Par Charles Joseph Charles
Soumis à AlterPresse le 22 décembre 2005
Depuis très longtemps, Dieu était considéré comme loin de nous. Avec noà« l, Dieu est parmi nous. Et, c’est par Marie de Nazareth, fille de notre race, que Dieu devient l’un d’entre nous, à jamais notre frère solidaire. « Voici que tu concevras en ton sein et tu enfanteras un fils, tu lui donneras le nom de Jésus...L’Esprit Saint viendra sur toi et la Puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi le Saint qui de toi naîtra sera appelé Fils de Dieu.. » Cet enfant Sauveur existe pour tout le monde sous toutes ses formes. Grâce à sa bonté, l’amour peut répondre à la haine, la justice à la méchanceté, la pauvreté à la misère, la réconciliation à la violence, le pardon à la vengeance.
à€ chaque Noà« l, l’on se souvient que Dieu s’est fait l’un de nous. Il est né d’une famille où l’on travaille le bois. Pourtant, lui, il travaille les cœurs, autrement plus durs que le bois. Il vient dans le monde. Il marche avec les hommes en les enseignant. Il console les femmes en les écoutant. Il valorise les enfants en les accueillant. L’enfant qui est né sur la paille du bétail - en qui cohabitent le pauvre et le riche, le voyou et le vertueux - s’adresse aux humains, comme s’il n’existait ni prince ni mendiant. Tout ce qui compte pour lui, c’est la dignité de l’être humain. Il est venu habiter parmi nous. Il a parlé notre langage et les gens de campagnes ont compris. Il a pris place à notre table, entre démunis et fortunés. Ce bel enfant étonne le monde entier. Sur nos routes humaines, il a marché presque pieds nus, assez mal vêtu.
Il ne fait pas de discours ; il aime. Il ne dit pas de faire des choses, il agit. « Lève-toi et va. Sois guéri. » Il multiplie les pains. Il donne à manger. Il partage. Ce que l’on partage se multiplie. Les affamés de notre peuple attendent de lui du pain, du manioc, du riz, du pois, du lait, de l’eau. Les prisonniers innocents attendent de lui une vraie justice. Les malades attendent de lui la santé. Les cœurs brisés, les méprisés attendent de lui l’amour et l’attention.
Il apprend aux hommes et aux femmes à se supporter les uns les autres. Il est le nouveau chemin d’humanisation dans notre monde vidé de son humanité. Un chemin jamais frayé jusque là . C’est un chemin d’espérance qui s’ouvre à tout un peuple qui, parfois, voyage dans la nuit, erre lamentablement, tourne en rond sans pouvoir aller de l’avant. Cet enfant vient réveiller la mémoire collective et ouvrir un nouvel avenir. L’enfant, c’est l’avenir même. Il est noir, il est jaune, il est blanc. On dirait qu’il n’a pas de couleur. Il est maison porte ouverte. Il est mains tendues aux blessés du malheur. Malheur de tout genre ! Il est l’amour sans frontières. Il fait répondre à la haine l’amour inconditionnel. Il vient enseigner au peuple haïtien une autre loi : la pratique de l’amour et de la réconciliation dans la justice pour la paix.
Ce peuple - depuis son existence - vit des situations de souffrance et de calamités indescriptibles. Malgré tout, il espère contre toute espérance. Car pour lui, cet enfant est bon. Il croit fermement qu’il ne saurait l’abandonner ni l’oublier. Il espère sans cesse une amélioration de ses conditions de vie. Cet enfant entend le cri du peuple en détresse. Il connaît les déboires des familles en difficulté. Il a vécu dans la pauvreté suffisamment pour savoir que la misère est redoutable. Redoutable parce que démente. Il vient donner sens à l’existence humaine. Il vient ouvrir une brèche de lumière dans l’épaisseur de notre nuit. Il vient nous sortir des ténèbres pour enfin chercher l’étoile que les mages, eux-mêmes, ont cherché. L’étoile qui brillera dans la nuit du peuple haïtien. L’étoile qui transformera la détresse du peuple en une espérance inaudible mais certaine. Cette étoile, ce n’est pas un astre, c’est une personne. C’est l’enfant qui vient dénoncer la violence, l’impunité, les préjugés, le dédain, l’ironie et la misère déshumanisante qui plombent le quotidien. Il est semblable à un oiseau, nous dit BOBIN, qui dérange et interroge par son chant et qui reçoit pour toute réponse un coup de pierre. Et, même mort, il chante encore. Il dit qu’il est la Vérité. La Vérité n’est pas une idée mais une présence, une personne, un regard. La Vérité, il l’est par son souffle, par sa voix, par son comportement. La Vérité vient contredire les puissants de ce monde par sa faiblesse et sa vulnérabilité. Noà« l, c’est Dieu en vérité qui vient au secours de son peuple, bâillonné par le mensonge et l’oppression. Un peuple qui pleure et, au fond de ses yeux, laisse entrevoir la détresse qui s’installe, occupant toute la place. Noà« l, n’est-ce pas Dieu qui vient libérer et désaliéner tout l’homme !