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Le GRALIP dénonce la nouvelle croisade contre la liberté d’expression et les perfides tentatives de dislocation de la presse indépendante

Communiqué

Port-au-Prince, le 20 février 2003

Alarmé par l’interminable série noire de la presse haïtienne, le Groupe de
Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse condamne sans réserves,
l’acte abominable, perpétré le samedi 15 février 2003, en la résidence du
journaliste de Radio Métropole, Goudou Jean Numa et les persécutions ayant
forcé le confrère à se mettre à couvert. Tout en s’interrogeant sur
l’origine et la motivation de cette nouvelle agression contre la corporation
des journalistes, le GRALIP veut attirer l’attention de l’opinion publique
sur le fait que M. Goudou, en sa qualité de reporter, a eu dans un passé
récent, à réaliser des interviews, des reportages et à soulever, dans
certains points de presse, des questions d’une certaine tonalité politique ;
où une large place était laissée à la critique de l’action du pouvoir
lavalas. Le journaliste n’avait pas non plus hésité à s’exprimer, dans une
analyse de conjoncture qui réunissait intellectuels, universitaires et
professionnels de la presse, sous le patronage de l’organisation « 
Initiative Citoyenne », le 7 février, au Cap-Haïtien.

Le GRALIP, qui assure le confrère de sa solidarité pleine et entière, exige
des autorités compétentes des mesures appropriées en vue de garantir la
sécurité de Goudou Jean Numa et l’adoption de dispositions similaires en
faveur de Radio Métropole qui a dû recourir à une grève de l’information,
durant 24 heures, pour protester contre les nombreuses menaces pesant sur
son personnel journalistique.

Le GRALIP exprime aussi sa solidarité à Radio Haïti Inter qui a dû cesser
ses émissions, pour une durée indéterminée, à la suite de menaces directes
et persistantes, à travers des appels téléphoniques et la présence
d’individus en cagoules devant la station. Le GRALIP relève que ces menaces
interviennent au moment où l’affaire Jean Dominique est entrée dans une
phase cruciale.

Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse (GRALIP)
tient à rappeler que cette nouvelle atteinte à la liberté de la presse a été
précédée ou suivie de plusieurs autres cas. Citons :

- les sept journalistes des Gonaïves pourchassés et bannis par « l’armée
cannibale » ; contraints dans un premier temps à l’exil intérieur, six
d’entre eux se sont finalement expatriés .

- Les menaces à peine voilées du fugitif Amiot Métayer contre le directeur
de la salle des nouvelles de Radio Métropole, Rotschild François Junior.

- L’interpellation, le mardi 18 février, en marge des funérailles d’un
membre de Fanmi Lavalas, du correspondant de Radio Vision 2000 à Petit
Goâve, Elysée Sincère, et l’incendie de la résidence de son père, Montigène
Sincère, correspondant de La Voix de l’Amérique.

- Le passage à tabac par la police d’un reporter de la TNH, Exinor Robenson
Jean Robert, la semaine dernière, à l’aéroport international de P-au-P ;un
incident que la télévision a étrangement passé sous silence.

- La correspondante-stagiaire de Radio Ibo aux Cayes, Rose Miliana Milord,
agressée verbalement par des membres d’organisations populaires proches du
pouvoir, lors d’une manifestation à l’occasion du 7 février.

- Le séjour forcé à Port-au-Prince, depuis six mois, de Bidry Dorsainvil,
journaliste de Radio Voix Ave Maria, au Cap Haïtien et porte-parole de l’AJH
dans le nord. Le confrère était activement recherché par des membres
d’organisations populaires, à la suite d’une émission de lignes ouvertes sur
le fonctionnement de la police nationale.

- Le saccage des installations de Radio Maxima, au Cap Haïtien, à cause de
la politique éditoriale anti-gouvernementale de la station.

Fort de constat, le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la
Presse (GRALIP) est vivement préoccupé par la généralisation de
l’intolérance politique qui menace et viole outrageusement la liberté
d’expression, d’opinion, met en péril l’exercice du métier de journaliste,
du droit à l’information, solidaire de toutes les autres libertés
citoyennes, dont la jouissance est garantie par la charte fondamentale, les
lois de la république, la déclaration universelle des droits humains et les
conventions internationales engageant la responsabilité des Etats.

Tourné désespérément vers des pratiques anachroniques de clientélisme et de
fanatisme au premier degré, le pouvoir actuel investit beaucoup dans la
propagande massive et les gesticulations populacières. Un état de choses
dont s’accomodent mal le pluralisme idéologique, le devoir moral et la
responsabilité sociale des médias appelés à véhiculer des valeurs associées
à la convivialité, la justice, la paix et le progrès.

En vue d’évacuer toutes les contestations ou revendications sociales - aussi
légitimes qu’elles puissent être- l’administration lavalas et ses plus
chauds partisans se servent de l’audience, de la crédibilité des médias
indépendants pour distiller une rhétorique criminogène et imposer à 
l’opinion publique un modèle d’infâmie politique. Beaucoup ont été
profondément choqués par les insanités d’un spot, omniprésent pendant
plusieurs jours sur les ondes, qui appelait à la haine sociale, raciale et à 
la démonisation des 184 associations et institutions de la société civile, à 
l’origine d’un mot d’ordre de grève générale. Tout ceci au mépris des
principes élémentaires de la liberté d’expression, de la cohabitation
sociale et de la doctrine des droits humains.

La diffusion nocive d’un tel message place devant un cas de concience les
médias qui ne peuvent relayer des discours aux conséquences sociales,
politiques, psychologiques et morales incalculables, sans se soucier de leur
degré d’influence sur le public ni de leur manque d’éthique.

Au moment où les tenants du pouvoir vantent les vertus de la liberté
d’expression, le GRALIP relève que, plus que jamais, les « médias d’Etat »,
la Télévision Nationale en tête, sont redevenus, comme jadis, au beau temps
de la dynastie des Duvalier, une formidable machine de propagande dont les
principes de perdition et de perversion sont fondés sur le mensonge, la
calomnie, la propagation de la haine et l’incitation à la violence. Ces
médias, qui devraient être sanctionnés par la corporation et la société,
pour avoir au moins promu le culte systématique de la personnalité, en
violation flagrante de la constitution (article 7), constituent un véritable
champ de mines destiné à dynamiter la conscience collective et enténébrer
une opinion publique, privée de son droit à une information équilibrée et
crédible. Pire, outre les spots publicitaires bénéficiant - sans
justification aucune - d’un régime de surdiffusion qui tourne à l’obsession,
les images du chef de l’Etat innondent littéralement le petit écran, à 
travers des publi-reportages, des sessions de meetings politiques, discours,
déclarations officielles ( le journal de la Présidence sur la TNH) concotés
directement par le puissant bureau de presse et de communication du palais
national. Totalement absorbée par la propagande délirante, la TNH n’hésite
pas, dans le cadre des festivités pré-carnavalesques, à entrecouper ses
programmes de retransmission en direct de morceaux choisis d’interventions
du président. A ce propos, le GRALIP compatit au sort d’un confrère de la
TNH viré, sur ordre passé en haut lieu, en raison de ses commentaires
judicieux, sur le paradoxe de la violence des méringues par rapport à 
l’esprit de 1804, thème officiel du carnaval 2003. De plus, des heures
d’antenne payantes sont régulièrement attribuées, de gré ou de force, à la
présidence, sur d’autres médias.

Le GRALIP déplore aussi la démission intellectuelle et l’indécence morale
caractérisée de certains médias privés ou para-étatiques, totalement dédiés
à la cause du pouvoir. Certains vont jusqu’à approuver des comportements,
contraires à l’éthique professionnelle, tels le port par des travailleurs de
la presse de t-shirts à l’effigie du président Aristide, dans des
manifestations publiques.

Le Groupe de Réflexion et d’Action pour la Liberté de la Presse (GRALIP) est
particulièrement préoccupé par différents rapports, faisant état de
l’existence éventuelle de pratiques d’espionnage dans certaines rédactions.
Une telle situation crée forcément une atmosphère de travail très lourde et
un sentiment d’insécurité permanente, incompatible avec la liberté
intellectuelle nécessaire à l’exercice de la profession. Des éléments
troublants venant s’ajouter à d’autres désagréments, qui empoisonnent au
quotidien la vie de nombreux journalistes et médias (menaces de mort,
manouvres en coulisse, lettres anonymes et répugnantes, opérations de
distribution de tracts).

Dans la même veine, des cameramen de télévision pro-gouvernemntales
auraient, en maintes occasions, montré un intérêt mal placé pour les
confrères et consoeurs de la presse indépendante, en prenant le soin de les
filmer, en gros plan, au détriment des événements qu’ils sont censés
couvrir.

Dans ce climat délétère, le GRALIP note que l’opacité institutionnelle
persiste en matière d’accès aux sources officielles d’informations. A ce
jour, le budget de la sécurité présidentielle demeure une grande inconnue.
De plus, par crainte de subir des sanctions administratives arbitraires ou
des actes de vengeance politique, dans un système qui s’apparente au
caporalisme, des fonctionnaires de l’Etat n’osent plus confier des
informations à la presse. D’où, la séquestration d’informations d’intérêt
public, portant notamment sur le trafic de la drogue, la corruption, la
gestion des deniers publics, la criminalité, les enlèvements en série, le
gangstérisme institutionnalisé et les affaires politico-judiciaires.

Au nom de la morale professionnelle, des valeurs républicaines et des
aspirations démocratiques du peuple haïtien, le Groupe de Réflexion et
d’Action pour la Liberté de la Presse (GRALIP) appelle les confrères et
consoeurs de la presse indépendante à la solidarité et à l’effort collectif
en vue de sauvegarder la liberté de la presse, la mère de toutes les
libertés.

Vario Sérant, Coordonnateur principal

Stéphane Pierre-Paul, Assistant-Coordonnateur

Ronald Colbert, Administrateur