mondial [8] » ( :31).
Référence implicite à la crise du mouvement ouvrier et de ses organisations syndicale et politique ! Mais, malgré sa mention de la restructuration productive du capital comme stratégie d’érosion des « liens antérieurs d’identité et de solidarité » ( :24), l’auteur n’a prêté aucune attention à la floraison des nouvelles subjectivités fragmentées, puisque l’ONG est érigée en organisation alternative sans en questionner la fonctionalité dans la reproduction du capital. Or, l’ONG intervient dans la formation du mouvement global résistant, selon le raisonnement de l’auteur, comme un élement de génération presque spontanée et naturelle ( :35). Par ailleurs, pour justifier l’importance de son mouvement, José Corrêa Leite identifie l’échec du « socialisme réel » avec la « crise du marxisme » ( :28, 29-30), dissocie l’économie de la politique ( :22-30). Donc, il nie en même temps, la stratégie de la restructuration socio-reproductive du capital, à travers l’attaque frontale contre l’Etat du Bien-àŠtre ( :14-15 ; 23-25).
Quelle est la proposition du Forum Social Mondial pour résoudre le problème d’exploitation, domination et aliénation des travailleurs ? C’est le développement de l’économie solidaire. La société civile solidarisante combat le monopole, mais accepte la compétition, parce qu’elle fonde son économie solidaire dans le capital. Paul Singer, l’un des plus grands défenseurs de l’économie solidaire, en a posé les conditions de succès :
« La solidarité dans l’économie ne peut se réaliser que si elle sera organisée de manière égalitaire par ceux qui s’associent pour produire, commercialiser, consommer ou épargner. La clé de cette proposition est l’association entre des égaux au lieu du contrat entre des inégaux. Dans la coopérative de production, prototype d’entreprise solidaire, tous les sociétaires ont la même parcelle de capital (...) [9] ( :9).
Plus loin, l’auteur devient plus explicite dans la relation de l’économie solidaire au capital, même s’il la considèrecomme un autre mode de production :
« L’économie solidaire est un autre mode de production dont les principes basiques sont la propriété collective ou association du capital et le droit à la liberté individuelle » ( :10).
Il paraît qu’il confond une forme de produire avec un mode de production, vu que ce dernier est plus ample et peut donc soumettre une ou diverses formes de produire, si nécessaire pour sa propre reproduction élargie. C’est en ce sens que le capital incorpore les formes paysannes de production et l’artisanat rural ou urbain dans sa reproduction expansive. On peut donc entrevoir la débilité patente de la proposition économique solidaire dans son incapacité à concevoir un autre mode de production qui ne soit pas metabolisé par le capital. D’où sa constante référence au capital comme force productive indépassable ! De la même manière, la société civile solidarisante incorpore le point de vue du « capital humain ». Sa tendance à promouvoir des cours professionnalisants et de qualification de force de travail est la preuve la plus pertinente, si s’impose une démonstration empirique.
En fait, le FSM, dans sa promotion de l’économie solidaire comme nouvelle stratégie de développement, n’a pas prêté assez d’attention sur le fait que, dans le système du capital, le développement signifie d’abord et avant tout, le déplacement des pratiques économiques populaires et leur substitution par la modernisation technologique du capital (Voir WW. Rostow dans les Etapes de la croissance économique) et/ou l’utilisation de ces pratiques pour contenir les mécontentements potentiels des secteurs populaires (voir la stratégie de la Banque Mondiale dans la constitution de filets de sécurité à partir de projets de développement solidaire). En aucun cas, le développement n’a le sens de réalisation de la modernité libératrice qui pose la condition de rupture d’avec l’ordre du capital, donc d’un saut qualitatif dans le mode de production en vigueur. C’est ainsi que les anciennes sociétés colonisées n’expérimentent pas l’ère du développement industriel. Alors dominées à travers la politique de coopération dénommée Aide Publique au Développement, elles sont stigmatisées comme sociétés sous-développées ou arriérées où la relation principale entre les personnes est aujourd’hui médiatisée par le projet de développement. Donc, la finalité du développement serait de transporter ces sociétés dans le monde développé, c’est-à -dire dans l’univers complet du capital. Le développement comme croissance économique devient la mesure de toutes les qualités des individus (choix rationnel et esprit de concurrence, par exemple) et, donc, conditionne tous les mouvements.
Or, qui dit développement, se réfère au patron d’expansion du capital post-guerre. Et le projet de développement, quand il est réduit à sa forme locale, dans le cadre de la décentralisation promue par le capital contemporain, comme stratégie d’affaiblissement de l’Etat social, n’est rien que le micro-organisme de développement ou l’ONG. En ce sens, l’économie sociale ou solidaire se transforme en une nouvelle stratégie de subordination du travail antérieurement considéré comme étant arriéré dans le cadre de la reproduction élargie du capital, aujourd’hui.
Le collaborationnisme patent au discours de José Corrêa Leite est incapable de distinguer deux étapes essentielles dans la vie des ONGs : 1) la revendication de la citoyenneté (1970-1990) et 2) la promotion du solidarisme interclassiste (1990 - ). Dans le premier cas, l’ONG a fonctionné comme contestataire d’un « Etat-de-non-droit », en brandissant l’arme de la « société civile » ; dans le second, l’ONG promeut l’économie sociale ou solidaire, en mettant l’accent sur la possibilité pour l’homme « rationnel » de se réaliser même à l’intérieur du métabolisme social du capital. Donc, l’économie sociale ou solidaire ne rompt pas d’avec la solidarité développementiste que le capitalisme a empruntée de la relation chrétienne fondée sur la fraternité métaphysique. Nous savons que les cosmovisions chrétiennes transforment tous les êtres humains en frères et soeurs, tout en laissant l’ordre terrestre intact (comme si ce dernier est la réalisation de la volonté de Dieu !). Ainsi donc, le régime réel du capital s’enracine dans notre conscience, à travers sa transsubstantiation juridique en Liberté, Egalité et Fraternité (A se rappeler les slogans de la Révolution française !)
La solidarité dans l’aide au développement est la forme économique contemporaine qu’épouse la légende fraternelle de la révolution politique bourgeoise. Avec cette force idéologique, le capital pénètre les communautés d’organisation traditionnelle de la vie et du travail pour diffuser les prétendues richesses du progrès, en déviant tous les regards critiques sur les relations sociales communautaires d’exploitation, domination et discrimination encore en vigueur. En ce sens, il n’est pas inconsistant d’aborder le solidarisme de Leite comme la solidarité de la « Communauté Solidaire [10] », c’est-à -dire comme devoir de tous envers tous :
« Le Programme prévoit l’engagement global du gouvernement fédéral, des Etats, des Mairies et de la société. Tous travaillent ensemble - comme partenaires - pour construire une communauté solidaire. (...). C’est par ce motif que le slogan du programme est Tous par Tous (...). Les principes de la Communauté Solidaire sont le partenariat, la solidarité et la décentralisation des actions [11] » ( :93-110).
D’ailleurs, José Corrêa Leite trouve intéressant que l’Organisation des Nations Unies, instrument juridico-politique central du capitalisme post-guerre promeuve la formation d’une société civile mondiale :
« Les conférences thématiques de l’ONU, depuis la décade de 1980, étaient une cible de rencontres de plus en plus larges d’activistes et membres des organisations non-gouvernementales, mais l’Eco-92 symbolisa un changement de qualité dans l’engagement de la naissante société civile mondiale » ( :35).
Il est évident que, pour Leite, les ONGs sont les véritables acteurs de la « société civile » mondiale, même si elle est promue par l’ONU. Dans le cas de la représentation de la société civile comme « alternative à la crise des sujets politique », l’ONU serait une institution « démocratique progressiste ». D’autres références à la « société civile » montrent le caractère harmonique que lui attribue l’auteur : « entités de la société civile », « organisations de la société civile » ( :63). Dans la définition du Forum Social, Leite souligne explicitement la forme d’agent homogène que la société civile ou bourgeoise épouse dans son art idéologique :
« Construit d’ONGs, mouvements sociaux, syndicats, associations et entités religieuses, le Forum Social cherche l’identification de stratégies et propositions mobilisantes à des manifestations et actions concrètes de la société civile » ( :64).
D’espace et luttes antagoniques, la société civile passe au statut d’actrice consensuelle et pluraliste qui cherche à agir dans la perspective dun nouveau contrat social, c’est-à -dire basé sur l’individu bourgeois, sujet-de-droit (donc de citoyenneté et de liberté). Dans la meilleure des hypothèses, l’altermondialisme nouvelle version propose un pacte de collaboration et de coexistence pacifique entre les classes sociales populaires et le capital, et ceci, au nom des sujets multifacétiques, une fois que le capital consente à retirer son programme d’ajustement néo-libéral.
Prochain thème : La société civile d’aujour’hui : un libéralisme multifacétisé
ou un transformisme déguisé ?
.............................................
[1] Professeur à l’université
[2] Voir texte précédent : Hegel, Marx et la « société civile ».
[3] Anthony Giddens. A terceira via. Reflexàµes sobre o impasse polàtico atual e o futuro de social-democracia. Editora Record. Rio / Sà£o Paulo, 2001.
[4] Jà¼rgen Habermas. Para uma reconstruçà£o do materialismo histórico. Edition Vozes, Sà£o Paulo, 1999.
[5] José Corrêa Leite. Fórum Social Mundial. A história de uma invençà£o polàtica. Edition Fondation Perseu Abramo, Sà£o Paulo, 2003.
[6] Tout em rejetant le centralisme démocratique de Lénine, de Forum social Mondial se distancie du noyau philosophique qui a servi de base ontologique à l’élaboration du principe léninien de la démocratie. Ce faisant, il jette le bébé avec l’eau du bain.
[7] Ce discours est beau, l’intention est noble, mais la conscience qui l’a inspiré, est encore celle d’un esclave. Comment peut-on asseoir une « globalisation solidaire » sur le respect des « droits humains », quand l’expérience a prouvé que ceux-ci sont basés sur la propriété privée capitaliste ? Quand tout le contractualisme est fondé sur le principe « sacré » de la propriété privée considérée comme étant naturelle ? Comment peut-on sérieusement penser à établir la solidarité comme principe de coopération entre les sociétés du monde, quand on s’en remet à l’exercice de la citoyenneté et de la souveraineté des peuples ? Là encore, le FSM est incapable de rompre avec la subjectivité libérale où la vie de l’homme est divisée en sphère privée et sphère publique, et qui fait du peuple, l’expression de la volonté générale (voir Locke et Rousseau), et de la souveraineté, une stratégie de contrôle de toute volonté d’émancipation réelle. Dans ces conditions, la référence à des systèmes et institutions démocratiques internationaux est au moins supecte.
[8] Il devient alors plus clair que le FSM partage un lien de parenté très étroit avec le « post-modernisme » qui souffre en général, d’étourdissement, en ce sens qu’il s’évanouit à dénouer toute liaison réelle entre des phénomènes sociaux.
[9] Paul Singer. Introduçà£o à Economia Solidária. Edition fondation Pesseu Abramo, Sà£o Paulo, 2004.
[10] La Communauté Solidaire est l’institution étatique fondée par le président Fernando Henrique Cardoso et dirigée par sa femme, comme stratégie et intervention de lutte contre la pauvreté que sa politique néo-libérale a contribué à aggraver au Brésil.
[11] Cité par Maria do Socorro Alves de Souza : “A representaçà£o da questà£o social no Programa Comunidade Solidária†in Maria Ozanira Silva e Silva (org.) : O comunidade Solidária : o nà£o-enfrentamento da pobreza no Brasil. Edition Cortez, Sà£o Paulo, 2001.