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HaitiWebdo Numero 39

L’establishment lavalas presse le pas pour tenter de lancer le processus des élections législatives à travers la nomination d’un Conseil Électoral Provisoire (CEP). Mais l’opposition maintient ses distances et n’est pas représentée à ce Conseil, formée de 7 membres au lieu de 9. D’autres secteurs se montrent réticents. Au cÅ“ur des débats, la question des conditions pour la tenue du scrutin. Le pouvoir, aurait-il raté le coup qu’il a voulu marquer à la date symbolique du 7 février, 2ème anniversaire de la prise de fonction du Président Jean Bertrand Aristide et 17ème anniversaire de la chute du dictateur Jean-Claude Duvalier ?

ARISTIDE TENTE DE DESARMER LA CONTESTATION à€ SON REGIME

Par Ronald Colbert et Gotson Pierre

Pour démontrer sa bonne foi aux yeux de la communauté internationale, le chef du parti Fanmi Lavalas au pouvoir en Haïti, Jean-Bertrand Aristide, a décidé, par arrêté présidentiel daté du 7 février 2003, de former un Conseil Electoral Provisoire (CEP) de 7 au lieu de neuf membres, en vue d’organiser des "élections anticipées, dans le courant de l’année 2003". L’arrêté laisse une porte ouverte en indiquant que le Conseil sera porte a neuf membres.

Cette initiative fait suite à deux rencontres, l’une tenue le 5 février au Palais National entre les représentants de 7 des neuf secteurs devant désigner des délégués pour intégrer l’organisme électoral, l’autre déroulée le 30 janvier au ministère des Affaires Etrangères entre 6 de ces secteurs.

La Convergence Démocratique, qui regroupe une grande partie de l’opposition politique à Aristide, et un ensemble d’autres partis d’opposition, jouissant de la prérogative de déléguer leurs représentants au CEP, ont manqué à l’appel. Ils estiment non encore réunies les conditions minimales devant faciliter le déroulement de compétitions électorales transparentes.

Ces secteurs politiques ont qualifié de " démagogique " la disposition prise par le pouvoir. Pas question de s’embarquer dans un processus électoral avec, à la tête du pouvoir, Aristide, " un homme qui n’a jamais respecté sa parole ", insistent des responsables politiques.

En face, fonctionnaires de la présidence, parlementaires et autres partisans du régime, multiplient les déclarations pour persuader leurs adversaires a intégrer le processus. Car, disent-ils, "si vous voulez le pouvoir, il faut passer par les élections". Certains parlementaires pressent même ceux dont les noms figurent dans l’arrêté de se manifester désormais en tant que "responsable d’Etat".

Toujours est-il que le secteur privé, l’un des 7 secteurs visés par l’arrêté présidentiel de création du CEP, a affirmé n’être pas lié par cette disposition. D’ailleurs, " nous ne changerons de position que lorsque les conditions seront réunies", a ajouté le secteur des affaires. Même son de cloche de la part du regroupement de 184 organisations socio-professionnelles, qui réclament depuis quelques temps une autre gestion politique du pays.

Le représentant du Secrétaire Général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), David Lee, qui avait assisté a la rencontre du Palais National le 5 février, avait juge que les conditions de mise en place du CEP n’etaient toujours pas réalisées.

Selon des informations circulant dans les milieux politiques à Port-au-Prince, la communauté internationale, dont l’OEA, serait prête à déléguer, dans les prochains jours en Haïti, une mission en vue de faire entendre raison aux différents protagonistes de la crise : régime en place, partis politiques d’opposition et autres organisations de la société.

En janvier 2003, dressant un bilan de la situation politique dans le pays, l’OEA n’avait pas écarté la possibilité d’envoyer en Haïti une autre mission, avec à sa tête le Secrétaire Général adjoint, Luigi Einaudi, dont plus d’une vingtaine de tournées dans le pays depuis les élections contestées de l’année 2000 se sont toutes soldées par des échecs patents.

Prendre de court la contestation

En tout cas, deux ans après avoir investi tout l’appareil d’Etat national dans des conditions jugées " irrégulières ", les élections semblent désormais représenter un objectif crucial pour l’administration lavalas. Serait-ce pour prendre de court la contestation, largement favorisée par la situation socio-économique désastreuse ?

Jean-Bertrand Aristide, qui parait être pressuré dans son agenda politique ou son timing précis pour 2004, l’année du bicentenaire de l’indépendance de la République d’Haïti, a aussi annoncé, le 7 février 2003, le relèvement du salaire minimum journalier, qui passe de 36 gourdes à 70 gourdes, soit moins de 2 dollars américains au taux de change en cours.

Sur le terrain, les prix ont connu une hausse de 150 à 200% pendant que la monnaie nationale, cotée cette semaine a une moyenne de 45 Gourde pour un Dollar, continue sa plongée. Dans le même temps, le courant électrique est distribué au compte-gouttes, atteignant jusqu’à 1 à 3 heures d’énergie tous les 4 - 5 jours dans de nombreux foyers. Sur le plan politique et social, les couches dites vives de la nation tendent de plus en plus à s’appauvrir et à faire face à la violence et à l’impunité.

C’est cette situation que dénonçaient ce 7 février les étudiants à la Faculté des Sciences Humaines. Une journée de mobilisation, exposition de divers produits marqués de leur prix par période, conférences et débats, pour "dessiller les yeux sur la misère". Parallèlement au Cap-Haïtien, deuxième ville du pays, une manifestation anti-gouvernementale a été dispersée par la police.

Le pouvoir met son échec global sur le compte de " l’embargo économique " et de " sanctions " prises par la communauté internationale après les élections controversées de l’année 2000. " Garder à l’extérieur 500 millions de dollars qui reviennent à Haïti est injuste et criminel de la part de la communauté internationale qui affiche sa détermination à violer ses propres principes dits démocratiques ", continuent de répéter les ténors lavalas, qui demandent sans cesse le déblocage de l’aide gelée.

Cependant, de nombreux citoyens interrogés lors de micro-trottoirs, demeurent convaincus que cette crise économique, politique et sociale sévère, qui affecte le pays depuis quelque temps, est le résultat d’une mauvaise gestion du pouvoir par les autorités Lavalas. Ou sont donc passées les promesses électorales de l’an 2000, qui disaient que 2001 serait "bon pour de bon".