Español English French Kwéyol

Haïti / 2005 : Les masses populaires sous la terreur, selon Batay Ouvriye

P-au-P, 5 janv. 06 [AlterPresse] --- L’organisation syndicale haïtienne Batay Ouvriye (Lutte Ouvrière, en français) appelle à la cessation de la vague de violence et de terreur qui s’abat, depuis plusieurs mois, sur les résidents de Cité Soleil, grande agglomération située à la sortie nord de la capitale haïtienne.

Dans un rapport soumis à l’agence en ligne AlterPresse, Batay Ouvriye indique que « l’année 2005 se termine en répression et terreur pour les masses populaires », particulièrement celles de Cité Soleil.

A la fin de l’année écoulée, les quartiers populaires ont été le théâtre de véritables actes violents. Les masses de Cité Soleil et des zones environnantes, dont Drouillard, sont prises dans un étau sans précédent.

D’un côté, ce sont les gangs armés qui terrorisent la population, de l’autre ce sont les soldats de la Mission de Stabilisation des Nations Unies (MINUSTAH) qui chassent les fauteurs de troubles.

« La pacification de ces quartiers leur est difficile mais leurs patrons, les impérialistes américains, leur a intimé l’ordre d’intervenir malgré tout. La seule forme possible, dans cette contradiction, est par l’emploi de la terreur », estime l’organisation syndicale.

Selon Batay Ouvriye, ces exactions, qui se sont intensifiées suite à la mort du policier canadien Mark Bouque et du soldat jordanien Youssef Algader de la MINUSTAH, sont constamment dénoncées dans la presse.

« Ces actes doivent être dénoncés, mais nous devons également dévoiler leurs connexions politiques, connaître leurs vrais commanditaires et comprendre leur nature dans le cadre du pourrissement où le pays s’engouffre davantage de jour en jour », soutient-elle.

Dans ce rapport-bilan, l’organisme identifie un certain secteur de la « bourgeoisie traditionnelle » qui profiterait de cette situation de « violence aveugle » pour maîtriser la zone et bénéficier de meilleures conditions pour réaliser ses « expériences ».

« On voudrait nous faire croire que ces pratiques n’ont commencé que récemment mais, en réalité, leurs racines sont profondes et, ce qu’il nous faut comprendre clairement, c’est qu’elles prennent toujours souche au sein des classes dominantes, bourgeois « traditionnels » ou
« bourgeois bureaucratiques lavalassiens », précise Batay Ouvriye.

L’organisation syndicale fait également le point sur la hausse continue des cas de kidnapping recensés depuis plusieurs mois à Port-au-Prince. Batay Ouvriye qualifie ces actes de pratiques enlisant davantage encore la situation.

« Le caractère dévoyé de cette violence a cette conséquence de multiplier encore plus le nombre de gangsters, ce qui constitue un effet important dans le climat de terreur qui sévit », fait savoir Batay Ouvriye.

Dans les derniers jours de l’année 2005, « pendant que les chefs de bande festoyaient à Cité Soleil, de nombreuses personnes ont été blessées, les forces d’occupation ayant mitraillé maisons et même églises », affirme Batay Ouvriye.

« Ces actes dévoilent non seulement l’impuissance des forces d’occupation onusiennes à mener des opérations réellement ciblées, mais encore leur parfait mépris pour la population », déplore Batay Ouvriye.

En ce début d’année 2006, la MINUSTAH n’a encore produit aucune déclaration ni de commentaires sur les accusations renouvelées de différents secteurs nationaux de « passivité des forces onusiennes à l’égard des bandits ».

Cité Soleil (environ un demi-million d’habitants) représente aujourd’hui un défi pour les autorités intérimaires d’Haïti qui doivent réaliser des élections générales dans le pays, sans cesse renvoyées sine die.

Des statistiques montrent que la plupart des personnes enlevées sont claquemurées dans ce vaste bidonville considéré comme le fief du président déchu Jean Bertrand Aristide. Au cours de l’année 2005, plusieurs chefs de bande qui y régnaient, dont Emmanuel Wilmer, dit « Dread Wilmey », ont été exécutés par les agents de l’ordre. [do rc apr 5/01/2006 14 :00]