P-au-P., 4 janv. 05 [AlterPresse] --- L’Institut Culturel Karl Levêque (ICKL), organisme qui accompagne des organisations populaires en Haïti, exprime ses appréhensions quant à l’organisation effective d’élections honnêtes, crédibles et démocratiques dans le pays.
Les élections présidentielles et législatives, prévues pour ce 8 janvier 2006, ont été officiellement reportées le 31 décembre 2005 par le Conseil Electoral Provisoire (CEP), sans que de nouvelles dates aient été retenues. Des problèmes techniques, notamment liés à la distribution des cartes électorales, sont à la base de ce report, signale le CEP dans son communiqué.
Au-delà des difficultés d’ordre technique, l’ICKL s’interroge sur la faisabilité d’élections régulières dans un contexte d’exclusion. Dans une conjoncture où la majorité de la population est exclue, « peut-on espérer des suffrages libres honnêtes et démocratiques », se demande l’institution dans un document publié à la fin de l’année écoulée, intitulé « Pwogram pèp la » (Le programme du peuple).
Dans ce texte, qui se veut un « cahier de revendications populaires », l’ICKL met l’accent sur les demandes des acteurs populaires, alors que, selon l’institut, la majorité des 35 candidats présidentiels et environ 900 candidats législatifs qui se disputent l’électorat haïtien est en panne de programme. Les promesses floues dominent la campagne électorale, ajoute-t-il.
Après des consultations effectuées auprès des organisations populaires de 9 des dix départements d’Haiti l’ICKL soulève la nécessité d’ « encadrement technique adéquat et de crédit » pour les paysans, de « dispositions (étatiques) adéquates pour protéger la production nationale », réaliser d’une « réforme agraire radicale pour que la terre devienne la propriété des gens qui la travaillent ».
« Il faut que le secteur populaire bénéficie de la part de l’Etat de services adéquats » en matière d’infrastructures, d’éducation et de santé, préconise le document. La misère et la cherté de la vie doivent être éradiquées, tandis que l’Etat devra prendre des dispositions pour « redistribuer les richesses du pays au bénéfice des masses populaires (justice sociale) ».
Le document estime que « les élections doivent être le moment opportun pour poser le problème de la transformation de la société, en vue de l’émergence d’un Etat autonome ».
Il faut, dans ce sens, « introduire des reformes (...) dans le système judiciaire pour qu’il cesse d’être au service des mieux nantis », réformer les appareils de l’Etat pour les mettre au service de tous et de toutes, « sans parti pris ».
D’un point de vue stratégique, le document de l’ICKL suggère aux masses populaires de se tenir « à distance des partis politiques traditionnels », de « fortifier » leurs organisations « pour charrier » leurs revendications, d’unir le camp populaire et de rechercher la participation au niveau des pouvoirs locaux.
Les sujets soulevés dans « Pwogram pèp la » devraient être au centre d’un espace de débats entre différents acteurs politiques à l’occasion du prochain scrutin, estime l’ICKL.
Mais, selon l’institution, aussi bien dans la campagne que dans la réalisation des diverses étapes du processus électoral, les acteurs populaires sont mis à l’écart. Elle met en exergue une politique de deux poids deux mesures appliquée dans l’établissement des bureaux d’inscriptions, défavorable aux banlieues et de multiples régions très peuplées.
L’institut prend aussi en compte la persistance de l’insécurité, la famine qui ronge la population et l’incapacité du gouvernement de transition à satisfaire les principaux besoins de la population.
L’étude de l’ICKL a été rédigée suite à la réalisation de 25 réunions avec 29 organisations populaires de 9 départements géographiques d’Haïti, 9 ateliers départementaux avec 73 organisations et une rencontre nationale regroupant des représentants de 7 départements du pays. [lf gp apr 03/01/06 10:40]