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Quel avenir pour Haïti ?

Débat

Par Michel Julien [1]

Soumis à AlterPresse le 16 décembre 2005

Tandis que le monde, au cours des vingt-cinq dernières années, était en pleine mutation- chute du mur de Berlin en 1989 puis réunification de l’Allemagne, fin de l’Union Soviétique en 1991, attentats du 11septembre 2001 à New-York, guerre en Irak en 2003, mondialisation de l’économie- Haïti, de son côté, poursuivait sa désintégration. Au cours de cette longue période, outre de brefs moments d’espoirs, on constate que seul le recul est permanent. Ces dernières années ont été vraiment néfastes pour notre pays. En janvier 2004, au moment même où nous rendions hommage à nos Héros et célébrions le bicentenaire de notre indépendance, la déstabilisation se poursuivait. Le tableau est très sombre. Le destin de notre pays paraît de plus en plus préoccupant et fragile, parfois même tragique. Deux siècles après la formidable victoire de Vertières, une seule question reste toujours d’actualité : que voulons-nous donc, nous Haïtiens, pour la première République noire indépendante du monde ? Ce papier, qui ne veut en rien correspondre à une analyse factuelle du cas haïtien, propose de préférence une réflexion sur l’approche typiquement haïtienne des deux dernières crises politiques de 1986 et de 2004, malgré le fait que l’ONU et la communauté internationale tiennent une place de plus en plus grande en Haïti. Sans rien enlever à sa pertinence, il soulèvera probablement plus de questions qu’il ne donnera de réponses.

Parce que, le plus souvent, dans l’Histoire des peuples, les moments critiques ont provoqué l’éveil de
la conscience nationale, suscité de grands élans de solidarité et le dépassement des citoyens, nous avons jugé important de revenir sur deux périodes transitoires agitées, 1986-1990 et 2004-2006, pour essayer de mieux comprendre pourquoi elles n’ont pas permis d’aboutir, dans le cas d’Haïti, à des résultats comparables à ceux d’autres pays, le Chili ou les Philippines par exemple. Les Chiliens, après la cruelle dictature de Pinochet de 1973 à 1990, ont pu redresser la situation de leur pays qui est, aujourd’hui, en pleine croissance. Les Philippins, à l’instar des Haïtiens, ont vécu en 1986 la fin brutale du régime corrompu de l’ex président Ferdinand Marcos et se trouvaient au bord de la guerre civile après des années de graves troubles. Pourtant, grâce aux interventions conduites par certains de leurs leaders, le Cardinal Sin par exemple, grâce à de difficiles compromis au sein de la société civile et de la classe politique, ils ont réussi à traverser la période critique et depuis lors, en dépit des difficultés, ont pu organiser cinq élections présidentielles pour choisir leurs nouveaux dirigeants. En considérant le parcours de ces deux pays, une question s’impose. Se peut-il alors que les élites et les leaders sociaux et politiques haïtiens, concernés par la gestion de la crise nationale, ne se soient pas élevés à la hauteur des défis à relever et n’aient pas convenablement assumé leur responsabilité ? Comment expliquer la détérioration constante du climat politique haïtien depuis 1986 ?

Faisons un bref rappel historique. Dès novembre 1985, divers signes précurseurs annonçaient la fin prochaine du gouvernement de Jean-Claude Duvalier. Celle-ci s’est concrétisée en février1986 et avec la chute de Duvalier fils, prenait fin, au bout de vingt-neuf ans, le long règne Duvaliériste. Le pays a frôlé le désastre et l’explosion sociale, car d’un côté, se trouvaient les « forces démocratiques » qui ont beaucoup souffert au cours de cette longue dictature et de l’autre, les tontons macoutes ainsi que tous les duvaliéristes qui perdaient leur pouvoir qu’ils croyaient éternel et absolu. Un climat de vengeance, de tension, de déchouquage et de panique générale s’est instauré dans le pays avec, à tout moment, le risque d’une guerre civile. C’était une période très instable, douloureuse, dominée par l’Armée d’Haïti. Quatre longues années ont été nécessaires pour s’en sortir. D’éphémères gouvernements militaires et civils, le plus souvent dépassés par les évènements, se sont succédé sans pouvoir vraiment améliorer la situation qui se dégradait. Corruption, magouille, violence, vol, élections frauduleuses, des crimes de toutes les sortes caractérisaient le pays. Et c’est seulement après des échecs répétés d’interminables et d’intenses négociations que les élections de décembre 1990 ont pu enfin se tenir, sous la forte pression de la communauté internationale. Ainsi donc, en quarante-huit mois, nos leaders nationaux ne sont pas parvenus à se concerter en vue de dégager un consensus politique et de faciliter la constitution d’un gouvernement d’unité nationale. De 1986 à 1990, un seul compromis politique sérieux mérite, à notre humble avis, notre attention. Il concernait le choix de Jean-Bertrand Aristide comme candidat à la présidence dans le but d’empêcher l’élection d’un duvaliériste notoire. Bref, l’histoire semble, dans une large mesure, se répéter en 2004. En effet, malgré l’absence de l’Armée d’Haïti et une certaine stabilité à la tête de l’exécutif, l’actuelle période transitoire 2004-2006 semble comparable, sur bien des points, à celle de 1986-1990. Aussi, parce que plus proche de nous, servira-t-elle davantage de référence à notre réflexion car notre intérêt est de mieux comprendre le rôle et la contribution de la classe politique haïtienne dans la résolution ou la non résolution de la crise nationale.

Au début de 2004 comme au début de 1986, sur l’échiquier politique haïtien, on retrouve, en première ligne, deux principales forces politiques qui s’affrontent. D’une part, les alliés du mouvement Lavalasse avec à leur tête, leur leader et président Jean-Bertrand Aristide qui, après avoir été chassé du pouvoir par un coup d’état militaire en septembre 1991, revient au pays en octobre 1994 après de longues et dures négociations et un embargo commercial, accompagné des troupes militaires américaines, pour terminer son premier mandat présidentiel. Réélu en 2001 pour succéder à M. René Préval, soutenu par ses partisans face aux pressions de l’opposition qui réclamait sa démission, il revendique le droit de gouverner et de terminer, selon les prescrits de la Constitution, son mandat de cinq ans débuté le 7 février 2001. D’autre part, les partis d’opposition, toutes tendances confondues, regroupés au sein de la Convergence démocratique, oeuvrent ardemment afin de renverser, au plus vite, le pouvoir lavalassien dont ils contestent l’arrogance et toute légitimité depuis les élections législatives frauduleuses de mai 2000. Depuis cette date, le climat dans le pays n’a pas cessé de se détériorer et la crise s’est davantage aggravée après 2003. En effet, le Groupe 184, réunissant des représentants de toutes les couches sociales, s’est joint à l’opposition traditionnelle pour dénoncer la gestion autocratique et catastrophique du président et de son gouvernement et exiger leur démission. D’où de grandes manifestations parfois violentes opposant les lavalassiens à leurs adversaires. La situation, aux yeux de plusieurs observateurs, était désespérante et faisait même craindre, à certains moments, une guerre civile, tellement les points de vue étaient irréconciliables. Sans chercher à juger de la justesse ou de la légitimité des causes, des attitudes et des positions respectives des uns et des autres dans ce conflit, car ce n’est pas notre propos, il nous semble cependant probable que l’alliance des partis et des mouvements de l’opposition a, dans une certaine mesure, contribué à la chute d’Aristide.

Cette hypothèse admise, comment expliquer la décision des leaders des partis politiques impliqués dans cette alliance de s’en défaire dès le départ de M. Aristide, alors que le climat intérieur laissait très bien prévoir l’aggravation de la crise ? Faut-il y voir la confirmation de ce que j’écrivais, en mars 2004, dans ma Lettre ouverte publiée dans les colonnes d’Alterpresse, [2] à savoir que de nombreux compatriotes pensaient qu’il suffisait de contraindre Aristide à l’exil pour régler le problème haïtien. Sinon, comment interpréter la rapide dispersion des partis politiques et des organisations de la société civile, qui avaient réussi à faire front commun dans le but d’obtenir ces changements politiques ? Faut-il alors accorder crédit à ce dicton populaire qui prétend que les Haïtiens ne s’unissent que lorsqu’il s’agit de défaire les gouvernements ? Comment expliquer, en effet, que les élites et la classe politique haïtienne n’aient pu, en deux occasions assez semblables, mars 1986 et mars 2004, maintenir les deux fronts communs politiques qui auraient pu faciliter la formation d’un gouvernement d’unité nationale ? Cette question est très pertinente au regard de l’histoire récente de notre pays. Car, dans les deux cas, les partis politiques de l’opposition, soutenus par diverses organisations de la société civile et par une grande partie des forces populaires, malgré un environnement momentanément favorable, n’ont pu, pour autant, parvenir à négocier un vrai programme de gouvernement, encore moins, à proposer un projet de pays pour dénouer définitivement la crise nationale.

Il est impérieux de savoir pourquoi, en 2004 comme en 1986, n’a-t-il pas été possible de maintenir un tel regroupement des forces démocratiques ? Les leaders avaient-ils de sérieuses raisons de penser que les alliances n’étaient plus requises après la chute de Jean-Claude Duvalier et de Jean-Bertrand Aristide, alors que le contexte laissait présager une assez longue période d’instabilité qui devait déboucher, tôt ou tard, sur des élections présidentielles ? En 2004 encore plus qu’en 1986, sur la base des récentes expériences, s’étaient-ils interrogés pour savoir s’il y avait des raisons objectives qui militaient en faveur d’une réelle concertation et d’un compromis entre les partis politiques ? Nos historiens se sont-ils déjà intéressés à mesurer l’impact des échecs des politiciens haïtiens à dégager, dans ces deux moments historiques, une vision commune et à se rallier autour d’un projet national, consensuel et constructif ? Il est essentiel, quoique tard, de soulever ces questions afin de comprendre les raisons et les réactions des uns et des autres, de faire toute la lumière sur cette période et d’en tirer, le plus tôt possible, toutes les leçons. Nicolas Machiavel n’a-t-il pas justement écrit que : « Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces événements doivent nécessairement avoir les mêmes résultats ».

Toujours dans ma Lettre ouverte de mars 2004, j’avais beaucoup insisté sur l’urgence de bien cerner, cette fois-ci, le problème haïtien et de l’aborder convenablement pour mettre, une fois pour toutes, fin à toutes ces crises répétitives. J’interpellais non seulement les politiciens mais aussi bien les leaders de la société civile ; les intellectuels, ceux de l’intérieur comme de l’extérieur du pays ; les compatriotes haïtiens autant que les Amis d’Haïti, pour qu’ils conviennent de la gravité de ces crises multiformes et combien destructrices et de la nécessité de se concerter afin de bien traiter, cette fois-ci, le cas haïtien. Presque deux ans plus tard, quel est l’état du pays et quelle est notre appréciation de la situation ?

Face à l’ampleur de la crise nationale, à la fois, sociale, économique, politique, institutionnelle et policière, il faut tout de même admettre que de louables efforts ont été déployés pour éviter le pire. La communauté internationale a vite réalisé que les dangers provoqués par cette situation dépasseraient rapidement les frontières haïtiennes avec, plutôt, de graves conséquences, si elle n’était pas maîtrisée. Elle est donc, une fois de plus, intervenue massivement. L’urgence d’agir n’a donc jamais fait de doute. Mais, cette intervention a-t-elle été bien planifiée et qu’en est-il de l’approche du problème ? Celle-ci reste, à notre avis, encore aujourd’hui, vague, hésitante et peu concluante, faute, peut-être, d’une réelle concertation entre les partenaires impliqués. De nombreuses questions persistent quant au rôle de la Minustha [3] qui n’est toujours pas arrivée à vraiment sécuriser le territoire haïtien et à créer un climat propice à la tenue de bonnes élections. On peut, en effet, s’interroger sur la pertinence de certains gestes et de certaines politiques adoptées en vue de solutionner la crise haïtienne. à€ titre d’exemple, l’organisation des élections, étape décisive de la transition politique, ne soulève-t-elle pas, jusqu’en ce moment, beaucoup de craintes ?

Tout en reconnaissant la complexité du cas haïtien - violence, insécurité, enlèvements, trafic de drogue, chômage, pauvreté, misère, etc - il faut pourtant attribuer une bonne part des difficultés rencontrées à la désorganisation quasi générale, à l’absence de dialogue et de concertation. Sans douter de leur attachement à Haïti, il y a même lieu de s’interroger sur l’attitude plutôt passive et distante de bon nombre de nos meilleurs intellectuels. Comment, en effet, ne pas regretter leur trop faible contribution à la réflexion et au débat qu’exige la situation. Trop peu ont réagi et surtout trop tard, même si, mieux que quiconque, ils maîtrisent la problématique haïtienne et doivent mettre leur savoir au service de leur pays. Nos intellectuels, très majoritairement, ont donc quasiment laissé l’initiative à un petit groupe de politiciens, en particulier à certains pays amis, alors que ceux-ci n’auraient dû ou voulu jouer qu’ un rôle d’accompagnement dans la gestion de la crise. à€ leur décharge tout de même, le climat général d’insécurité invite, aujourd’hui encore, à la plus grande prudence.

Tout de même, est-ce compréhensible dans de telle conjoncture, que le dialogue et la concertation ne soient restés qu’à un niveau superficiel et limités à un cercle restreint, surtout jamais suffisamment engagés au point de favoriser une réelle convergence des idées et des efforts au sein de la Nation en vue de trouver une solution durable. La méfiance perpétuelle, l’ambition des uns et des autres, les magouilles, les manoeuvres dilatoires, les volte-face, ont rendu impossibles toute vraie concertation, tout compromis politique, toute alliance ou fusion, qui auraient permis de faire avancer la cause haïtienne. D’où le grand nombre de partis politiques et de candidats sur l’échiquier politique, ce qui complique encore davantage l’organisation des futures élections.

Ainsi, en ces périodes critiques, le grand mouvement national de solidarité et d’unité auquel on aurait pu s’attendre, afin de conduire le pays vers un meilleur avenir, n’est jamais venu. Bref, au niveau de l’approche et du traitement de la crise, peu de différence apparaît entre 1986 et 2004. Les ingrédients pour de nouvelles luttes fratricides ne sont que momentanément cachés. L’évolution du pays, au cours des vingt-quatre derniers mois, fait ressortir, plus que jamais, la diversité des intérêts de tous les partis politiques et de leurs chefs traditionnels, des groupuscules, des organisations de la société civile. Les principaux acteurs semblent n’avoir presque rien retenu des leçons du passé, leur mémoire est plutôt sélective. La recherche de consensus reste secondaire, l’intérêt particulier prime toujours sur l’intérêt général. La tradition politique haïtienne est féroce. L’Histoire se répète.

Après la longue période transitoire de 86, marquée par la violence et des massacres, par la corruption et la détérioration générale du pays sous la férule de gouvernements éphémères, on ne peut que s’étonner, en 2004, de l’incapacité de nos politiciens et de nos élites à privilégier l’intérêt national et à dépasser le système traditionnel de clans, malgré l’urgence à laquelle fait face la nation. Il reste surprenant à la toute veille des élections, dont les dates ont déjà été plusieurs fois changées et fixées maintenant aux 8 janvier et 14 fevrier 2006, qu’aucun mouvement solidaire en faveur d’une large concertation et d’un front commun « des forces du progrès » n’ait pris naissance et n’ait pas proposé de Projet de société, voire même, s’entendre sur un pacte de gouvernement d’union nationale de façon à donner un peu d’espoir au peuple haïtien. On aurait pu espérer, ainsi, probablement éviter cette pléiade de candidats présidentiels dont on connaît peu la vision et les programmes. La conjoncture exigeait, à notre avis, une telle initiative de la classe politique. De plus, n’aurait-il pas été préférable d’impliquer davantage les citoyens dans la recherche de solution pour assurer, cette fois-ci, une bonne et définitive sortie de crise.

N’est-ce pas, en effet, une erreur de la part de nos politiciens et de nos gouvernants, de n’avoir pas conçu et imaginé des mécanismes de consultation au cours des deux dernières années afin de mieux saisir la vision de leurs concitoyens pour pouvoir répondre convenablement à leurs attentes. à€ ce sujet,
il convient d’apprécier la démarche des rares Partis politiques à avoir parlé au peuple de leur projet de société. Il faut savoir apprécier la démarche du Groupe 184, qui, dans le contexte, a pris les moyens pour, au moins, informer les citoyens de leur projet de Contrat social et rechercher leur adhésion. L’actuel gouvernement haïtien n’aurait-il pas eu avantage à suivre cette même démarche ? Car, fort de l’adhésion du peuple, des partis politiques et des différentes composantes de la société, ne serait-il pas parvenu plus aisément à améliorer le climat général et à atteindre son principal objectif, à savoir l’organisation d’élections honnêtes et crédibles ? Sans nier, encore une fois, les difficultés inhérentes à la dégradation de nos institutions, à l’abandon de nos valeurs, à l’insuffisance de ressources humaines qualifiées et surtout financières de l’Etat haïtien, sans sous-estimer le climat de violence et même des pièges liés à la Constitution de 1987, il y a lieu de se demander si les obstacles de toutes sortes à propos de la planification des prochaines élections et si le bilan plutôt mitigé du gouvernement, ne résultent pas d’un manque de planification, de dialogue, de concertation et de cohésion au sein même de la Nation. En effet, La gouvernance, durant cette transition, n’aurait-elle pas été plus facile si la vision et les objectifs gouvernementaux étaient diffusés, connus et partagés par la majorité des citoyens ?

Après ces interrogations et observations, la question fondamentale est de savoir dans quelle mesure il est encore possible pour nous, Haïtiens, de redresser la situation haïtienne, de bâtir un pays différent, démocratique, juste, prospère et fraternel. Sommes-nous prêts à dépasser nos rancoeurs pour faire un pays ? Quel avenir voulons-nous pour notre pays ?

S’il est nécessaire de rechercher le concours de nos partenaires de la communauté internationale, qui semble d’ailleurs décidée à nous accompagner dans notre démarche de reconstruction, transformer Haïti doit être, à la fois, un privilège et un devoir réservés, en tout premier lieu, à nous Haïtiens. Nous devons en assumer le leadership et notre volonté, notre détermination, doivent être inébranlables, car c’est un défi majeur. Rien ne pourra nous arrêter si nous acceptons de nous unir vraiment. C’est la première condition. Et, c’est maintenant que nous devons agir. Nous ne pouvons nous permettre de rater cet autre rendez-vous avec l’Histoire. Trop d’occasions ont déjà été manquées. Nous devons avoir le souci de créer toutes les conditions favorables au déroulement de bonnes élections. Car, elles constituent une étape importante vers la résolution de la crise haïtienne et vers un meilleur futur.

Aussi, faut-il nous réjouir qu’enfin se soient dessinées, ces derniers jours, quelques timides tentatives de rapprochement entre certains partis politiques. Nos politiciens et nos élites ont-ils enfin compris l’urgence de la situation ? Veulent-ils nous faire mentir, enlever tout fondement à notre réflexion et répondre à nos questions ? Est-ce donc le signe d’une certaine maturité politique ? Pouvons-nous commencer désormais à rêver à la conclusion de vraies alliances politiques en rapport avec les grands courants idéologiques ? Devons-nous oser rêver d’une trève politique de cinq ans, durant lesquels trois ou quatre grands partis politiques, issus de fusions, s’entendraient sur un Projet de société et un Programme de gouvernement et formeraient une solide équipe gouvernementale en vue de redresser le pays ? Allons-nous, pour une fois, nous dépasser, surprendre la communauté internationale, nous montrer dignes, privilégier l’intérêt national et convenir d’un gouvernement d’union ? Quel beau cadeau ferions-nous au peuple haïtien à l’approche des fêtes ? Les trahisons, les luttes fratricides cesseraient pour une première fois, peut-être même les élections deviendraient inutiles. Et c’est plutôt ensemble que la grande famille haïtienne se mettrait au travail en vue de trouver les meilleurs remèdes à notre pays malade. L’avenir serait vraiment prometteur, car « l’Union fait la force ». On pourrait alors parler, cette fois-ci, d’une nouvelle révolution haïtienne, d’une révolution pacifique.

Mais qu’importe que ce rêve se réalise ou pas dans l’immédiat, l’avenir d’Haïti dépend d’abord de nous, Haïtiens et par conséquent nous devons agir. Il est temps de décrire notre vision du pays, de définir des valeurs communes, de nous entendre sur un projet de société consensuel qui prône un Etat de droit, de concevoir une planification nationale avec des objectifs et des priorités, de prévoir également les moyens et les ressources pour nous permettre d’atteindre des résultats profitables à toute la société. Il faudra surtout faire un suivi rigoureux pour garantir le succès. Nous, fils et filles du pays, de l’intérieur comme de l’extérieur, devons nous réunir dans un nouvel esprit et entreprendre le redressement d’Haïti. Nous avons le potentiel nécessaire pour réussir, il suffit de le vouloir réellement.

Pour avoir eu le privilège, dans le cadre de mes fonctions, de contribuer au développement de certaines régions du Québec ; suite à cette longue expérience, je reste convaincu de la possibilité de transformer Haïti en un pays viable et convivial.


[1Consultant en développement économique et en commerce international.
Contact : vegamic@hotmail.com.

[2Lettre ouverte aux Haïtiens et aux Amis d’Haïti publiée sur le Site d’Alterpresse en mars 2004

[3NDLR : Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti