Haiti avance à grand pas vers des élections annoncées pour le 7 février 2006, desquelles doivent sortir un nouveau chef de l’État, 30 sénateurs et 99 députés. Des progrès ont été enregistrés dans la distribution des cartes électorales, mais la distribution pourrait ne pas dépasser 80%. D’autres difficultés font craindre des élections " bouyi vide " (n’importe comment). Et puis, la sécurité n’est toujours pas totalement garantie. Mais, pas question d’un nouveau report.
2,583,773 ELECTEURS EN POSSESSION DE LEURS CARTES ELECTORALES, EN ATTENDANT LA SECURITE
Des progrès ont été enregistrés dans la distribution des cartes électorales avec un taux actualisé de 73% de ces Cartes d’Identification Nationale (CIN) distribuées aux électeurs et électrices dans le Nord-Ouest, les Nippes (Portion du Sud), l’Ouest, l’Artibonite, le Nord, le Sud, la Grand-Anse (Sud-ouest), le Nord-Est, le Centre (Est) et le Sud-Est.
Selon des informations communiquées par le Conseil Electoral Provisoire (CEP), un bilan de la distribution des cartes électorales à la mi-janvier montre que 2,583,773 de CIN ont été remises sur 3,535,025 attendues.
Ces chiffres ont été corroborés par l’Organisation des Etats Américains, responsables de la distribution de cartes, précise le CEP.
Les départements du Nord-Ouest et des Nippes arrivent pour le moment en tête avec respectivement 148,160 et 90,980 cartes distribuées sur 182,282 et 112,382, soit un pourcentage de 81%.
La département de l’Ouest est le plus important si l’on considère le volume de cartes distribuées : 1,150,900 sur 1,453,920. Cependant il vient en troisième position par ordre de pourcentage : 79%.
Les régions de l’Artibonite et du Nord se placent en 4ème position avec respectivement 351,261 cartes délivrées sur 483,723 et 242,150 cartes sur 331,787, ce qui représente globalement un taux de 73%.
Le Sud, la Grand-Anse et le Nord-Est occupent la sixième place. Dans le Sud 166,276 des 247,452 citoyens et citoyennes enregistrés sont en possession de leurs cartes. Dans la Grand-Anse, ils sont 107,524 sur 161,452 et dans le Nord-Est, 86,747 sur 129,150. Dans ces trois régions un taux de distribution de 67% est atteint.
Au neuvième rang, il y a le Centre avec 149,224 cartes remises sur 237,271, soit un pourcentage de 63%. Le Sud-Est ferme le classement avec 90,551 CIN distribuées sur 195,606.
Le Sud-Est, avec un taux de 46% des cartes distribuées, est le seul département du pays où plus de la moitié des électeurs inscrits n’a pas reçu sa carte électorale.
On ne sait pas encore combien de cartes le système électoral pourra mettre à disposition des électeurs durant les deux jours qui restent à courir avant l’arrêt des opérations de distribution.
La campagne de sensibilisation s’est intensifiée en vue de porter chacun à aller chercher sa carte. A cet effet, plusieurs nouveaux spots sont entendus sur les radios et des banderoles de divers organismes, ont été placées sur diverses artères de Port-au-Prince.
Le chef civil de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH), Juan Gabriel Valdes, a prévu, le 16 janvier, que 20% des CIN, soit environ 700.000 cartes, pourraient ne pas être distribuées.
De multiples difficultés techniques ont empêché le maintien d’un rythme soutenu dans la distribution des cartes. Les responsables de centres de distribution se sont plaints tout au long du processus de manque d’équipements pouvant permettre l’avancement rapide des opérations.
Il faut prendre en compte que de nombreuses cartes sont défectueuses avec notamment des erreurs de noms ou de photos, tandis que des électeurs et électrices sont déçus de ne pas pouvoir retirer leurs cartes. Les centres de distribution leur ont simplement annoncé que ces CIN ne sont pas disponibles.
Le CEP n’a pas fourni de bilan à ce sujet. Cependant, il précise que le mécanisme utilisé pour la comparaison des empreintes a permis de détecter 3,000 « fraudeurs » qui auraient tenté de se faire enregistrer plus d’une fois.
Les personnes concernées ne pourront pas voter. Elles seront écartées du processus, selon l’article 46 du décret électoral en vigueur. Il stipule, entre autres, « sont radiées du registre toute double inscription et toute inscription faite frauduleusement ».
A part les difficultés liées à la distribution des CIN, d’autres obstacles concernent la répartition des 800 centres de vote prévus. Selon les informations disponibles, le CEP est en train de procéder à de nouveaux ajustements en créant de nouveaux bureaux de vote dans le département de l’Ouest (Kenskoff), dans le Nord (Pilate) et dans le Sud (Anse-à -Galet).
Serge Gilles de la Fusion des Sociaux Démocrates et Paul Denis de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL) considèrent que divers problèmes relevés pourraient affecter la participation d’une frange importante de l’électorat au scrutin.
Des candidats à la présidence, tels que Gérard Gourgues du Mouvement pour l’Unité Patriotique (MUP) et Hymmler Rebu du Grand Rassemblement pour l’Evolution d’Haïti (GREH) envisageraient même de se retirer de la course à cause des obstacles techniques et autres.
L’autre défi demeure la question de la sécurité. Des quartiers de Port-au-Prince peinent à retrouver le calme à la veille des prochaines élections. Les actes violents sont en nette recrudescence surtout dans le secteur nord de la capitale où, dans la matinée du 17 janvier 2006, deux casques bleus jordaniens ont été abattus (région de Cité Soleil). Un troisième a été grièvement blessé.
Le 19 janvier, un agent 2 de la police, Fritzner Davout, a été tué au Bicentenaire (bloc sortie sud de Port-au-Prince). La veille, le policier Jean Robert Lubin a été abattu à l’avenue Charles Sumner au coeur de la capitale.
L’organisme Médecins Sans Frontières (MSF) annonce que les blessés par balles connaissent une augmentation alarmante à Port-au-Prince. Depuis début janvier, MSF a soigné à lui tout seul 110 blessés victimes de plaies par balles.
Certaines dispositions ont été prises par la police qui a annoncé l’arrestation d’une centaine de bandits. La police de l’ONU a fait savoir qu’un nouveau service anti-kidnapping a été créé.
Toutefois, quel que soit le résultat obtenu d’ici le 7 février prochain, ceci ne devrait pas affecter le processus électoral, car les secteurs internationaux, en particulier la MINUSTAH, ont fait clairement savoir qu’il ne saurait être question d’un nouveau report.