P-au-P, 5 janv. 06 [AlterPresse] --- Le secteur patronal haïtien appelle la population nationale à observer, le lundi 9 janvier 2006, une journée de grève généralisée de protestation contre les actes violents et de kidnapping sévissant à Port-au-Prince.
C’est le président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH), le docteur Réginald Boulos, qui en a fait l’annonce ce 5 janvier 2006, lors d’un point de presse auquel a assisté un reporter de l’agence en ligne AlterPresse.
Ce mot d’ordre de grève généralisée sur tout le territoire national survient environ 48 heures après l’assassinat, par des gangs armés de Cité Soleil, à la sortie nord de la capitale, de l’industriel Ronald Francillon qui s’était opposé à l’intrusion des bandits dans son entreprise située dans ce quartier devenu de non droit depuis plusieurs mois.
« Ouvriers, commerçants, fonctionnaires du secteur public, employés du secteur privé, industriels, chômeurs, parents, écoliers, étudiants, enseignants, participons tous à cette journée », appelle le docteur Réginald Boulos.
Par ce mot d’ordre de grève, le patronat haïtien entend forcer le chef civil de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), le chilien Juan Gabriel Valdes, à passer des « instructions claires et précises aux troupes » ONUsiennes pour qu’elles assument leurs responsabilités.
Le secteur privé s’en prend également au gouvernement de transition qui, en plus de son silence inquiétant sur la situation de terreur vécue par les habitants de Port-au-Prince, « n’a pas su offrir aux responsables et aux membres de la Police Nationale d’Haïti (PNH) l’équipement et le matériel nécessaires pour pouvoir accomplir son devoir de protéger et de servir ».
La CCIH se déclare indignée « des exactions perpétrées impunément par des bandes armées se déclarant ouvertement partisans d’un régime déchu ou appartenant à des groupes politiques participant au processus électoral ».
« Les cas de kidnapping se comptent par dizaines chaque jour et les victimes sont gardées dans des zones de non droit échappant complètement au contrôle des autorités nationales. Ces actions criminelles, d’une barbarie sans précédent, touchent toutes les couches de la population et surtout les plus défavorisées soumises tant à la terreur des groupes armés qu’à la passivité insensible et complaisante des contingents militaires de la MINUSTAH »
La CCIH indique que d’autres secteurs vitaux de la société, comme les transports publics et les petits commerçants du secteur informel, seront contactés ou associés à cet appel à une grève généralisée de protestation, lancé pour le 9 janvier 2006. Le monde scolaire, qui doit reprendre ses activités le 9 janvier, n’a pas encore manifesté de position relativement au mot d’ordre.
« Les habitants de Cité Soleil méritent de vivre dans la tranquillité », soutient le numéro 1 de la CCIH qui promet de sensibiliser toutes les forces vives de la nation en vue de la réussite de cette journée de grève généralisée.
« La population haïtienne a assez souffert. Elle exige que les Nations Unies respectent leurs engagements. Le mandat de la MINUSTAH est de mettre en place et de garantir un environnement sûr et stable, afin que nous puissions avoir des élections crédibles, afin que nous puissions tous travailler à la construction économique, sociale et politique de notre pays », précise l’homme d’affaires.
Réginald Boulos réclame de la MINUSTAH « l’arrestation et la mise hors d’état de nuire des chimères, des kidnappeurs et autres assassins qui terrorisent la zone métropolitaine [NDLR : de la capitale haïtienne] et ses environs ».
De nombreuses citoyennes et de nombreux citoyens ne cessent point de stigmatiser l’attitude qualifiée de « passive » de la MINUSTAH, dont certains membres sont accusés de "turistas" (touristes) voire de complicité avec des chefs de gangs dans des quartiers populaires, dont la grande agglomération de Cité Soleil.
A la fin de l’année 2005, Valdes avait à nouveau reconnu que Cité Soleil, où les bandits utilisent les habitants comme « boucliers humains », continuait de représenter un défi pour les forces de sécurité, y compris pour la Police Nationale d’Haïti.
Les actes violents sont en nette progression dans la capitale haïtienne depuis plusieurs semaines. Selon les autorités policières, au moins 27 cas de meurtres et 43 cas de kidnappings ont été enregistrés dans la zone métropolitaine, du 12 décembre 2005 au 3 janvier 2006.
« La majorité des personnes ont été tuées par balles. Leurs cadavres ont été retrouvés un peu partout dans la zone métropolitaine », a indiqué le 4 janvier 2006 un porte-parole de la Police nationale.
Depuis le début de l’hiver, Cité Soleil reste le lieu où sont encloîtrées les personnes kidnappées. Récemment, 13 écoliers ont été enlevés dans un autobus par des inconnus armés qui les ont retenus pendant quelques heures dans ce vaste bidonville. [do rc apr 5/01/2006 13 : 30]