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Une association nationale de magistrats dans un contexte d’impunité

P-au-P., 4 fév.03 [AlterPresse] --- Grande première
dans les annales de la Justice en Haïti : un grand
nombre de magistrats et de juristes ont posé, à la fin
de janvier 2003, les bases de l’Association Nationale
des Magistrats d’Haïti (ANAMAH) appelée à redorer le
blason du métier de juges, encore sous l’emprise du
pouvoir exécutif et en perte de crédibilité vis-à -vis
des justiciables et de la population en général. Le
grand public attend de voir à l’œuvre l’ANAMAH qui a
tenu son premier congrès les 30 et 31 janvier 2003
dans la capitale haïtienne.

Ce congrès des magistrats du système judiciaire a été
organisé dans un contexte marqué par des attentats
contre deux juges et un commissaire de gouvernement,
et aussi la confiscation du passeport du juge
d’instruction Marcel Jean, en vertu d’une décision
administrative du ministère de l’Intérieur selon
laquelle le juge Jean n’aurait pas averti « ses
supérieurs hiérarchiques » de son départ pour
l’étranger.

Le juge Marcel Jean est responsable de l’instruction
du dossier d’Amyot Métayer, un puissant partisan du
président du 26 novembre Jean Bertrand Aristide, qui
s’était échappé de manière spectaculaire le 2 août
2002 de la prison des Gonaïves, à 171 kilomètres au
nord de la capitale haïtienne. Le Ministère de
l’intérieur aurait payé des avocats pour défendre
Amyot Métayer après son évasion spectaculaire, a fait
savoir la semaine dernière l’avocat du juge Marcel
Jean.

Il y aurait des risques de « bain de sang » si les
autorités s’avisent d’aller procéder de n’importe
quelle manière à la nouvelle arrestation du « fugitif
 » Amyot Métayer, contre qui « aucun nouveau mandat
d’amener n’a été décerné », aux dires du ministre de
la Justice et de la Sécurité Publique Calixte Delatour
qui a réfuté l’assertion de nombreux juristes selon
laquelle aucun mandat n’est nécessaire pour
appréhender le fugitif Métayer. Calixte Delatour a
déclaré, sur les ondes de la station privée Radio
Métropole, que le dossier d’Amyot Métayer relève
exclusivement de la Justice.

L’ « armée cannibale », groupe armé que dirige Amyot
Métayer, a poussé 7 journalistes des Gonaïves à 
abandonner la ville pour se réfugier à Port-au-Prince
à la fin de novembre 2002. Cette « armée cannibale »
avait exigé et obtenu la démission de la déléguée de
l’Artibonite qui sera remplacée officiellement par une
personnalité choisie par Amyot Métayer au dernier
trimestre de l’année 2002.

Toujours sur le chapitre de la Justice, aucun suivi
n’est jusqu’à date fait aux protestations des médecins
résidents, infirmières et infirmiers de l’Hôpital de
l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH), objet d’actes
d’intimidation de la part de membres d’organisations
populaires (OP) lavalas depuis la manifestation du 10
janvier 2003 dans la capitale haïtienne.

Ces membres d’organisations populaires, appelés « 
chimères », menacent le personnel médical de l’HUEH
qui aurait fourni une copie du dossier médical d’un de
leurs camarades blessés par balle bien avant la date
du 10 janvier. Il se trouve que ce membre d’OP fait
partie de la liste des personnes ayant porté plainte
contre l’ex-colonel Himler Rébu accusé d’avoir attaqué
et agressé « plusieurs chimères » au cours de la
manifestation du 10 janvier.

Néanmoins, en ce qui concerne le dossier du double
assassinat du Directeur de Radio Haïti, Jean
Dominique, et du gardien de la station, Jean-Claude
Loissaint, le juge Bernard St-Vil a remis une
ordonnance d’un millier de pages, le 29 janvier, au
Commissaire du gouvernement, Josué Pierre Louis. Les
organismes de défense de droits humains maintiennent
la pression pour porter ce dernier à respecter le
délai de 5 jours francs, prévu par la loi, pour
l’établissement du réquisitoire définitif devant
conduire à un procès criminel. [rc apr 04/02/03 12:30]