P-au-P, 20 déc. 05 [AlterPresse] --- La Police Nationale d’Haïti (PNH) annonce avoir découvert de nouveaux indices, susceptibles de renseigner sur les manœuvres utilisées, ces dernières semaines, par les kidnappeurs, dont des policiers en fonction, pour commettre leurs forfaits dans la zone métropolitaine de la capitale.
Téléphones portables, autocollants, insignes et plaques de police, sceaux trafiqués du Ministère de la Justice, instance de tutelle de la PNH, font partie de l’appareillage mis en œuvre par les bandits pour procéder à des enlèvements et séquestrations de personnes, indique Michael Lucius, responsable de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
« Dans le cadre de l’opération « OTAN » [NDLR : récemment mise en branle par l’institution policière], nous avons démantelé l’un des plus gros gangs qui opéraient dans la zone métropolitaine, particulièrement à Delmas et à Pernier. La perquisition de la police chez Solon Filomé, chef de ce gang [aujourd’hui emprisonné], a permis de comprendre le fonctionnement de la nouvelle phase du kidnapping adoptée par les bandits ».
Ainsi, s’exprime Michael Lucius, présentant, dans l’après-midi du 19 décembre 2005, un premier bilan de l’opération « OTAN » lors d’une conférence de Presse à la DCPJ.
L’inspecteur Lucius souligne que le gang démantelé utilisait des téléphones portables de leurs victimes ou ceux volés lors de négociations pour obtenir rançons. En ce sens, il demande aux usagers des téléphones portables de signaler la perte de leurs cellulaires à leurs compagnies fournisseuses pour éviter tout problème avec la police.
Les bandits se servent également de « faux » sceaux du ministère de la justice pour faciliter la libération des membres de leur gang, souligne Lucius.
L’opération « Otan » a conduit à l’arrestation de 50 personnes, dont 24 ont été retenues pour leur participation présumée dans des cas de kidnapping, indique l’un des porte-parole de la police, Gary Durosier.
En relation à l’opération "OTAN", la police a procédé à la saisie de 2,600 cartouches, de 6 armes, de matériels de police dont 6 six appareils de radio-communication, 5 plaques de police, 2 gaz lacrymogènes, masques à gaz, 18 cellulaires, deux sceaux trafiqués du ministère de la justice, une machette, 6 livrets de compte d’épargne Unibank et 6 montres de grande valeur.
La plupart de ces pièces ont été retrouvées chez le dénommé Solon Filomé, la semaine dernière, à Pernier, déclare Gary Durosier.
« Nous avons découvert, chez Solon Filomé, une cachette où les bandits mettaient les personnes enlevées. Nous sommes à la recherche de sa femme pour complicité », dit-il.
Un autre chef de gang, Emmanuel Aristide alias « ti Aristide », a été appréhendé au Bel-Air (grand quartier au centre de Port-au-Prince, ancien repaire des gangs pendant les premiers mois de l’année 2005) par la police au cours de la semaine écoulée.
Membre de l’Opération « Bagdad » (actes de banditisme revendiqué depuis le 30 septembre 2004 par les partisans armés de l’ancien régime lavalas), Emmanuel Aristide aurait perpétré l’assassinat de plusieurs policiers et l’enlèvement de plusieurs personnes, selon les responsables de la DCPJ.
Michael Lucius relate aussi la participation de certains policiers, dont Mésidor Jean Nito et Jean Noel Loudwich, dans le gang de Solon Filomé.
« Nous avons trouvé un ensemble de pièces à conviction chez Loudwich attestant un enlèvement d’un ressortissant américain au cours du mois d’octobre 2005. Il s’agit d’un médecin connu sous le nom de Luisius Jesner », précise l’Inspecteur Lucius.
Mettant l’accent sur l’existence d’une « minorité de voyous » au sein de l’institution policière, qui prennent part aux actes de banditisme, Lucius explique que certains individus auraient intégré la police nationale avec des « visées différentes ».
« Tous les voyous se trouvant au sein de la police et impliqués dans des actes malhonnêtes, plus précisément le kidnapping, seront mis au grand jour », promet-il.
Un avis de recherche a été lancé à l’encontre de tous les policiers qui sont de mèche avec le gang mentionné, informe l’inspecteur Lucius signalant que ces policiers impliqués dans des cas de kidnapping sont très dangereux.
Le chef de la DCPJ sollicite, encore une fois, la collaboration de la population.
« Cette collaboration permettra à la société de parler du kidnapping comme un phénomène passé », estime Lucius.
L’objectif de l’opération « OTAN », qui va durer jusqu’à la fin de l’année 2005, est de traquer tous les bandits, y compris les policiers, qui participent dans des actes de criminalité, assure-t-il.
La réalité, vécue par les habitants de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, montre que les bases des kidnappeurs, y compris Cité Soleil, demeurent, à date, un défi pour les forces de la police, y compris pour celles de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH). A plusieurs reprises, la MINUSTAH avait prévenu la population de prochaines opérations non encore effectives à Cité Soleil, le plus grand bidonville de la capitale, tandis que la PNH ne s’y est pas aventurée.
Alors que les opérations policières tendraient à s’orienter dans le centre de la capitale, Cité Soleil reste le repaire des bandits de tout acabit. Ces derniers semblent opérer en toute quiétude sur la route nord et la commune de Delmas (nord-est de la capitale), depuis septembre 2004. [jj rc apr 20/12/2005 13:00]